Estrosi réouvre la loterie 3G et prépare le lancement de la 4G en 800 MHz et 2,6GHz

Le Ministère de l'industrie a annoncé que le lancement des appels à concurrence pour les deux dernières bandes de fréquences 3G disponibles. Les opérateurs ont jusqu'au 11 mai pour enchérir sur deux tranches de 5 MHz. Prix nominal : 120 M€. Après cet appel à concurrence, l'Arcep devrait enchaîner par l'allocation des ressources 4G dans les bandes des 800 MHz et des 2,6GHz. Objectif : lancer les premiers services 4G français entre 2012 et 2014, soit avec 2 à 4 ans de retard sur la Suède où les Etats-Unis.

Christian Estrosi, le Ministre de l'Industrie, a validé le processus défini par l'Arcep pour l'attribution des deux derniers lots de 5 MHz de fréquences 3G encore disponibles après l'allocation d'une première tranche de 5 MHz au nouvel entrant, Free Mobile. Les deux lots, dont le prix de réserve est fixé à 120 M€, seront attribués dans le cadre d’une procédure d’enchère à pli fermé à un tour. Les éventuels candidats ont jusqu'au 11 mai à midi pour déposer leurs offres à l'Arcep. La procédure de vente est ouverte à tous, dont bien sûr les quatre opérateurs 3G déjà autorisés - il y a toutefois fort peu de chance qu'un 5e acteur se manifeste.

Free Mobile a déjà fait part de son intention d'emporter au moins l'un des deux lots de fréquences afin d'améliorer ses  capacités spectrales. Avec une seule tranche de 5 MHz dans les bandes 3G, il lui sera en effet difficile de concurrencer efficacement les trois opérateurs en place. Notons que le Ministère a aussi annoncé que cette première procédure d'enchère sera suivie par l’attribution des fréquences du « dividende numérique » (bande 800 MHz), libérées grâce au passage à la télévision numérique terrestre, puis par l'attibution de fréquences pour le lancement des réseaux 4G au standard LTE dans la bande des 2,6 GHz.

dividende numerique
La carte des fréquences radios en France

Comment tirer profit de l'arrêt de la TV analogique ?

Depuis le vote de la loi de mars 2007, la question se pose de savoir qui seront les principaux bénéficiaires des fréquences hertziennes libérées par la bascule de la TV analogique vers le numérique. A ce jour, le ministère n'a toujours pas répondu, sauf par l'annonce hier d'un prochain appel d'offres pour ces fréquences. Au total, l'abandon progressif de la diffusion de la télévision en analogique va libérer une bande de 180 MHz dans la bande UHF et de 49 MHz dans la bande VHF (entre 174 et 223 MHz), en partie utilisée par Canal+ pour sa diffusion analogique, soit un "dividende numérique" total d'environ 230 MHz.

La loi a fixé cinq objectifs parfois contradictoires pour l'exploitation de ce dividende. Il s'agit de favoriser la diversification de l'offre de services (nouveaux services de communications électroniques haut débit et mobiles, nouveaux services audiovisuels tels que TVHD, Télévision mobile DVB-H, radio numérique), d'améliorer la couverture numérique du territoire (TV, téléphonie mobile...), d'améliorer sur le territoire l'égalité d'accès aux réseaux de communications électroniques, de développer l'efficacité des liaisons hertziennes des services publics (et notamment des réseaux de communication des forces de l'ordre et de l'armée) et enfin de développer la gestion optimale du domaine public hertzien.

Choisir entre haut débit mobile et TV HD...

Sans surprise, la commission parlementaire de 2008 sur le dividende numérique préconisait l'utilisation de la bande III-VHF pour le lancement de la radio numérique et l'attribution de la bande 790–862 MHz pour les services mobiles à haut débit (cette bande avait de toute façon fait l'objet d'une réservation suite aux travaux d'harmonisation de la Conférence mondiale des radiocommunications de novembre 2007). La récente consultation sur les services mobiles 4G menée par l'Arcep semble confirmer que la France réservera cette bande de 72 MHz, ce qui devrait permettre à plusieurs fournisseurs de cohabiter. Il reste désormais à savoir comment l'Arcep entend partager la ressource. La logique industrielle voudrait que l'on alloue au moins 2 x10 MHz par acteur (ce qui pourrait vouloir dire jusqu'à 3 licences LTE ou WiMax avec une bonne gestion des recouvrements) afin que l'on ne recrée pas dans cette bande une situation de monopole. Le solde pourrait être alloué à la diffusion des multiplex de télévision numérique en haute définition (13 multiplex prévus à terme, pour un total de 39 à 52 chaines). A titre de comparaison, des pays comme les Etats-Unis ou le Royaume-Uni ont alloué plus de 100 MHz aux services haut débit sans fil, ce qui permet d'envisager plus d'acteurs sur le marché ou plus de spectre par acteur (donc potentiellement de meilleurs débits).

 

la 4G dans la bande des 800mhz

Le scénario de déploiement de la 4G dans la bande des 800 MHz

Quel scénario pour le 2,6 GHz ?

Une fois tranchée la question des fréquences 800 MHz issues du dividende numérique, le ministère et l'Arcep devront s'attaquer à la question de l'attribution des fréquences 4G dans la bande des 2,6 GHz. Ces fréquences devraient tout naturellement intéresser les opérateurs mobiles en place, dont les réseaux 3G sont de plus en plus saturés et pour lesquels une ressource additionnelle en fréquences 4G permettrait de faire face à la demande croissante des utilisateurs. Mais de nouveaux acteurs pourraient aussi être intéressés par ces fréquences et notamment Bolloré, dont les activités télécoms, initialement basées sur le standard WiMax dans la bande des 3,5 GHz n'ont pas décollé.

On devrait donc logiquement voir un affrontement entre au moins cinq acteurs, dont les 4 titulaires de licences mobiles 3G et Bolloré, pour tenter d'obtenir les précieuses ressources spectrales dans les bandes des 800 MHz et des 2,6GHz. Le feuilleton de la 4G sera donc intéressant à suivre, ne serait-ce que parce qu'il pourrait mettre en lumière les rouages complexes de la politique industrielle française, ou plus exactement les relations qui font le complexe mécano politico-industriel des télécoms à la française.

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