10 ans après son fiasco chez Gemplus, Antonio Perez pourrait déposer le bilan de Kodak
Le CEO de Kodak, qui n'a pas laissé que des bons souvenirs aux salariés français de Gemplus est à la tête de Kodak depuis 2005. La société serait, selon le Wall Street Journal, proche du dépôt de bilan. Retour sur le parcours d'un dirigeant aux performances contestables.
L'ex-champion de la photographie argentique, pionnier de la photographie numérique avec Apple (une technologie qu'il a inventée et contribuée à démocratiser avec le lancement du Quicktake 100, un appareil fabriqué pour Apple en 1994) est au bord du précipice. Selon le Wall Street Journal, il pourrait se placer sous la protection du chapitre 11, s'il ne parvient pas à céder son important portefeuille de brevets afin de dégager les liquidités qui lui manquent pour survivre. La conséquence de près de 7 ans de décisions de management contestables prises sous la houlette de son PDG Antonio Perez. Un PDG dont le nom n'est pas inconnu en France
Un CEO qui s'était déjà fait remarquer en France
Cet américain né en Espagne a fait les gros titres entre 2000 et 2001 pour sa gestion de Gemplus. Perez, jusqu'alors patron de la division impression jet d'encre d'HP, arrive à la tête de la start-up provençale en juin 2000, peu après la nomination de Carly Fiorina à la tête d'HP. A l'époque, les fondateurs de Gemplus recherchent un nouveau dirigeant capable de piloter une société en pleine croissance à l'aube de son introduction en bourse. Gemplus vient il y a peu de conclure un accord de financement avec un important fonds d'investissement, l'américain Texas Pacific Group, dont le dirigeant et cofondateur David Bonderman a séduit le pdg de Gemplus, Marc Lassus.
L'arrivée de Perez, dès le départ, se fait dans des conditions surréalistes avec notamment une structure de rémunération basée à Gibraltar, qui finance l'attribution au nouveau CEO d'actions et de stock-options pour une valeur de 97 M$. Cette structure, baptisée Zenzus Holdings, n'apparaît sur aucun document (et surtout pas sur les documents d'introduction en bourse) et a en fait été montée par le fonds d'investissement texan Texas Pacific Group et par Gemplus pour faire transiter l'argent que TPG a investi dans la société provençale (près de 550 M€). Elle sert aussi à porter un prêt de 77 millions d'euros au fondateur de Gemplus, Marc Lassus.
Perez embauche immédiatement un aréopage de cadres pour l'appuyer, dont de nombreux anciens d'HP. Ces dirigeants conduiront en deux ans la société dans le mur, obligeant leurs successeurs à de pénibles restructurations. Sans parler des décisions d'affaires contestables comme le rachat à prix fort de l'allemand ODS, filiale à 95 % de TPG, un rapport d'expertise mettra notamment le doigt sur de nombreuses irrégularités et sur les avantages en nature hors normes du management américain. Perez devient alors la cible à abattre pour les syndicats et les actionnaires minoritaires du groupe, dont le siège a entre-temps été déplacé de Gémenos en Provence, au Luxembourg à l'occasion de l'introduction en bourse.
En décembre 2001, le CEO finit par faire ses valises acceptant de restituer une partie de ses actions, mais en conservant finalement près de 12 millions d'action et en percevant de confortables indemnités de licenciements. On estime que le passage de Perez chez Gemplus aura coûté à la société près de 50 M€.
Sans surprise, Perez fera tout pour effacer son passage chez Gemplus. Ainsi, toutes les biographies qu'il communique à la presse ne font aucunement mention de son passage chez le fabricant de cartes à puce (devenu depuis Gemalto après sa fusion avec Axalto). La seule mention qui subsiste figure dans le rapport d'activité de Kodak et ne fait référence qu'à ses six premiers mois de mandat, Perez s'attribuant le quasi-doublement du CA de Gemplus sur l'année 2000.
La recette de Perez pour redresser Kodak : le transformer en constructeur d'imprimantes jet d'encre
En avril 2003, après une courte éclipse, Perez refait surface chez Kodak, alors en plein marasme. D'abord nommé au poste de COO, puis au poste de CEO et président en 2005, il se voit confier la mission de redresser l'ex-champion de la photo. L'une de ses premières décisions conduira la firme à déclencher une guerre des brevets sans merci afin de tenter de valoriser son importante propriété intellectuelle. Sa seconde grande décision, sera d'investir des centaines de millions de dollars dans le développement... d'une ligne d'imprimantes jet d'encre. On ne se refait décidément pas.
Sans surprise, Kodak n'a jamais vraiment réussi à percer face à ses concurrents, HP, Canon, Epson et Lexmark et doit aujourd'hui se contenter d'environ 2,5% du marché mondial des imprimantes jet d'encre.
Lors de l'arrivée d'Antonio Perez à la tête de Kodak, le CA de la firme était de 13 Md$. Il n'était plus que de 7,1 Md$ à la fin 2010. L'action de la firme valait environ 30 $ lors de son arrivée chez Kodak. Aujourd'hui elle s'affichait à 0,386$, en recul de 10% par rapport à la veille. Des résultats qui n'ont pas empêché Perez de percevoir une confortable rémunération tout au long de son mandat (il a perçu près de 8,5 M€ pour la seule année 2010).