Le soutien des éditeurs en poche, le W3C voit le futur du Web dans HTML 5
Pour sa première conférence parisienne autour de HTML 5, le W3C, organisme de standardisation du Web, est venu évangéliser ses travaux autour du langage et insister sur son importance dans le visage du Web de demain. Tout en rappelant que sa mission est parfois semée d’embûches, à la fois techniques, mais surtout politiques.
Quoi de plus naturel pour l’organisme en charge de standardiser HTML 5 que de gagner en visibilité ! Le W3C a donné, hier mercredi 7 avril, en France sa première communication officielle autour de HTML 5. L’année où justement le langage qui motorise le Web depuis son origine connaît sa plus importante refonte depuis 1998, date à laquelle les spécifications d'HTML avaient été figées pour les maintenir uniquement en mode errata (limité à la seule correction de bogues). Une refonte qui doit propulser le langage au cœur du développement d’applications Web, et lui ôter cette étiquette de langage limité à la structuration de document.
Cette tournée parisienne des membres du consortium n’est pas anodine, tant les éditeurs de navigateurs se rallient en masse à la cause de HTML 5, implémentant au rythme de l’évolution des spécifications, les tags et autres spécificités propres à cette nouvelle version du langage (le tag vidéo, SVG, Canvas, la géolocalisation, le mode off-line, MathML...). Chrome, Firefox, et Safari, bien sûr, mais surtout Internet Explorer, dont la version 9 encore dans les laboratoires de Redmond doit faire la part belle à la version 5 de HTML, comme l’a indiqué Microsoft à l’occasion du Mix10 de Las Vegas en mars dernier. Un geste qui a rassuré la communauté car “avant de voir la démo du tag vidéo dans IE 9, on ne savait pas quelles étaient les intentions de Microsoft”, souligne en substance Philippe Le Hégaret, un des responsables du consortium en visite à Paris. “Les implémentations étant de mieux en mieux aujourd’hui, il est l’heure de communiquer”, lance-t-il.
Un bras de fer politique
Avec la standardisation de HTML 5 - et celle de CSS 3 -, le W3C, qui a reçu une aide financière de l’Isoc de 2,5 millions de dollars (répartis sur plusieurs années) pour se restructurer, joue aujourd’hui un rôle central dans le “futur du Web”, comme il le qualifie. D’autant que cette mouture se fait attendre. Notamment depuis 2007, date à laquelle le consortium a relancé le groupe de travail HTML - et fait scission avec le groupe xHTML 2 avant de définitivement abandonner la norme au profit de HTML 5 en 2009 -, le W3C planche activement, et de façon unifiée, aux nouvelles spécifications démarrées en 2004. Un roadmap très longue, reconnaît Philippe Le Hégaret, que l’on doit notamment, explique-t-il, aux 9 mailing lists à décortiquer ainsi qu’aux 4 600 mails reçus du public depuis novembre 2009. Un travail de fourmis en somme d’autant qu’”il reste des composants à implémenter qui n'ont pas été abordés”. A cela bien sûr se greffent “des problèmes politiques", selon Dominique Hazael-Massieu, responsable des activités Mobile Web : "il est parfois difficile de trouver un consensus entre tous les acteurs présents au sein du groupe de travail”. Une illustration de la forte implication de l’industrie et de l’enjeu que représente HTML 5 pour les éditeurs. A tel point que "enrayer publiquement les processus de standardisation de HTML 5 pourrait fortement nuire à l’image d’une société", commente-t-il.
Mais "nous parlons ici du Web dans cinq à sept ans", souligne Philippe Le Hégaret, une encore longue période pendant laquelle les éditeurs de navigateurs devront implémenter les spécifications et livrer aux yeux du public la pleine étendue des possibilités de HTML 5. “Selon les navigateurs, il reste encore beaucoup à faire dans l’implémentation de HTML 5, pour améliorer l’intéropérabilité.”
Concilier standardisation et innovation ?
Si le chemin est encore long, le W3C ne reste toutefois pas les deux pieds dans le même sabot et réfléchit aux prochaines évolutions. Notamment en matière de Web mobile. Un “dada” de Tim Berners-Lee, le patron du W3C, et une évolution naturelle du Web tant le marché des smartphones pousse à consommer l’Internet sur son terminal mobile. Dans ce domaine, le consortium peaufine la standardisation d’API qui viendront exploiter les spécificités matérielles des terminaux, comme la géolocalisation. Ou encore d’autres pour tirer partie des caméras embarquées, par exemple.
Bref, de l’innovation. Et “il y a de la place pour l’innovation dans la définition de standards”, veut croire Philippe Le Hégaret, histoire de faire taire les critiques qui prétendent que le W3C a toujours un métro de retard sur l’innovation.