La France adopte officiellement la carte d'identité biométrique
En adoptant hier la loi sur la protection de l'identité, l'Assemblée nationale a validé la carte d'identité biométrique. Délivrée dès 2012, elle devrait renforcer la lutte contre l'usurpation d'identité. Toutefois, la création d'un fichier central provoque aujourd'hui la polémique.
C'est officiel : la carte d'identité française sera bientôt biométrique. L'Assemblée nationale a adopté hier jeudi 7 juillet la loi relative à la protection de l'identité, dont le texte prévoit la création d’une carte d’identité intégrant deux puces électroniques. Le précieux sésame rejoint ainsi le passeport, qui s'était, lui, doté d'un caractère biométrique en 2005, via une "puce" RFID. Les premières cartes d'identité biométriques devraient être délivrées à partir de 2012.
Gratuit, le sésame national intégrera une première puce, dite régalienne, qui renfermera les informations censées identifier son propriétaire : nom, prénom, adresse, âge, sexe, date et lieu de naissance, taille, ainsi que des empreintes digitales. Cette première puce de type RFID, sera lisible à une distance de moins de 1 cm par un lecteur spécifique. L'utilisateur pourra également, s'il le souhaite, activer les services de la seconde puce qui, grâce à son certificat électronique intégré, pourra être utilisée pour la signature électronique de transactions en lignes ou pour l'authentification à des services électroniques (on pense notamment aux services en ligne de l'État, des collectivités et des organismes sociaux). L'utilisation de cette seconde puce nécessitera toutefois l'acquisition d'un lecteur de carte à puce, dont on espère qu'il arrivera avec un clavier sécurisé, ce qui évitera aux systèmes les critiques qu'ont pu faire les hackers allemands sur la sécurité d'un dispositif identique intégré par l'Allemagne à ses cartes d'identité. Le texte du gouvernement précise également que la présentation de cette carte "nouvelle version" ne sera pas obligatoire et que les citoyens pourront continuer à utiliser leur carte actuelle tant qu'elle reste valide. En revanche, le passage à la carte sécurisée sera imposé lors du renouvellement de l'ancien titre.
Avec ce dispositif, l'État entend lutter contre les 200 000 usurpations d'identité recensées par an, en France. Pour autant, le texte de la loi ne fait pas l'unanimité, notamment du fait de la création d'un fichier central qui devrait contenir l'ensemble des données biométriques recueillies lors de la création des nouveaux documents d'identité (carte d'identité et passeport). Notons au passage que le fichier central créé à l'occasion du passage au passeport numérique fait déjà l'objet d'un recours devant le conseil d'État.
Volée de bois vert de la part du groupe Socialistes et Radicaux
Justifiant le vote négatif du groupe SRC (Socialiste, Radical Citoyen), le député Serge Blisko (PS) a critiqué le fait que le gouvernement ait évité "les passages obligatoires que sont, en matière de libertés publiques, la CNIL et, surtout, le Conseil d’État". Il a aussi mis en cause la constitution d'un fichier centralisé des informations biométriques : "Vous voulez créer une base de données informatisées généralisée (...). Vous avez donc franchi un pas important, qui ne laisse pas de nous inquiéter, d’autant plus que vous avez cru bon d’ajouter une puce dite de services qui me paraît totalement inadéquate et inopportune" et le député de faire allusion à Orwell : "Avez-vous besoin, en qualité de ministre de l’intérieur, de connaître les habitudes d’achat et de consommation ou les allées et venues de millions de citoyens ? Nous sommes là dans un monde tel que décrit par Orwell dans 1984, et dont l’obsession du contrôle me semble hors de propos s’agissant de la protection contre l’usurpation d’identité. Ce véritable problème ne demande pas un déploiement stratosphérique permettant de tracer les déplacements et les achats des individus !".
"M. le ministre a essayé de nous rassurer en nous expliquant que les fichiers n’étaient consultables que sur réquisition judiciaire, et nous sommes tout à fait d’accord…" explique Blisko, tout en rappelant " que la France n’a créé qu’une seule fois un fichier général de la population, c’était en 1940. Il fut d’ailleurs détruit à la Libération. Voici un extrait de la loi du 27 octobre 1940 de l’État français : « Obligation de détenir une carte d’identité à partir de seize ans, comportant les empreintes digitales et la photographie, et de déclarer tout changement d’adresse. Institution d’un fichier central de la population et d’un numéro d’identification individuel. »
Le groupe parlementaire SRC entend contester le texte de loi devant le Conseil constitutionnel et devant le Conseil d’État.
Il faut noter qu'en France, la carte d'identité biométrique s'apparente quelque peu à un vrai serpent de mer dont l'histoire remonte a 2003 avec les débuts du projet INES (Identité Nationale Électronique Sécurisée), initié par le ministère de l'Intérieur. À l’époque ce projet avait notamment suscité l'ire de la CNIL, ainsi que des défenseurs de la protection des données privées, qui voyaient dans INES un outil de surveillance du citoyen pouvant autoriser des usages abusifs.
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Les discussions lors de la scéance du 7 juillet à l'Assemblée Nationale