700 serveurs HP-UX et un Cobol libre français pour rénover l'informatique de la DGFiP
Créée en 2008, la direction générale des finances publiques (DGFiP) vient d'achever la refonte d'un pan important de son informatique, supportant notamment des applications critiques comme la gestion de la TVA ou la conservation des hypothèques. Au total, plus de 700 serveurs HP Integrity remplacent désormais les serveurs PA-Risc utilisés jusqu'alors, le tout avec des applications désormais motorisées par le compilateur libre du Français Cobol-IT, en lieu et place du Cobol de MicroFocus.
La direction générale des finances publiques (DGFiP), issue de la fusion en 2008 de la direction générale des impôts (DGI) et de la direction générale de la comptabilité publique (DGCP), a achevé au mois d'octobre le déploiement national d'une nouvelle architecture informatique reposant sur près de 700 serveurs HP Integrity rx3600 sous HP-UX (soit un marché de plus de 10 M€). Ces machines viennent remplacer d'autres serveurs HP à base de puces PA-Risc dans chacune des perceptions et hôtels des impôts du territoire.
ENTRETIEN AVEC ... |
Stéphane Croce, Dir. général de Cobol-IT |
D'où vient Cobol-IT ? La société a été fondée en 2008 par des experts Cobol. Nous avons décidé de développer un Cobol Open Source pour fournir une alternative économique aux outils existants. A l'origine nous nous sommes appuyés sur OpenCobol. On a "forké" le code (créé une nouvelle branche de code, NDLR) et on a rajouté énormément de fonctions afin de le porter au niveau des compilateurs commerciaux. (…) Ces développements sont appuyés par une communauté de 800 à 900 personnes enregistreés sur notre site, même si l'on ne peut pas à proprement parler de communauté de développeurs. Fait rare pour un acteur du libre, nous avons certifié notre compilateur sur la plupart des grands serveurs du marché et avec les grandes bases de données et moniteurs transactionnels. Ainsi nous sommes certifiés pour Tuxedo, Oracle, SQL Server… Ces certifications sont requises par nos clients qui, pour la plupart, exploitent des applications critiques. Quelle est votre stratégie sur le marché Cobol ? Notre stratégie porte sur trois grands axes. Tout d'abord celui des systèmes Unix Linux à base de Cobol. Sur ce marché, nous apportons un clone fonctionnel du Cobol MicroFocus pour permettre aux clients de dégager des économies immédiates dans le cadre d’opérations de modernisation. Nous intervenons aussi sur les projets de rénovation de mainframe. Notre rôle est alors plus limité, mais avec notre écosystème de partenaires, on peut aider dans les stratégies de migration vers d'autres plates-formes. Notre dernière cible est celle des grands éditeurs de logiciel auxquels nous désirons fournir nos outils de développement (un atelier basé sur Eclipse) et de compilation. Pouvoir motoriser ces grandes compagnies est un travail de longue haleine. Que représente pour vous l'intégration à une application critique comme celle de la gestion de la TVA ? A dire vrai, il est inattendu de voir des sociétés comme nous intégrées dans de grands systèmes comme la TVA. Au bout d’une dizaine de mois, être retenu pour une application de ce type est formidable et ça nous ouvre des portes à l’international, notamment sur le marché sud-américain. Cela valide notre approche et nous permet d'enfoncer le clou. |
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Chacune de ces machines héberge de multiples applicatifs : collecte et gestion de la TVA (50,6% des recettes fiscales brutes de l'Etat en 2008), conservation des hypothèques, collecte de la taxe professionnelle (50 % des ressources fiscales des collectivités territoriales). Autant dire le cœur de métier de la DGFiP…
Ces applications ont été conçues en interne par la DGFiP. Toutes ont été à l'origine développées en utilisant les outils et les compilateurs Cobol de MicroFocus. Mais le cahier des charges de la DGFiP faisait obligation d’assurer un cheminement vers le monde de l’Open Source. Le tout en apportant plus de puissance et en assurant la continuité de fonctionnement.
Un compilateur Cobol français et libre
Pour répondre à la demande de la DGFiP, HP a fait le choix de s'allier avec une jeune société française fondée par des spécialistes du Cobol, Cobol-IT. Cette "jeune pousse", a développé un compilateur Cobol libre répliquant les principales caractéristiques du compilateur MicroFocus. Un compilateur performant, mais surtout bien moins cher que celui du leader historique du secteur, qui profite largement d'une rente de situation après avoir consolidé le marché et racheté ses principaux concurrents (notamment Borland).
Comme l'explique Marc Padovani, le patron de la division serveurs critiques d'HP France, l'évolution des architectures matérielles ne devaient en aucun cas affecter la chaîne de développement logicielle existante. HP et Cobol-IT ont donc multiplié les benchmarks et les tests pour s'assurer que la solution était à la hauteur des critères attendus par la DGFiP. Le fait de passer de machines PA-Risc à des serveurs integrity Itanium avait aussi des implications en matière de mise à jour de bases de données et d’applications. "Globalement, vu la criticité des applications concernées, on n’avait pas le droit à l’erreur. De plus il y avait une exigence importante en matière de rapidité de déploiement".
Pour assurer une parfaite intégration aux chaînes de développement en place à la DGFiP, Cobol-IT a répliqué les spécificités du compilateur de MicroFocus. "Notre compilateur étant moins permissif que celui de MicroFocus, nous avons même pu alerter la DGFiP sur certains bogues potentiels", explique Stéphane Croce, le directeur général de Cobol-IT.
Un déploiement en plusieurs phases
Pour ne pas mutiplier les risques, la plate-forme Cobol-IT a tout d'abord été validée sur machines PA-Risc et déployée à titre expérimental dans l’Ouest de la France. En l'absence de problème, le compilateur de Cobol-IT a été alors généralisé à l'ensemble du territoire. Dans une seconde phase, à partir de janvier 2009, la DGFiP a commencé à tester l'ensemble des applications sur serveurs Integrity. Mais le vrai déploiement n'a commencé qu'en juillet 2009 pour s'achever en octobre 2009. Le tout sans problème majeur.
La DGFiP dispose aujourd'hui de l'ensemble des sources du compilateur et Cobol-IT assure la maintenance du produit pour la direction. Dans les mois à venir, le petit éditeur va aussi transférer certaines compétences à la DGFiP, dont notamment la capacité à maintenir le compilateur Cobol (écrit en C). De quoi conforter l'indépendance technologique de la Direction générale des finances publiques, si un jour elle décidait de se séparer de Cobol-IT. Car si l'on met souvent en avant le coût de licence réduit des logiciels libres, on oublie aussi trop souvent l'avantage que représente la possibilité de pouvoir se séparer de son fournisseur en toute connaissance de cause et sans impact ou menace immédiate sur le fonctionnement du SI.