Cloud computing : un nuage peut faire redécoller l'économie française
En plein blocage des aéroports du Nord de la France, suite au nuage provoqué par une éruption en Islande, l'Association française des éditeurs de logiciels (Afdel) voit dans l'informatique en nuage une opportunité de faire redécoller l'économie du pays. A condition de ne pas louper le virage des infrastructures, préalable à la constitution de plates-formes de cloud computing.
Ne pas rater une nouvelle révolution industrielle. C'est en résumé le message qu'adresse l'Association française des éditeurs de logiciels (Afdel) aux pouvoirs publics, message qui prend la forme d'un livre blanc intitulé "Cloud Computing, une feuille de route pour la France", rédigé par le groupe de travail qu'a monté l'organisation sur ce sujet. "La France a besoin d’une politique industrielle, d’un cap qui ne soit pas celui des délocalisations d’emplois industriels et de services (car les seconds vont généralement de pair avec les premiers) mais celui d’une croissance créatrice d’emplois. Si l’informatique de demain devient aussi une industrie lourde, celle de datacenters géants, nous devons en relever le défi, sans quoi c’est une révolution industrielle que nous manquerons", avertit Patrick Bertrand, le président de l'Afdel (et directeur général de l'éditeur français Cegid). Et de réclamer une consultation publique pour définir les orientations de la future procédure des appels d'offre que doit lancer le gouvernement dans le cadre du Grand Emprunt. Rappelons que les arbitrages rendus par Nicolas Sarkozy dans ce dossier prévoient une enveloppe de 700 M€ pour construire les "grandes centrales numériques du futur", comprendre des datacenters sur lesquels pourraient résider les offres cloud et dont la création pourrait passer par la création d’une société publique-privée chargée de concevoir et d'exploiter ces infrastructures. Mais, depuis ces annonces, le gouvernement travaille un peu en mode boîte noire, s'attirant des critiques à peine voilées de Syntec Informatique, la chambre patronale des SSII et éditeurs, et donc désormais de l'Afdel.
Accélérateur de croissance pour les PME du logiciel
Car, selon l'association, si la France - pas plus que l'Europe d'ailleurs - ne figure dans les locomotives du phénomène, la messe n'est pas dite. Certes les grands noms du secteur sont américains - ainsi que les start-up les plus en vue du secteur, serait-on tenté d'ajouter -, mais, en bousculant la chaîne de valeur, le cloud "rebat considérablement les cartes entre les acteurs, en particulier entre les grands et les petits. Le Cloud computing peut ainsi constituer un puissant levier de développement pour les éditeurs de logiciels de toutes tailles, en ce qu’il peut ou pourra offrir à ces derniers l’accès à des capacités d’infrastructure démesurées en fonction de leur usage seulement et à même de les accompagner dans leur croissance". Un vecteur d'internationalisation pour les PME tricolores du logiciel - à condition qu'ils sachent gérer la mutation de leur modèle économique - et pour l'innovation.
A condition également de disposer des infrastructures au cœur du développement de ce modèle, avertit le livre blanc. "Ne pas posséder en France ou en Europe une filière digne de ce nom reviendrait à se trouver demain complètement exclus d’une nouvelle révolution industrielle. Avec des conséquences néfastes en termes d’emplois directs, d’emplois induits, de savoir-faire et de capacité d’innovation". Et de rappeller, chiffres IDC à l'appui, que c'est à une véritable vague d'externalisation et de mutualisation des infrastructures qu'il faut s'attendre : selon le cabinet, le marché mondial des datacenters externalisés va progresser de 725 millions d’euros aujourd’hui à plus de deux milliards d’euros en 2013. Et le potentiel est énorme : 95 % des entreprises européennes administrent toujours leurs propres datacenters en interne. Avec d'ailleurs, relève l'Afdel, une seconde filière toute entière entraînée par la création de ces usines à calcul : l'optimisation des datacenters dans leur gestion de l'énergie. Citant un récent rapport de Greenpeace, le livre blanc note que les promesses économiques du cloud ne seront réellement atteintes que quand les infrastructures se montreront moins énergivores.
Eviter le spectre de la dépendance à des écosystèmes US
Pourquoi une telle insistance d'une organisation représentant des éditeurs de logiciels en matière d'investissement dans les infrastructures ? Pour l'Afdel, ces dernières sont indispensables pour bâtir des écosystèmes, une notion dont l'importance serait "formidablement accrue" par le cloud et où, précisément, on retrouve aujourd'hui les grands noms américains, comme Google, Amazon ou Microsoft. On parle ici des notions de Paas (Platform-as-a-service) ou de Iaas (Infrastructure-as-a-service). "Un Cloud français constituerait donc un effet levier évident sur la filière dans son ensemble, et en particulier sur la filière logicielle en France, écrit le groupe de travail de l'association. Les écosystèmes français et européen du logiciel se trouveraient dans le cas inverse dépendants, pour leur développement, des stratégies d’autres acteurs. Les utilisateurs finaux seraient également directement impactés dans leur capacité de choix technologique". Et d'appeler le gouvernement à mettre les entreprises disposant des moyens de bâtir les fermes numériques de demain autour d'une table. Bull, qui milite pour les mêmes idées, est notamment sur les rangs.
En complément :
- Grand Emprunt : piochant dans de multiples enveloppes, le logiciel n'est pas zappé selon l'Afdel
- Les patrons de l'industrie IT de plus en plus critiques face à la "méthode Sarkozy"
- Logiciel : l'Afdel identifie 7 priorités pour le Grand Emprunt
Un cadre juridique spécifique ? |
En plus de ses appels à se lancer dans la construction des infrastructures d'un futur cloud hexagonal ou européen, l'Afdel milite pour un cadre juridique dédié aux fournisseurs de services à la demande. Un régime de responsabilité que l'association d'éditeurs aimerait voir se rapprocher du statut des hébergeurs tel que défini dans la LCEN (Loi pour la confiance dans l'économie numérique). Rappelons qu'au regard de ce texte, ces derniers "ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible." En contrepartie, l'Afdel propose d'imposer aux fournisseurs de services du cloud des obligations en matière de transparence, de réversibilité du service et de transmission des données. Tout en suggérant une "procédure encadrée et définie par la loi" pour, "sous réserve de conditions bien délimitées, permettre un séquestre des données par le prestataire ou un tiers". |