SAP : Apotheker évincé, Plattner place la jeune garde sous surveillance
Suite au départ de Leo Apotheker, qui ne terminera pas son mandat de Pdg, SAP a nommé à sa tête un duo de quarantenaires : Jim Snabe (chargé des produits et de la technologie) et Bill McDermott (responsable des ventes). Un duo qui restera chaperonné par le fondateur de l'éditeur, Hasso Plattner.
Il y a eu l'affaire de la maintenance. Les rumeurs de ses rapports difficiles avec Hasso Plattner, le co-fondateur et président du conseil de surveillance de SAP. Finalement, le départ forcé - il n'est pas allé au bout de son mandat qui se terminait fin 2010 - de Leo Apotheker (en photo ci-contre) ne constitue pas réellement une surprise. Mi-janvier, alors que l'éditeur annonçait sa reddition pure et simple dans le dossier relatif à la maintenance - SAP ayant tenté pendant 18 mois de supprimer son offre la moins onéreuse, avant de faire machine arrière -, le très francophile patron allemand reconnaissait, dans une conférence téléphonique : "renouveler son Pdg fait partie de la politique interne de SAP". Confirmation moins d'un mois plus tard. Son absence lors des grands messes technologiques de l'éditeur - comme au TechEd de Vienne en octobre ou plus récemment lors d'un événement organisé à Boston - avaient également alimenté les spéculations sur son avenir.
De facto, lors de ces conférences, la vision technologique de SAP était portée par Jim Hagemann Snabe (ci-contre), un Danois arrivé dans le groupe en 1990 et entré au comité exécutif en 2008. Depuis janvier, il dirige un conseil interne chargé de toutes les activités centrées sur le design et le développement des produits. Dans les faits, Jim Hagemann Snabe incarne la vision technologique de SAP depuis déjà de longs mois, une vision qui s'est éloignée des questions d'intégration (et de Netweaver) pour se focaliser sur des technologies de bases de données (avec In-Memory, voir notre article à ce sujet) et sur le renouvellement des interfaces. Sans réelle surprise, Snabe devient donc co-Pdg de l'éditeur, en charge de l'ensemble du développement des produits. Il sera épaulé par Vishal Sikka, le directeur technique qui entre au comité exécutif, occupant le siège laissé vide par Leo Apotheker.
"Formule bouche-trou" pour Forrester
L'autre dirigeant de la structure bicéphale imaginée par l'éditeur sera Bill McDermott (à droite), un ancien de Xerox, Gartner et Siebel qui avait rejoint SAP en 2002 pour prendre la tête de sa filiale américaine. Celui-ci sera chargé de piloter les équipes commerciales. En choisissant ce duo, le conseil de surveillance - donc Hasso Plattner - fait aussi confiance à la jeune garde : les deux hommes ont entre 40 et 50 ans. Si le co-fondateur assume le pari du changement de génération, il est loin de s'effacer. Dans un communiqué, l'éditeur explique que Hasso Plattner (66 ans) continuera de jouer "un rôle essentiel dans le conseil aux nouveaux dirigeants en matière de technologies et de développement de produits". Encore plus qu'hier, Hasso Plattner apparaît comme le vrai leader de SAP.
Cette formule de co-direction est une vieille tradition chez SAP. Encore récemment, avant de prendre seul la direction de SAP en mai 2009, Leo Apotheker avait partagé les rênes du groupe avec Henning Kagermann, avant le départ en retraite de ce dernier. "Cette fois, la formule du partage de la direction n'apparaît pas comme une succession organisée, mais plus comme une formule bouche-trou qui ne pourra durer à long terme, estime toutefois Paul Hamerman, analyste de Forrester dans un billet de blog. Le fait que les deux co-Pdg aient été nommés de cette façon suggère peu d'autres options en interne mais aussi une incapacité à trouver et engager des candidats externes convaincants". Selon lui, SAP a aujourd'hui besoin d'un leader charismatique et visionnaire, et doit aller le chercher en dehors de ses murs.
"Le problème n'est pas commercial, mais technologique"
Pour les analystes financiers, ce mouvement en annonce d'autres. Chez nos confrères de BusinessWeek, Peter Goldmacher, analyste pour Cowen & Company, explique : "SAP doit maintenant être vendu (...). Mais je ne crois pas que ce soit imminent parce que la direction va aller au bout de toutes les autres solutions avant de chercher sérieusement un acquéreur".
Moins sévère, Ray Wang, analyste au sein de Altimeter Group et bon connaisseur du marché de l'applicatif, explique sur son blog : "depuis 2 ou 3 ans, les clients se posent des questions sur la capacité d'innovation de SAP (...). Nommer Bill McDermott comme co-Pdg fait sens. C'est un excellent vendeur, mais le problème ne vient pas du commercial, mais des produits." Reste à trouver la formule pour accommoder ce besoin avec l'exigence des marchés financiers, dont la vision reste centrée sur le prochain trimestre fiscal.
En 2009, l'éditeur a vu son chiffre d'affaires reculer de 8 %, à 10,7 milliards d'euros. Un recul tout entier dû à la claque enregistrée sur les ventes de licences (- 28 % par rapport à 2008).
En complément :
- Jim Hageman Snabe, SAP : "les termes ERP, CRM ou SCM vont disparaître"
- Hausse de la maintenance : reddition pure et simple de SAP, Apotheker fragilisé
Valse des dirigeants |
Dans les dernières semaines, l'apparition de nouvelles têtes s'est accélérée chez SAP. Rappels. - Fin janvier, Pascal Rialland, le patron de la filiale française (468 M€ en 2009), a quitté le poste, remplacé par Nicolas Sekkaki, un transfuge d'IBM. - Mi-janvier, John Schwarz (ex-Pdg de BO et membre du comité exécutif de SAP depuis le rachat de l'éditeur français) a pris la tête d'un organe interne chargé de superviser les solutions et le suivi des secteurs d'activité. Une clarification des rôles, toutes les responsabilités relatives au développement des lignes de produits, y compris celles héritées de BO, étant supervisées par Jim Hagemann Snabe. - Mi-janvier encore, Michael Kleinemeier, qui avait quitté SAP en 2008 et qu'on disait en mauvais termes avec Leo Apotheker, est revenu dans le groupe pour prendre la direction de la très stratégique filiale allemande. Son prédécesseur, Volker Merk, semble lui avoir fait les frais des discussions très difficiles avec les clients allemands (notamment Siemens) autour des frais de maintenance. |