Circulaire Guéant : les informaticiens étrangers au bon vouloir des préfets
En réponse aux situations ubuesques générées par la circulaire Guéant du 31 mai 2011, un nouveau texte ministériel adressé aux préfets est censé assouplir l'attribution des permis de travail aux étrangers fraîchement diplômés. Qu'en pensent les DRH?
Pour le gouvernement, il s'agit de « dissiper tout malentendu », concernant « l'accès des diplômés étrangers hautement qualifiés au marché du travail français », comme l'affiche la communication officielle des ministres Claude Guéant, Laurent Wauquiez (enseignement supérieur) et Xavier Bertrand (travail et emploi). Dès la seconde semaine de janvier, les préfectures disposeront de nouvelles consignes pour régler la situation des diplômés « de niveau au moins égal à master 2 ». L'annonce ne présage pas d'un contrôle allégé des demandes de permis de travail. Mais bien d'un amendement en complément de la circulaire du 31 mai 2011 contestée tant par les employeurs et les étudiants concernés que par les académiques. À l’issue de la concertation inter-ministérielle qui les a impliqués, ce mercredi 4 janvier, ces derniers (présidents d'université, conférence des grandes écoles) se disaient globalement satisfaits.
En prélude à la publication du nouveau texte, le trio ministériel a cependant tenu à rappeler que le recrutement d'un ressortissant étranger « ne doit pas viser à servir des salaires inférieurs au niveau du marché ». Il s'agit, a contrario, de «permettre aux entreprises exposées à la concurrence internationale de recruter des cadres performants quelle que soit leur nationalité ».
Un amendement qui s'oppose au « dumping social »
Qu'attendent les employeurs et salariés du secteur IT, concernés au premier chef par l'assouplissement annoncé puisque ciblé sur les diplômés bac+5 et plus ? Jusqu'à mi-2011, les étudiants en informatique étrangers avaient d'autant moins de mal à passer du statut de stagiaire à celui de salarié, avec permis de travail, que le secteur IT figurait en bonne place parmi les métiers « en tension ». Les ingénieurs d'études et autres informaticiens experts accaparaient la majorité (70% pour l'ensemble du secteur IT) des autorisations d'immigration attribuées à des non-européens. Depuis l'été dernier (arrêté du 11 août), la liste des métiers ouverts à l'immigration a été resserrée (pour l'informatique, au seul poste d'ingénieur de production et d'exploitation des systèmes d'information).
Face au recadrage de ce début d'année, déjà, le Munci (association professionnelle d'informaticiens) n'a guère hésité à approuver l'orientation prise puisque ouvertement opposée au « dumping social ». Du côté des DRH, c'est plutôt la perspective de moins de tracas administratif qui prime. «Encore faut-il qu'on le voit appliquer rapidement », réagit Eric Decalf, pdg d'Additeam qui dit avoir essuyé depuis cet été trois rejets de dossiers pourtant dûment justifiés. « Nous travaillons pour des grandes entreprises présentes dans le monde entier. Quand on nous confie l'adaptation d'un SIRH pour la Chine, par exemple, n'est-il pas normal que nous souhaitions embaucher un étudiant chinois qui a fait son stage de fin d'étude chez nous », argumente-t-il. Ironie du calendrier, au moment même de l'annonce de l'assouplissement des règles, « je viens tout juste de recevoir un refus d'immatriculation de la préfecture du Nord pour un dossier que je compte bien représenter», relate-t-il, en espérant que cela ne prendra pas deux mois de plus de démarche.
Des procédures différentes selon les préfectures
« Cela devrait au moins déstresser les préfectures », présume Nathalie Choux, DRH de Micropole. Et peut-être homogénéiser les procédures. Sur 37 candidats étrangers et autant de dossiers présentés aux services d'immigration, douze ont été embauchés depuis l'été dernier par cette SSII. Moyennant un effort considérable d'adaptation au zèle diversifié des administrations. « A Nanterre et à Antony, les procédures et les documents à fournir ne sont pas les mêmes », commente cette DRH. Autre exemple de complication avec laquelle il a fallu composer : «on nous a refusé deux régularisations d'informaticiens algériens pour des postes d'ingénieurs de production et d'exploitation, figurant pourtant parmi les métiers non visés par les restrictions de la circulaire Guéant, au motif que cet intitulé n'était pas couvert par des accords franco-algériens de 1968 ».
Même espoir d'une certaine détente évoqué chez Linagora qui compte neuf diplômés étrangers de plus cette année parmi ses 130 salariés. «Avant la directive de mai dernier, le passage du statut d'étudiant stagiaire à salarié passait par un simple formulaire. Il nous a fallu motiver beaucoup plus notre démarche, passer du temps et se plier aux contraintes administratives», commente le pdg Alexandre Zapolsky. « Le problème, c'est que le marteau utilisé par l'Etat pour contrer les dérives de l'immigration avait une tête un peu trop large », conclut-il, tout en affirmant n'avoir pas eu de problème à justifier les demandes de régularisation. Jusque-là, « on s'est débrouillé », confie Nathalie Choux. Sous-entendu : la balle est maintenant dans le camp des préfets.