L'accord Yahoo / Microsoft validé : un rempart s’élève pour contrer Google
Les autorités anti-trust européennes et américaines ont donné leur feu vert au partenariat entre Yahoo et Microsoft, annoncé il y a 18 mois. Si les conditions de l’accord sont acceptées, les deux nouveaux meilleurs amis doivent encore entrer dans un long processus d’intégration, qui pourrait laisser le temps à Google de s’armer ...un peu plus.
Une page se tourne. Après un long feuilleton de 2 ans riche en rebondissements, les autorités antitrust européenne et américaine ont donné, de concert, leur feu vert au partenariat entre Microsoft et Yahoo. Une alliance scellée en juillet 2009, mais dont les prémices reposent sur 18 mois de tractations acharnées, rythmées par un jeu de chaises musicales au sein du management de Yahoo et de rixes verbales entre Steve Ballmer, Pdg de Microsoft, et les dirigeants du portail.
Pendant ces 18 mois qui ont précédé l’annonce de l’alliance, le feuilleton a connu plusieurs épisodes majeurs : le pharaonique rachat de plus de 44 milliards de dollars avorté de Yahoo par Redmond, un accord de sauvetage qui tombe à l’eau entre Google et Yahoo , et enfin le remplacement de Jerry Yang, Pdg et co-fondateur du portail Internet qui fait les frais d’un politique de management que les actionnaires estiment trop laxiste et d’une incapacité à “sauver” Yahoo sur le marché de la recherche et de la publicité en ligne. Sa remplaçante, Carol Bartz, une vétérante de l’industrie du logiciel, entre dans la danse.
Ce jeudi 18 février 2010, c’est également le jour qui a vu s’organiser la résistance face à un Google omni-présent sur le marché de la recherche et de la publicité en ligne. Tellement présent, que la Commission européenne, dans un communiqué, affirme en substance que finalement les parts de marché cumulées de Microsoft et Yahoo sont encore bien loin d’atteindre celles de Google sur le marché européen. “ Dans l'EEE, les activités de recherche en ligne et des annonces liées à ces recherches de Microsoft et de Yahoo sont très limitées et leurs parts de marché cumulées demeurent généralement inférieures à 10 %. À l'inverse, Google détient généralement des parts de marché supérieures à 90 % ”, écrit Bruxelles dans un communiqué. En fait, selon ATInternet Institute (la branche analyse d'ATInternet, connu pour son outil XiTi), Google détiendrait 94,2% du marché de la recherche en Allemagne, 92,8% en Espagne, 90,8% au Royaume-Uni et 89,2% en France.
Technologie partagée, pub mutualisée
Pour contrer la firme de Mountain View, cette alliance s’articule autour de deux volets majeurs. Primo, un volet technique par lequel Microsoft, via son moteur Bing, devient le socle technologique des activités de recherche et de publicités payantes (adCenter) des deux partenaires. Les résultats qui s’afficheront chez Yahoo seront extraits de Bing. En gros, le même accord que Yahoo avait scellé avec Google entre 2000 et 2004. Les deux partenaires conservent toutefois l’habillage respectifs de leur service, ainsi que des outils associés. Yahoo est également libre d’enrichir les pages rendues par Bing de ses propres développements - en y intégrant par exemple les travaux de la bibliothèque YUI (composants Ajax), populaire chez les développeurs Web. Selon les termes du partenariat, Microsoft doit enfin acquérir une licence exclusive sur 10 ans de certaines technologies de recherche de Yahoo.
Deuxio - et c'est certainement le point le plus important -, cette alliance donne naissance à une plate-forme de marchés publicitaires mutualisée qui permettra aux annonceurs de lancer leurs campagnes sur une cible plus étendue. Selon les termes de l’accord, Microsoft s’occupe des activités de vente de publicités automatisées (à l’image de la mise en place de campagnes sur le service AdWords de Google). Les équipes commerciales de Yahoo prennent de leur côté en charge les ventes de publicités en volume, celles qui visent de vastes campagnes, généralement initiées par des très grands comptes.
Migration technologique dès 2010
A la clé, un mécanisme de partage des revenus est prévu. Microsoft doit conserver 12 % des recettes générées par les recherches effectuées sur les sites de Yahoo et de ses partenaires pendant les cinq premières années de l'accord et reversera 88 % de ces recettes à Yahoo au titre des coûts d’acquisition de trafic, explique Bruxelles dans ce même communiqué.
La mise en place de l’ensemble des mesures de cet accord devrait être effective dans les 24 mois, comme l’indique le site Searchalliance.com. Soit au plus tard en février 2012. La migration technologique devrait être en place dès la fin 2010.
Taxe Google : Lagarde saisit l'Autorité de la concurrence |
En janvier, Nicolas Sarkozy, lors de ses voeux au monde de la Culture, avait, suite aux conclusions du rapport Zelnik, évoqué la création d’une très polémique “taxe Google”. La saisine de l’Autorité, qui devrait rendre son avis cet été, doit établir si oui ou non Google détourne les règles de la concurrence sur le marché de la publicité online en France. |
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Un coup de canon vers le mur Google
C’est donc ce rempart constitué de deux acteurs aujourd'hui trop faibles pour contrecarrer seuls la puissance de Google qui s’élèvera face à la firme de Mountain View en 2012. Une longue période pendant laquelle Yahoo et Microsoft devront encore batailler pour grapiller des parts de marché sur le segment de la recherche en ligne. Selon Market Share, en janvier 2010, Google totalisait 85,78 % de parts de marché, contre 6,16 % pour Yahoo et 3,17 % pour Bing.
Sur le marché de la publicité, Google mène également la barque, sur un marché 2009 en ralentissement, mais qui devrait repartir à la hausse en 2010 (comme le montrent les chiffres de l'e-Pub pour le marché français).
Si l’accord passé entre Microsoft et Yahoo vise à déstabiliser Google sur deux segments (pub et recherche en ligne), aucun volet de l'accord, pour l’heure, ne cible le marché de la publicité sur mobile. Un marché sur lequel Google s’est fortement engouffré. Non seulement en rachetant en novembre 2009 Admod, un spécialiste du secteur. Mais également en poussant son OS Android sur le marché de la téléphonie mobile.
En 2009, le segment de la pub mobile a également attiré Apple, avec l'acquisition de Quattro Wireless, puis l'éditeur Opera, qui a racheté un autre spécialiste, Admarvel. Selon les estimations de Myers Publishing, les investissements dans la publicité sur mobile devraient passer de 9 % du total des dépenses en publicité aux Etats-Unis en 2009, à 30 % en 2012. Et sur ce segment, les intentions de Microsoft et Yahoo restent relativement floues.