BNP Paribas-Fortis : les informaticiens épargnés par les synergies... pour l'instant
Qui dit fusion entre banques, pense immédiatement aux synergies entre les départements IT, un poste de dépense important dans la finance. Pourtant, les représentants des informaticiens de BNP Paribas et surtout de Fortis, que la banque française est en passe de digérer, affichent une certaine sérénité. Provisoirement ?
900 millions d’euros. C’est le montant des synergies annuelles que BNP Paribas entend dégager du rachat du belge Fortis à compter de 2012. Initialement, il n’était question que de 500 millions. Officiellement, ces synergies doivent être « la contrepartie de coûts de restructuration estimés à 1,3 Md€ sur la période 2009-2011. » Dans ce contexte, les systèmes d’information apparaissent comme un gisement naturel d’économies d’échelle, surtout dans le secteur bancaire où les budgets IT sont élevés.
Sauf que, côté syndicats, aucun phénomène de type mutualisation massive ne semble à craindre. Certes, à la CFDT de BNP Paribas, à Paris, on est bien conscient que « des synergies vont s’opérer » sur le terrain de l’informatique. Mais l’heure n’est pas à l’inquiétude : « nous n’avons pas encore d’information technique sur l’implication de l’IT dans le rachat de Fortis. » Même son de cloche du côté du SNB/CFE-CGC : « on n’en est pas encore à l’examen de la question des systèmes d’information. Pour l’heure, le dossier d’information (des instances représentatives, NDLR) porte sur le commercial et le social. » Les informaticiens patienteront.
Plus surprenant, de l’autre côté de la frontière, dans les bureaux du syndicat libéral CGSLB, le ton n’est guère différent : « beaucoup de projets informatiques sont annoncés pour la Belgique. BNP Paribas prévoit même d’engager des consultants externes pour finaliser des projets en cours », indique un porte-parole joint dans la journée par téléphone. Et si, par exemple, il est question de déployer « à Bruxelles, un frontal Web, développé à Paris, il devrait bien y avoir une part d’exploitation en Belgique. » Pas d’inquiétude, donc ?
Une stratégie forte de mutualisation
Pas encore, en tout cas. Comme le relève un porte-parole SNB/CFE-CGC, « la fusion ne doit être définitive qu’en mai. » C’est peut-être à ce moment-là que tomberont les mauvaises nouvelles. Car BNP Paribas suit activement une stratégie de mutualisation engagée au moins depuis 2007, dans le cadre du programme Eco 2010. Un programme qui a notamment entrainé le regroupement de trois entités liées au SI de la banque au sein d’une seule division, ITP (Information, Technologie et Processus). Mais cette restructuration interne faisait déjà suite à la création d’un co-entreprise avec IBM (BP2I) en 2003, structure chargée de la production. En 2007, BP2I a intégré la production informatique de Partecis, la plate-forme monétique commune à BNP Paribas et Natixis. Et, en 2008, BP2I a ajouté à son portefeuille l’italien BNL, racheté deux ans plus tôt. Bref, pour l’informatique de Fortis, la route semble toute tracée.
Dès lors, les vœux du syndicat belge CGSLB – « nous sommes totalement opposés à tout outsourcing, toute filialisation » – semblent très pieux. D’autant plus que, depuis quelques années, BNP Paribas mise sur l’offshore, au Maroc, en Turquie et en Inde. Dans le sous-continent, la filiale de la banque, BPSS, a sa tête de pont à Mumbaï (Bombay). Laquelle se concentrerait essentiellement sur du retraitement de données. Une stratégie néanmoins prudente, voire « homéopathique » selon les syndicats, avec 200 informaticiens en Inde et au Maroc, à fin 2007. Reste que, fin 2008, la direction de BNP Paribas a demandé à BP2I d’accompagner dans son développement la seconde implantation indienne de BPSS, à Chennaï (Madras). A l’époque, concernant l’offshore, la CFDT soulignait : « de l’intérieur, c’est la galère », mettant en cause la qualité des développements. Aujourd'hui, ce même syndicat se méfie : « notre inquiétude, c’est que le pilotage nous échappe et que la maîtrise d’ouvrage soit délocalisée. » Preuve que la sérénité n'est peut être que de façade.