OpenSolaris : après le rachat d'Oracle, la communauté envisage de faire sécession
La communauté OpenSolaris est en ébullition depuis que la dernière version de la distribution libre de Solaris, à l’origine attendue pour la fin mars 2010, est portée disparue. Face au silence d'Oracle sur le sujet, les esprits commencent à s'échauffer et certains membres de la communauté, dont un membre du conseil chargé de piloter le développement d'OpenSolaris, évoquent l'idée d'un fork du code source, d'une déclinaison échappant au contrôle d'Oracle donc. Une idée que d'autres, qui prônent un peu de patience, jugent irréalistes.
La communauté OpenSolaris est en ébullition depuis que la dernière version de la distribution libre de Solaris, à l’origine attendue pour la fin mars 2010, est portée disparue. Officiellement, la nouvelle version d’OpenSolaris (Open Solaris 2010.03), qui doit servir de base au prochain Solaris 11, était attendue en mars 2010.
A l’occasion de la réunion annuelle OpenSolaris, Oracle a pourtant confirmé officiellement le 26 février son soutien au projet par la voix de Dan Roberts, le directeur de la ligne de produits de Solaris (un compte rendu détaillé est accessible à cette adresse et Dan Roberts intervient sous le pseudo DanR) : « Oracle entend continuer à publier le code source d’OpenSolaris et Oracle continuera à participer et à supporter activement la communauté. Oracle continuera aussi à livrer de nouvelle version d’OpenSolaris, à commencer par la prochaine mouture, OpenSolaris 2010.03 ».
Rappelons qu'OpenSolaris a été créé en 2005 par Sun pour mettre en place un processus de développement ouvert autour de son système d’exploitation Unix, Solaris. La première mouture de la distribution libre est apparue en mai 2008 (OpenSolaris 2008.05 « Indiana ») et Sun a ensuite produit une nouvelle version environ tous les six mois. La dernière, Open Solaris 2009.06 « Nevada », date de juin 2009. Mais depuis, malgré de multiples ajouts de codes et de "built" intermédiaires, Oracle n'a toujours pas produit une nouvelle compilation officielle d'OpenSolaris - la firme est la seule à le pouvoir, puisqu'elle détient la marque. Une situation qui inquiète certains membres de la communauté et qui fait couler beacouup d'encre dans les listes de discussion de la distribution.
Certains rêvent d'un fork du code source OpenSolaris...
Sur les listes de discussion OpenSolaris, certains salariés d’Oracle invitent toutefois les membres de la communauté à la prudence et à la patience, en indiquant que l’acquisition a ralenti nombre de processus internes et qu’un retard de moins d’un mois ne veut pas dire qu’Oracle a décidé de jeter le bébé avec l’eau du bain. D’ailleurs, si Oracle ne s’est plus exprimé sur OpenSolaris depuis le 26 février, ses ingénieurs continuent d’apporter quotidiennement des correctifs et des ajouts à la base de code OpenSolaris. Ce qui est une indication que les développeurs de l’OS, dont la plupart sont des salariés d’Oracle, sont toujours au travail sur le projet. Ils ont d’ailleurs publié il y a deux jours, le 14 avril, une nouvelle consolidation du code OpenSolaris qui devrait donner lieu à une nouvelle "built", la b137. Si Oracle avait décidé de la mort d’OpenSolaris, cela ne serait sans doute pas le cas.
Il n’empêche, les intervenants les plus excités de la communauté OpenSolaris commencent à évoquer l’idée d’un « fork » (littéralement une fourchette, dérivation du code) du code OpenSolaris pour créer leur propre distribution libre de tout contrôle d’Oracle, au cas où ce dernier viendrait à abandonner sa distribution Open Source. Sur la liste de discussion de l’OpenSolaris Governing Board (OGB), le conseil qui, en principe, préside aux destinées de la distribution libre, Dennis Clarke, l’un des membres récemment élus au sein de l’OGB, prêche ainsi ouvertement pour un fork du code, une idée qui a échauffé les esprits et qui a donné lieu à une bataille épistolaire sur la mailing-list de l’OGB.
...tandis que d'autres invitent à la prudence et à la patience
Martin Bochnig, l’un des pères de Martux, une distribution OpenSolaris pour Sparc, explique ainsi qu’un fork pour quelques semaines de retard serait stupide, ne serait-ce que parce que la communauté OpenSolaris n’a ni les moyens financiers, ni les effectifs humains pour maintenir la base de code OpenSolaris hors d’Oracle, qui fournit toujours la plupart des contributions.
Franck Hofmann, un ancien développeur Solaris chez Sun, explique lui aussi qu’il n’y a pas le feu à l’édifice et que l’absence de communication n’est finalement que caractéristique du comportement général d’Oracle. « Oracle a le pouvoir de couper le flux de code dans les dépôts publics OpenSolaris, comme il a celui d’empêcher ses salariés de communiquer sur les forums. Il a décidé d'exercer le second, mais pas le premier.(...) Prenez une vue misanthropique de la vie et vous analyserez qu’Oracle veut abandonner le projet et planter tout le monde. Prenez une position plus philanthropique et vous verrez que la rivière de code coule plus vite que jamais ».
Oracle : un silence radio qui sème la confusion
Et Hofman d’ajouter qu’OpenSolaris ne rapporte pas d’argent à Oracle et qu’à titre personnel ce qu’il attend surtout est la sortie de Solaris 11. « J’ai travaillé dessus pendant quatre ans avant de quitter Sun(..) et j’admets que ces années de ‘distribution OpenSolaris [gratuite]’ m’ont privé de la fierté de voir mettre en vente le produit auquel j’ai tant contribué ». Garett d’Amore, un autre ex-développeur Solaris, ajoute lui aussi : « soit vous comprenez les réalités économiques soit vous ne les comprenez pas. J’aime travailler sur du code libre, mais à la fin de la journée quelqu’un doit payer les factures. Donner tout mon travail gratuitement sans plan pour le monétiser ne va pas m’aider à conserver le style de vie auquel je me suis habitué...».
Bref, comme c’est le cas pour l’ensemble des activités de Sun, c’est aujourd’hui plus le silence radio d’Oracle que ses actes, qui inquiètent les afficionados des technologies du Californien. Il est vrai qu’il n’est sans doute pas simple pour les clients comme pour les partenaires de passer d’une entreprise dont la communication était quasiment transparente à une autre qui s’est taillée une réputation solide de mur du silence. Et le fait qu'Oracle gère l'intégration de Sun d'une main de fer, sans rien communiquer sur ses plans, n'arrange sans doute guère les choses.
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