Les SSII sont-elles déjà entrées dans le vif de la crise ?
Les grands donneurs d’ordres préparent un nouveau tour de vis de leurs dépenses IT qui devrait se traduire par de nouveaux déréférencements et des baisses de prix. Les petites et moyennes SSII sont en première ligne.
Le ralentissement attendu dans le secteur des services informatiques ne serait-il pas en train de se produire plus vite et de manière plus marquée que prévu ? C’est en tout cas la thèse de Jean-Marc Fiszbejn, cofondateur de la plate-forme d’intermédiation Cible-IT qui fait se rencontrer l’offre de compétences des SSII et la demande de missions des clients. Selon ce dernier, depuis un peu plus d’un mois, le nombre de retours de missions est supérieur au nombre d’offres proposées. Et l’amplitude entre les deux courbes ne cesse de s’accroître. « Les SSII croulent déjà sous les inter-contrats », assure-t-il. Mais peu l’avouent encore ouvertement.
Un ralentissement en 2012 mais pas de récession selon le Syntec
« La situation n’a pas évolué depuis la dernière communication du Syntec en novembre », déclare Guy Mamou-Mani, président du Syntec et pdg de Groupe Open. S’exprimant au nom de la profession, il estime que l’année « se termine de façon correcte » et anticipe « un ralentissement en 2012 mais sans qu’il soit dramatique ». « À ce jour, rien n’infirme les chiffres du Syntec, qui reste sur sa prévision de croissance de 2,7% pour l’année 2011 et de 1% sur 2012, poursuit-il. Nous sommes conscients que le gros ralentissement économique qui se profile aura des conséquences sur notre business. Mais, contrairement à ce que croient encore certains analystes, le secteur ne connaîtra pas de nouvelle récession ».
Même son de cloche chez Neurones, qui ne constate ni retours de missions, ni baisse d’activité, ni ralentissement du turn-over, ni inter-contrats. Mais, comme l’admet son pdg, Luc de Chammard, Neurones est un peu atypique, avec « sa forte proportion d’infogérance, son orientation sur les projets moyens (et moyennement structurants) et son engagement sur les projets de consolidation, qui suivent leur rythme, voire s’accélèrent en cas de mauvaise conjoncture ». « Autant de raisons qui nous font ressentir les ralentissements en général six mois après que les grands acteurs aient commencé à se plaindre », note-t-il.
De nombreuses fins de missions motivées par des raisons budgétaires
Seul Gilles Sitbon, patron de Feel Europe, qui a racheté Team Partners à la barre du tribunal de commerce au début de l’année, reconnaît qu’il s’attend à de nombreuses fins de missions sur la période décembre-janvier. Des fins de missions motivées essentiellement (à plus de 50%) pour des raisons budgétaires alors qu’en temps normal, cette raison n’est invoquée que dans 25% des cas. « Les budgets sont clairement orientés à la baisse (de 5% à 10%), indique-t-il, notamment dans le secteur bancaire et financier, ce qui entraîne des fins de projets prématurées ».
De fait, les plus exposées seraient les petites et moyennes SSII, directement affectées par le nouveau tour de vis des grands donneurs d’ordre qui ont entrepris de réduire encore le nombre de leurs fournisseurs et de renégocier les prix de leurs prestations. Une pression sur les prix que confirme Gilles Sitbon. « En contrepartie de nouvelles baisses de prix, les clients promettent des volumes plus importants, ce qui suppose au préalable de nouveaux déréférencements ».
Toujours des projets et des tensions sur le recrutement
Le paradoxe de la situation, c’est qu’il y a toujours beaucoup de projets et que le marché reste compliqué en termes de recrutement. « Les clients n’ont pas de stratégie : ils essayent de réduire les coûts en opérant des coupes budgétaires mais ils ne peuvent pas tout arrêter, note Jean-Marc Fiszbejn. Ils attendent la dernière minute pour staffer au risque de ne pas tenir les délais compte tenu des contraintes de recrutement ».
Des tensions sur le recrutement attestées par tous les intervenants que nous avons interrogés. « Le turn-over ne s’est pas effondré et je n’ai entendu personne parler de blocage des embauches », souligne Guy Mamou-Mani. « Et ce d’autant que les juniors et les séniors continuent de n’intéresser personne et que le marché de l’offshore est retombé », signale Jean-Marc Fiszbejn. « La compétence est rare, convient, Gilles Sitbon. Du coup, on préfère garder les collaborateurs, même si on met plus de temps à les placer ». Mais si le turn-over reste élevé, ce n’est peut-être que provisoire. Apparemment une part grandissante de ce turn-over serait dû à des collaborateurs qui rejoignent les clients finaux. Ont-ils senti le vent tourner ?