Pour les SSII indiennes, la crise est finie… au moins aux Etats-Unis
L’heure n’est plus au doute mais à la confiance : les résultats des SSII indiennes pour le premier trimestre mettent en évidence un retour solide à la croissance, avec des niveaux d’activité retrouvés supérieurs à ceux d’avant la crise. Conséquence de cette situation : les grandes SSII indiennes recommencent à embaucher fortement, ne serait-ce que pour faire face à une attrition qui, elle-aussi, retrouve ses niveaux d’avant la crise. Mais alors même qu’elles se trouvent dans une situation plus enviable que leurs homologues occidentales, l’heure ne serait pas aux grandes manœuvres de croissance externe.
Pas de doute, les grandes SSII indiennes ont retrouvé le sourire. Au premier trimestre 2010, TCS a ainsi réalisé un chiffre d’affaires de 1,69 M$, soit près de 40 % de mieux qu’un an plus tôt ! Et ce cas n’a rien d’isolé : chez Wipro, le CA trimestriel a atteint 1,55 M$ (+ 21 %) contre 1,30 M$ (+ 16 %) pour Infosys et 685 M$ (+21 %) pour HCL Technologies. Des niveaux tous supérieurs à ceux atteints avant le plongeon de la fin 2008 et du début 2009 (voir graphique ci-contre). Et il en va de même pour les bénéfices nets qui s’offrent le luxe de repartir sur des niveaux de croissance plus importants que les niveaux de recul enregistrés jusqu’à début 2009 (voir graphique ci-dessous.) Le signe que les SSII indiennes ont réussi à décorréler la progression de leur activité de celle de leurs effectifs, améliorant, au passage, leur rentabilité.
La crise est finie aux Etats-Unis, mais pas en Europe
Les patrons des grandes SSII indiennes ne cachent d’ailleurs pas leur satisfaction. N. Chandrasekaran, PDG de TCS, attribuait ainsi ses bons résultats, lors de la présentation des résultats de sa SSII, le 19 avril dernier, à « notre capacité à réagir aux opportunités de croissance. » Et de souligner des marges « proches des plus hauts historiques ». Chez Wipro, Azim Premji, président du conseil d’administration de la SSII, estime pour sa part que « l’environnement économique est en train de revenir à la normale ». Quant à Kris Gopalakrishnan, PDG d’Infosys, il se félicite d’avoir été capable de « tirer profit des opportunités du marché et de croître plus rapidement grâce à nos investissements dans l’accroissement de nos capacités et de nos compétences durant la crise économique ». Et, « si l’environnement économique continue d’être difficile, les entreprises investissent pour assurer leur croissance future. »
Mais la situation ne semble pas identique dans toutes les régions du monde. Interrogé par nos confrères de l’Economic Times of India, N. Chandresakaran indiquait ainsi, la semaine dernière, ne pas constater de reprises en Europe continentale « tant en termes de signatures de contrats que de montage d'opérations. Nous ne voyons aucun moteur. Et si vous me demandez pourquoi, je ne sais pas. » Au cours de son exercice 2009-2010, clos le 31 mars dernier, TCS a réalisé 10,5 % de son chiffre d’affaires en Europe continentale ; la CA réalisé sur le vieux continent par la SSII avait pris le chemin de la croissance au second semestre 2009 avant de rechuter légèrement début 2010. Même son de cloche chez HCL qui a réalisé près de 27 % de son CA annuel en Europe, mais n’a réussi qu’à obtenir 1,4 % de croissance séquentielle dans la région au premier trimestre 2010 – contre près de 10 % aux Etats-Unis.
Le retour du jeu des chaises musicales ?
Mais la sortie de crise pourrait avoir un effet pervers pour les SSII indiennes : le retour de leurs difficultés à recruter et à conserver leurs talents. Au cours de l’exercice 2009-2010, Infosys a recruté 27 000 personnes, contre 18 000 initialement prévus. Pour l’exercice entamé, les recrutements sont attendus à hauteur de 30 000 personnes. Et les salaires vont gonfler : de 13 à 17 % en Inde et de 2 à 3 % sur site.
Au premier trimestre 2010, ces annonces ont déjà produit leurs effets : avec plus de 9 000 recrutements, l’augmentation nette des effectifs n’a été que d’un peu moins de 4 000 – pour un total, donc de 113 796 salariés. Chez Wipro, le taux d’attrition volontaire est passé de 8,4 % au second trimestre 2009, à 17,1 % au premier trimestre 2010. Au total, les SSII indiennes ont créé 20 000 nouveaux emplois début 2010. Sans trop s’étendre sur un sujet connu pour être sensible et récurrent, Ajoy Mukherjee, DRH de TCS, a reconnu, lors de la présentation des résultats de la SSII, « une légère augmentation de 0,3 % » de l’attrition, à 11,8 %, expliquant que « oui, compte tenu de l’environnement, l’attrition survient ». TCS prévoit 30 000 embauches d’ici à fin mars 2011.
Entreprises IT indiennes : de nouvelles proies ? |
Après la crise, le retour des emplettes ? Selon nos confrères indiens du Business Standard, les opérations de croissance externes, entre prestataires de services IT en Inde, sont de retour. Mphasis, filiale de HP en Inde, a récemment racheté Fortify Infrastructure Services, « qui a une présence significative à Pune ». MindTree vient quant à lui de racheter 7Strata, un spécialiste de l’administration d’infrastructure à distance installé à Chennai. Mais, au-delà des exemples, selon le cabinet d’étude Venture Intelligence, des opérations de fusion/acquisition auraient déjà lieu en Inde, sur le secteur IT, pour une valeur de 155 M$, au cours des deux premiers mois de l’année – 66 % de mieux qu’un an plus tôt. Mais, pour les grandes SSII indiennes, l’heure ne serait pas aux opérations de croissance externe d’envergure, et surtout pas en Europe continentale. Dans les colonnes de nos confrères de Silicon India, John McCarthy, analyste chez Forrester, explique : « tout ce qu’il y aurait à gagner, ce sont des maux de tête et une importante déconnexion culturelle. » Paul Hermelin, patron de Capgemini, n’encourage pas plus ses homologues à s’aventurer directement en Europe : « lorsque vous licenciez quelqu’un, ça coûte très cher. Et lorsque vous essayez de retarder le processus, ça pèse sur les marges. » |