Les SSII indiennes profitent des derniers rayons de soleil
Le calme avant la tempête ? Récemment, encore, les SSII indiennes se voulaient rassurantes quant à leurs perspectives d’activité malgré des situations économiques tendues sur leurs deux marchés de prédilection : l’Amérique du Nord et l’Europe. Désormais, le doute ne semble plus permis : les chiffres ont parlé et les résultats trimestriels des SSII indiennes montrent déjà quelques premiers signes d’inflexion.
2,5 Md$ de chiffre d’affaires pour TCS, au troisième trimestre 2011. 1,85 Md$ pour Wipro, suivi d’Infosys à 1,75 Md$, et enfin de HCL Technologies qui franchit la barre du milliard de dollars de CA trimestriel pour la première fois. En apparence, ces chiffres peuvent paraître bons. Et à juste titre : pour TCS, la croissance sur un an est de 26 %, contre 24,6 % pour HCL. Mais déjà, pour Infosys, elle n’est que de 16,7 %. Et de 6,1 % pour Wipro, premier à abandonner la croissance à deux chiffres. Au second trimestre 2011, les chiffres étaient plus flatteurs : tous les quatre affichaient une croissance sur un an de leur chiffre d’affaires trimestriel de plus de 20 %; et même de plus de 30 % pour HCL et TCS. Et il ne faut par chercher là de saisonnalité : l’an passé, à la même période, les quatre première SSII indiennes enregistraient une croissance sur un an de leur CA trimestriel supérieure à 20 %, sinon flirtant ou dépassant même (pour TCS), les 30 %.
Les chiffres de croissance séquentielle - par rapport au second trimestre de l’année - sont encore plus éloquents : aucune des quatre SSII n’affiche même 5 % de croissance; l’an passé, le plus mauvais score pour ces champions de la croissance était de 8,94 %, pour HCL. Pour Wipro, la croissance séquentielle au troisième trimestre 2011 est même négative, à -3,65 %. Côté bénéfice net, la situation n’est guère meilleure : ils reculent de plus de 6 % séquentiellement chez HCL et Wipro. Bref, que ce soit assumé ou non, les beaux jours semblent terminés pour les SSII indiennes.
L’incertitude domine
Les travées de nombreux salons professionnels bruissent, depuis la rentrée, de rumeurs de gels de projets. Dans les annonces des résultats trimestriels, cela se traduit par «l’incertitude.» S.D. Shibulal, Pdg et directeur exécutif d’Infosys, reconnaît ainsi que «l’environnement macroéconomique global est incertain.» Mais, pour lui, concrètement, les clients, dans ce contexte, «cherchent des opportunités de croissance, d’innovation accélérée, et de retours sur investissement renforcés.» Le langage de TCS est un peu plus feutré mais semble se vouloir tout aussi optimiste. S. Mahalingam, directeur financier de la SSII, indique «travailler à l’optimisation de notre structure de coût» et «surveiller les signaux économiques de près.» Certains ne manqueront pas de voir là l’aveu d’une pression accrue sur les prix. Toutefois, pour N. Chandrasekaran, Pdg de TCS, «nous constatons une solide adhésion du marché à notre stratégie de service complète de la part des clients cherchant agilité et croissance.» Azim Premji, chez Wipro, reconnaît l’incertitude mais souligne une «croissance solide.» Chez HCL, Shiv Nadar, fondateur et président, souligne les investissements de l’entreprise dans les économies locales de ses clients, tandis que Vineet Nayar se félicite du succès de l’entreprise «grâce à notre philosophie Employés d’abord.» La stratégie de l’investissement local se retrouve aussi chez Wipro, qui a décidé d’embaucher, outre-Atlantique, des vétérans d’Irak pour lutter contre le protectionnisme.
La fidélité, une valeur retrouvée...
Mais le meilleur indicateur de la santé perçue de l’industrie IT indienne est peut-être encore l’attrition. Et Wipro n’a pas manqué de souligner son recul. De même qu’Infosys, TCS, MindTree ou encore Hexaware. Et quand TCS indique travailler sa structure de coût, cela se traduit concrètement par un développement vers des villes dites Tier-II ou Tier-III, telles que Ahmedabad, Pune, Nagpur ou Indore, pour réduire ces coûts. Et la SSII ne fait pas là cavalier seul. Plus généralement, le ministre indien des finances, Pranab Mukherjee, estime que la situation économique en Amérique du Nord et en Europe aura un impact sur l’économie indienne. Un impact négatif. R. Chandrashekhar, secrétaire à l’industrie IT, a même récemment intimé à l’industrie IT de ne pas sous-estimer la menace. Indirectement, Vineet Nayar reconnaît aussi la délicatesse de la situation : dans un entretien accordé à l’Economic Times of India, il indique que le principal moteur de la croissance de son industrie est la renégociation de contrats existants... pas les nouveaux contrats. Comme un marché qui se cannibaliserait.