L’entreprise libre en France est petite, jeune, prospère, mais pas 100% Open Source
Dans son étude, le Conseil national du logiciel libre (CNLL) livre une cartographie de ses membres, représentatifs du tissu d’entreprises Open Source en France. Résultat, si elles sont de taille réduite, jeunes et peu impactées par la crise, les entreprises du libre parviennent à toucher les grands comptes et ne comptent donc plus le seul secteur public pour prospérer. Seuls points noirs, toutes les entreprises du CNLL ne tirent pas 100% de leur CA du modèle libre et un tiers d'entre elles ne verse pas de contribution à la communauté.
Petite, jeune, en pleine croissance. Non, ce n’est pas le profil type d’une adolescente idolâtrant le dernier réseau social à la mode, mais bien celui d’une entreprise Open Source française du CNLL (Conseil national du Logiciel libre) -, un groupement d’associations (et de 200 entreprises) censées concentrer les efforts du Libre en France. Cette initiative annoncée le 18 février dernier doit ainsi livrer une cartographie précise et représentative de l’industrie du logiciel libre en France et surtout du tissu d’entreprises qui la compose. Elle publie justement une étude - qui compte 100 répondants sur les 200 entreprises -, aujourd’hui, pour dresser cet inventaire.
Ainsi, la majorité des entreprises (52%) du CNLL ont été créées après 2005 et ont, pour certaines, à peine 5 ans d’existence. Les plus anciennes comptent pour 15% (avant 2000). Et 34% ont été fondées entre 2001 et 2004. Quelque 49% d’entre elles embauchent entre 1 à 5 salariés, faisant de la plupart des entreprises du CNLL des TPE, voire des sociétés uni-personnelles. Elles sont 34% à embaucher entre 6 et 20 salariés et 16 % à disposer d’un effectif de plus de 20 personnes. Enfin, 53% font moins de 250 000 euros de chiffres d’affaires. “Au total, les 200 entreprises rassemblées dans le CNLL génèrent environ 200 millions d’euros de CA”, ajoute Patrice Bertrand, porte-parole du CNLL et Pdg de Smile.
Les grands comptes comme clients n°1
En dépit de cette jeunesse, affirme le CNLL dans son étude, les entreprises “s’attaquent” tout de même aux grands comptes qui constituent le gros de leur activité avec 27% de leur CA. Devant les PME, avec 22%, et, plus surprenant, le secteur public qui n’occupe que 21% des activités d’une entreprise type du CNLL. Le secteur public est souvent considéré comme le moteur principal du logiciel libre en France. Un résultat qualifié par Patrice Bertrand de surprenant, qui montre que “les entreprises du libre, aussi petites soient-elles, franchissent assez facilement les barrières des départements d’achats”.
Le développement, l’intégration et le conseil - respectivement 60 %, 60 % et 50 % - sont les principales activités des entreprises ayant répondu à l’étude, avant l’édition de logiciel (42%) et la formation (34%). Des activités rassemblées autour d’offres liées au développement sur mesure (60%) et à la gestion de contenu et à la GED (53%). Les solutions Internet sont d’ailleurs dans le haut du classement avec les solutions e-commerce pour 38%. Suit l’administration Linux à 35%.
Il n’est donc pas anormal de constater que PHP constitue pour 55 % des entreprises la principale plate-forme, contre 44% pour Java.
Il n’est donc pas anormal non plus de lire dans l’étude que les entreprises du CNLL ont résisté à la crise en 2009, tant les activités web, et notamment le développement de frontaux, ont assez peu été impactées par la récession, comme nous l’indiquait Mathieu Pujol, analyste chez Pierre Audoin Consultants. Si elles sont tout de même 18% à avoir connu une baisse comprise entre 1 et 15%, quelque 73% affirment avoir enregistré une croissance, dont plus de 50% de 15%. Pour 2010, elles anticipent également un avenir flamboyant, 60% d’entre elles considérant une croissance de plus de 15% cette année. Pour Patrice Bertrand, il s’agit bien d’une confirmation de la résistance à la crise du libre, même si certaines ont connu de véritables difficultés, souligne-t-il.
Rappelons que selon le cabinet Pierre Audoin Consultants , le logiciel libre français devrait connaitre une croissance de 30% en 2010. Une hausse qui devrait assoir le logiciel libre sur un marché hexagonal de 2 milliards d’euro, cette année. En 2009, cette même étude indiquait que le marché du libre en France représentait 1,4 milliard, mais seulement 4% du marché des services et du logiciel en France (34 milliards en 2009). Ces plus de 15% de croissance prévus par la majorité des entreprises du CNLL devraient alors y contribuer.
Des entreprises pas 100% libres
Autre information notable de l’étude, si l'on parle bien d’entreprises du logiciel libre, certaines entités ne tirent pas l’essentiel de leur revenus de l’Open Source. Si elles sont 59% - la majorité donc - à réaliser plus de 90% de leur chiffre d’affaires avec le libre, 32% affirment qu’il compte pour entre 51% et 90 % de leur CA. Enfin, pour 9%, il représente moins de 50% du CA. Essentiellement “des pure-players”, résume toutefois l’étude. Pour Patrice Bertrand, “le CNLL rassemble des prestataires qui sont plus ou moins spécialisés dans le libre. Certains font de l’Open Source si c’est opportun, mais pas uniquement”, résume-t-il. A cette explication vient s’ajouter celle des critères d’exigences, alors disparates, des associations - Le CNLL en compte 10 qui fédèrent les 200 entreprises membres. “Certaines associations sont en effet plus libérales que d’autres dans les conditions d’entrée de leurs membres”, explique-t-il.
Terminons enfin sur une donnée surprenante révélée par l’étude : le taux important d’entreprises (32%) qui affirment ne pas contribuer à des projets de logiciels libres. Etonnant de ne pas participer à l’élan communautaire, l’une des spécificités clés du modèle du libre, quand on se rassemble au sein d’un Conseil national en logiciel libre. D’autant que 84% estiment, dans cette même étude, que ces mêmes valeurs de l’Open Source sont en danger.
Patrice Bertrand préfère quant à lui parler d’une évolution du terme “contribution” qui dépasse aujourd’hui le simple fait de reverser du code dans la communauté. “L’un des modes appréciés de la contribution est le modèle reposant sur les extensions. Un modèle qui peut s’appliquer quand les éditeurs préfèrent garder le noyau de leur application auprès de leur propres développeurs”. Et selon lui, ce mode s’apparente bien à des contributions. Il souligne également que certaines entreprises sont spécialisées dans le déploiement et l’intégration pures et qu’en fonction du produit, cela se réalise sans contribution. Pas de contributions certes, mais bien un contexte lié au logiciel libre, pour résumer.
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