Pour les experts RH de Technologia, le SI est « l’un des symptômes des problèmes de France Télécom »
Un symptôme, mais quel symptôme ! Selon Technologia, le SI de France Télécom souffre de dysfonctionnements, de lourdeurs, et s’apparente à une entrave à la performance, conçu qu’il serait comme un «outil de contrôle et de mesure.» Du coup, dans ses préconisations, le cabinet d’audit place l’informatique en troisième position, appelant à un « SI performant et accepté », juste après la simplification de l’organisation et l’adoption d’un logique qualitative dans les processus internes. Mais bien avant le volet RH qui n’arrive qu’en sixième position.
Technologia, le cabinet chargé de l’audit des conditions de travail chez France Télécom, à la suite d’une série de suicides chez l’opérateur, n’est pas tendre dans son rapport, rendu public par le syndicat Sud Télécoms. Accablant la direction de l’entreprise et préconisant une réforme RH du groupe, il pointe également un système d’information « largement critiqué » qui est « l’un des symptômes des orientations et des problèmes de l’entreprise », une entreprise qui a « suivi le pas d’une gouvernance par l’actionnaire et pour l’actionnaire, dans un modèle de gouvernance actionnariale. » Une logique clé, si l’on en croît les auteurs du rapport, en cela qu'elle induit les orientations qui trouvent leur traduction dans le SI de France Télécom. Concrètement, selon Technologia, les salariés de l’opérateur citent « fréquemment » son SI « comme une des entraves à un travail efficace. »
Trop d’applications, trop de lourdeurs
Les salariés des activités Marché des Particuliers dénoncent en particulier « les dysfonctionnements » du SI: « lors d’un contact avec un client, un conseiller utilise plusieurs applications qui se révèlent le plus souvent lentes, en panne ou n’ayant pas encore intégré les nouvelles offres commerciales. » Et un téléconseiller de les énumérer : Rforce, pour l’historique client, Cristal ,pour les offres souscrites, Siegfied, pour les abonnés Internet, Guizmo, pour les commandes... « Plus de dix applications en tout. » De quoi empêcher le conseiller d’accéder rapidement aux informations « nécessaires pour faire une réponse claire et argumentée ou tout simplement pour traiter la commande dans des délais acceptables pour le client. » Sans compter les bugs et les problèmes de maintenance également soulevés.
Une situation qui se retrouve, notamment, au sein des activités Marché Enterprises où, là encore, « les outils informatiques, bien que très divers et très nombreux, ne sont pour autant pas toujours simples d’utilisation pour les salariés. » Au point que certains en viendraient à bricoler leurs propres solutions... ou prévoient « d’autres activités à réaliser en parallèle au cas où l’application ne fonctionnerait pas. » Surtout, le rapport de Technologia pointe « la multiplication des applications qui ne sont pas interfacées. » Rappelons qu'avec Orange Business Services (OBS), le groupe France Télécom dispose en son sein d'une des principales SSII de l'Hexagone...
Dans le volet de son rapport consacré aux fonctions support, le cabinet d’audit revient sur ces questions au travers des responsables de déploiement, une population « tampon » entre maîtrises d’ouvrages ou directions métiers et utilisateurs finaux. L’occasion de mettre le doigt sur un point clé, au travers du témoignage d’un responsable déploiement : « la direction métiers fait ce qu’elle a à faire et le terrain subit, il me fait remonter les dysfonctionnements etc., mais n’est pas entendu. » Et d’insister, au passage sur une conduite du changement généralement trop rapide, « sans que soient mis en œuvre les moyens qui seraient nécessaires. »
« L’organisation MOA, MOE, laisse de côté deux intervenants essentiels »
Une situation qui, à sa manière, renvoie à l’organisation adoptée par France Télécom dans la gestion de ses projets informatiques, en dissociant maîtrise d’ouvrage (MOA) et maîtrise d’œuvre (MOE), laissant ainsi « de côté deux intervenants essentiels. L’un est l’utilisateur final qui n’est pas représenté, aucune des parties ne défendant son point de vue. » Et de pointer, au passage, les questions d’ergonomie des interfaces homme machine, en s’appuyant sur le témoignage d’un salarié : « ce sont les apports fonctionnels [qui sont recherchés] et pas l’ergonomie qui n’a pas de retour sur investissement. Et pour qu’il y ait des évolutions, il faut qu’il y ait un ROI visible. » Selon Technologia, l’autre oublié de l’organisation MOA, MOE, serait « le défenseur de la cohérence de l’architecture du SI. » Une cohérence mise à mal, selon le cabinet, « par la prolifération d’applications »... La boucle est bouclée.
Au final, selon Technologia, «des améliorations s’imposent» pour le SI de France Télécom. Mais compte tenu de son adhérence à l’organisation et à ses processus, « elles ne pourront se faire qu’en lien avec des décisions majeures sur l’organisation et le fonctionnement de l’entreprise. » Concrètement et à court terme, le cabinet préconise à l’opérateur d’investir pour améliorer l’ergonomie des interfaces, de revoir la procédure d’assistance aux utilisateurs, d’établir un tableau de bord de leur satisfaction et de réviser son organisation projets. A moyen terme, Technologia recommande rien moins que de revoir en profondeur le SI avec, notamment, le nettoyage du portefeuille applicatif et un changement d’approche : passer d’un « outil de contrôle et de mesure » à un outil « d’aide à la performance ».