Le M2M cherche à sortir de ses querelles de chapelle, pour profiter pleinement de sa croissance
L’heure est aux projets de gros volumes. C’est un des mots d'ordre du salon Machine-to-Machine 2010, qui se tenait les 31 mars et 1er avril à Paris. La manifestation laisse toutefois entrevoir un secteur ultra-segmenté où le grand public semble appelé à jouer un rôle celui : celui de catalyseur de la technologie.
En ce premier avril, le Machine-to-Machine (M2M) semble heureux comme un poisson dans l’eau. Où plutôt comme un banc de poissons. La conférence annuelle réservée au concept de Machine to Machine, coincée au fond du salon des systèmes embarqués, s’oriente cette année vers les usages. Un symbole de la montée en puissance des projets “en phase d’industrialisation et d’un marché en phase de massification”, comme le titre par ailleurs une conférence animée sur le salon.
Mais force est de constater que si le marché du M2M connaît aujourd’hui une phase de croissance, comme le reconnaît Jean-Michel Gaillard de la société Cinterion, un constructeur de modules présent sur le salon, il n’a pas encore atteint sa pleine maturité. Preuve que tout reste possible sur le segment du M2M. Orange - qui a notamment ouvert un International Machine-to-Machine Center à Bruxelles -, parle ainsi de phénomène en marche.
14 millions de machines "dialoguent", 13 milliards pourraient le faire
Et les chiffres le montrent. Le marché mondial du M2M, selon les chiffres de l’Idate, s’élevait à 11,2 milliards d'euros en 2009 et devrait atteindre 27,7 milliards en 2013. Sur ce segment déjà florissant vient se greffer un autre relais de croissance : celui du marché de la connectivité qui, pour les opérateurs mobiles, représente un CA de 2 milliards d’euros en 2009 (dont 40 % uniquement en Europe). Avec un rythme de croissance de 20 % par an, ce marché devrait atteindre 4,3 milliards en 2013. Enfin, d’après une étude de Berg Insight, plus de 14 millions de machines utilisaient, en Europe, la technologie M2M à la fin 2008. Elles devraient être 58,6 millions en 2013. Le cabinet Frost & Sullivan évalue d'ailleurs à 13 milliards le nombre de machines ou d’appareils industriels potentiellement capables de communiquer sur le Vieux Continent. Un potentiel énorme, donc.
Bref, le potentiel de ce marché reste peu exploité, offrant ainsi des zones d’adoption encore vierges, comme l’indique un représentant de la société Gemalto, spécialiste français de la carte à puce, sur le stand d’Orange. Du coup, le M2M puise sa croissance tous azimuts, quitte parfois à s'éparpiller dans de multiples segments de l’industrie. Y compris en direction du grand public. Résultat, le périmètre d’activité du M2M, proche au départ du monde industriel, semble quelque peu s’élargir, floutant dans la foulée la définition du M2M. On parle désormais plus volontiers d’objets communicants.
De l'iPhone aux constructeurs de modules
Lors de la conférence “Le MtoM par l’exemple à l’heure de l’industrialisation et de la massification de ce marché” , Coyote, le désormais très tendance détecteur de radars, côtoie l’intégrateur Orphidée, spécialisé dans l’intégration M2M via Zigbee (standard de communication sur de courtes distances), ou encore le constructeur de modules M2M Cinterion. L’iPhone fait également partie des débats. Côté usage, les systèmes de géolocalisation GPS se juxtaposent aux projets de télé-relevé des compteurs - un des vastes projets en cours de déploiement (ERDF en étant au stade du pilote) qui va notamment démocratiser le M2M auprès des particuliers. Mais on retrouve aussi la M2M dans la gestion des procédures de sécurité, dans le monde de la santé, et enfin - surtout - dans le monde de l’automobile, qui constitue aujourd’hui l’industrie la plus avancée dans l’adoption de ce type de technologie. Le développement durable y joue également un rôle important, comme en témoignait d’ailleurs le Forum Ocova 2009.
L'interopérabilité toujours perfectible
Conséquence : si la massification - autrement dit le passage à de gros volumes - est bien en marche, le M2M souffre quelque peu de cette très forte segmentation entre ses multiples segments, commente en substance un responsable de la société Orphidée. L’ambivalence du M2M, mixant grand public et monde industriel, confronte différents mondes qui utilisent différentes technologies, avec des besoins ultra-spécifiques. Là où le bât blesse également, ajoute-t-il, c'est dans le manque d’interopérabilité, notamment au sein d’un même standard. “Certains composants Zigbee ne sont pas compatibles avec d’autres reposant pourtant sur ce même standard”, poursuit-il. D’un point de vue technique donc, la massification repose sur une base relativement large, où les acteurs - et donc les besoins - sont très disparates.
Malgré tout, cette massification a un impact positif : la baisse des coûts des composants. Or un prix de revient bas est lui-même un accélérateur de la massification, explique Jean-Michel Gaillard, de la société Cinterion. Déjà un premier pas vers l’industrialisation.
Icom, un projet d’infrastructure pour interconnecter objets et SI. |
A travers le projet Icom (Infrastructure pour le commerce du futur), le pôle de compétitivité lillois Picom travaille depuis 2008 à une infrastructure logicielle mutualisée permettant le déploiement rapide d’applications pour le commerce en connectant objets communicants (hétérogènes, reposant sur des standards multiples, comme Zigbee, NFC, RFID, mais également les plus traditionnels codes barres 1D ou 2D), d’un côté, aux systèmes d’information des entreprises de l’autre. Auchan, La Poste, Atos, Orange, Arismore, GS1, Decathlon et l’Inria sont partenaires du projet. Pour Arismore, cabinet de conseil en architecture d’entreprise, cela répond d’abord à un vrai besoin d’architecture. Avec en point d’orgue, répondre à la problématique d’intéropérabilité. “L’objet doit faire partie du SI, commente Gille Castéran, directeur associé d’Arismore. L’objectif d’Icom est de construire une plate-forme qui va garantir l’interopérabilité, interconnecter les objets au SI et surtout les intégrer au plus près des processus métiers.” Concrètement, la plate-forme Icom permettra de détecter et d’identifier des événements, de collecter l’information induite, de la valider et de la transmettre vers des applications hétérogènes, explique GS1, organisme mondial en charge de la définition de standards pour la distribution, notamment, sur son site Internet. Icom met à disposition des services applicatifs mutualisés, ainsi que des scenarii qui répondent à différentes formes d’usage. L’idée est de rendre Open Source les composants de cette plate-forme, aujourd’hui en phase de prototypage. Arismore explique que les applications, dédiées avant tout au commerce, s’étendent de la logistique (suivi de colis, collecte d’inventaire, géolocalisation des articles, ...) au marketing (programme de fidélisation par exemple) en passant par la sécurité (comme la lutte contre le vol ou la contrefaçon). |