Free fait entrer le loup Huawei dans la bergerie française des télécoms mobiles
Un peu d'équipements chinois, mais pas pour la totalité du réseau. Derrière les risettes de circonstance, Free a du donner des gages pour gagner sa licence mobile 3G. Même si, via ce nouvel entrant mais aussi SFR, Huawei s'installe bien petit à petit dans le paysage hexagonal de la téléphonie mobile.
En apparence, tout va bien : l'Arcep a donné un satisfecit à Free pour sa candidature à la quatrième licence mobile (240 millions d'euros sur 20 ans), où il était seul en lice. En coulisses toutefois, de très fortes pressions se sont exercées sur le nouvel entrant pour qu'il ne bâtisse pas son réseau exclusivement sur la base de matériels Huawei. Selon nos sources, un accord serait intervenu sur le sujet, afin de limiter le recours aux équipements du Chinois. Free Mobile devrait notamment acheter une partie des équipements nécessaires à la construction de son réseau à Alcatel-Lucent. Chez l'équipementier franco-américain, une source syndicale avance : "nous avons fait beaucoup de lobbying en amont. L'arrivée de Huawei sur le marché des mobiles en France était de toute façon inéluctable. Le débat avec Free s'est fait dans les moins mauvaises conditions possibles".
Réseau : louer pour accélérer |
Si Free s'est engagé à couvrir 90 % du territoire d'ici 8 ans (soit un investissement estimé à 1 milliard d'euros), l'opérateur pourra accélérer commercialement dès le franchissement du seuil de 25 % de couverture. A ce moment, la société pourra négocier des accords d'itinérance avec un des opérateurs en place, afin de louer son réseau. Principal écueil : cet accord ne concerne que l'accès en 2G, alors que Free centre son offre sur l'Internet mobile plus à l'aise sur la 3G. |
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Dénonçant dans un communiqué une autre conséquence de l'arrivée d'un quatrième opérateur - les délocalisations de centres d'appel, poussées par la concurrence exacerbée - la CFE-CGC & Unsa Télécoms se dit également vigilante sur le sujet. "Il faut que Free achète auprès d'équipementiers européens, puisqu'il dispose de licences qui sont des concessions sur le territoire européen", explique un délégué syndical. Autrement dit, il ne faudrait pas que l'exploitation d'un bien public se transforme en facteur de déliquescence de l'industrie européenne des télécoms.
SFR fait un premier pas vers Huawei
"C'est un problème politique", estime une source qui préfère garder l'anonymat. "Si nos dirigeants considèrent que Huawei est une entreprise comme une autre, alors il faut jouer le jeu de la concurrence. Mais, dans la réalité, ce fournisseur est massivement aidé par le gouvernement chinois et utilise des méthodes à base de dumping. Huawei n'est, qui plus est, pas coté". Signalons également que, selon La Tribune, SFR aurait commandé au Chinois deux stations de base compatibles 2G/3G pour son réseau du Sud de la France, preuve que l'équipementier n'attend pas le nouvel entrant pour se faire une place dans la téléphonie mobile en France.
Porte-drapeau de la neutralité du Net |
Dans la décision rendue par l'Arcep - sur la base du dossier de candidature de Free -, un argument détonne dans le monde des télécoms : "Free Mobile indique que son offre respectera le principe de « neutralité des réseaux », à savoir qu’il donnera accès sans discrimination à tous les services disponibles sur le Web". Soit les services de messagerie instantanée, mais surtout ceux de téléphonie sur IP. Un type d'application, aujourd'hui bloqué sur les réseaux des autres opérateurs, qui promet aux abonnés de sérieuses économies. |
Paiements avec la norme NFC
Dans sa décision rendue publique ce matin, et attribuant à Free la quatrième licence mobile, l'Autorité de régulation des télécoms (Arcep) lève un peu le voile sur les futures offres de l'opérateur. Des offres "innovantes, notamment en ce qui concerne l’accès à l’Internet mobile", précise le régulateur. Déployé avec la norme HSDPA, le réseau de Free (un réseau tout IP, dont le cœur sera mutualisé avec le réseau fixe actuel du FAI) "permettra des débits crêtes
de 28 Mbit/s sur la voie descendante".
Dans sa candidature, Free Mobile promet ainsi des services d’accès illimité à l’Internet mobile, de convergence fixe-mobile, de géolocalisation (cartographie, navigation, accès à des informations locales, alertes SMS en fonction de la localisation de l’abonné), de mise à disposition d’espace mémoire et de paiement mobile. Dans ce dernier domaine, l'opérateur envisage notamment l'emploi de la technologie sans contact NFC (Near Field Communication), "qui devrait être disponible à l’ouverture du service", écrit l'Arcep. Autre extension attendue : le basculement sur Wi-Fi pour proposer aux abonnés une couverture complémentaire. Celle-ci passera par les bornes intégrées aux Freebox et par des relais que l'opérateur prévoit d'installer dans les lieux publics. "Par la suite, les abonnés de Free Mobile pourront bénéficier des accès à Internet avec des technologies radios alternatives Wi-Fi, ou autres (Wimax, Femtocell…), en fonction de la disponibilité des technologies", ajoute l'Arcep sur la base des engagements de Free.
Trois heures pour 20 euros
Orienté vers le grand public, Free Mobile devrait arriver avec des offres agressives, l'opérateur s'étant engagé à commercialiser au lancement un forfait incluant plus de trois heures d’appel vers les fixes et les mobiles en métropole pour un montant inférieur à 20 euros par mois. Signalons que, contrairement aux opérateurs en place, Free ne prévoit pas de système de subvention des terminaux : le coût de ceux-ci ne sera donc pas noyé dans un forfait. Selon l'Arcep, Free prévoit de proposer "une gamme de terminaux à prix coûtant avec possibilité d’étaler le paiement sur plusieurs mois".