Embarqué : en route vers une unification de Linux
Le calendrier est chargé, depuis quelques mois, autour de Linux dans l’embarqué. Après le ralliement des automaticiens Linux à la Linux Foundation, c’est au tour des fondeurs reposant sur ARM de s’allier pour favoriser l’émergence de solutions mobiles et embarquées Open Source. Une montée en puissance du libre qui pioche dans ses vertus d’unité pour percer le marché.
Finie la fragmentation, place à la convergence. Le monde des systèmes embarqués Open Source a connu ces derniers temps une forte tendance à la réunification. Alors que l’on parle de plus en plus de la fragmentation - souvent à tord - d’Android, l’OS Open Source initié par Google, il apparait que la sphère de l’embarqué Linux, poussée par le marché bouillonnant des appareils mobiles connectés - comme les tablettes tactiles - cherche aujourd’hui à s’unifier... pour éviter de s’éparpiller.
C’est ainsi que pourrait être interprétée la création de Linaro, une société à but non lucratif, par les 6 plus gros fournisseurs au monde de processeurs, Freescale, ST-Ericsson, Texas Instrument, Samsung, IBM et bien sûr ARM. Six ténors des puces embarquées au sein de terminaux mobiles, des smartphones, jusqu'au monde de l’automobile en passant par les set-up box.
A la clé, le développement d’outils de développement, de middleware, de pilotes optimisés pour les systèmes mono-puces (SoC - System-on-a-chip) ARM, qui pourront être exploités dans Android, MeeGo, WebOS, LiMo ou Ubuntu. Objectif : accélérer la mise à disposition d’appareils Linux en fournissant un socle stable, optimisé et surtout standard - et aligné sur les technologies de chaque membre -, pour adresser tout un panel de marchés.
Un SoC, que l’on appelle aussi système mono-puce, est un système complet intégré au sein d’un processeur. Ce système embarque les technologies informatiques nécessaires (comme un OS, de la mémoire...) pour réaliser des traitements de données ou des calculs basiques, généralement dédiés à une unique fonction.
Dans le détail, les membres fondateurs de Linaro entendent fournir une trentaine de développeurs qui participeront à différents projets Open Source. Cette approche communautaire sera épaulée par l’arrivée d’une centaine de développeurs supplémentaires d’ici quelques semaines. Dans un communiqué de presse, Linaro explique également qu’il s’alignera sur les principes opérationnels de la Linux Foundation, l’organisation en charge de la maintenance du noyau Linux. Un autre symbole d’alignement.
La première livraison du code Linaro est prévue pour novembre 2010 et offrira les optimisations nécessaires pour la plate-forme ARM Cortex-A. Le groupement prévoit de livrer des mises à jour de son code tous les 6 mois.
L’automatisme Open Source rejoint la Linux Foundation
Cette approche, symbole de la convergence de Linux dans l’embarqué, on la retrouve également dans le monde de l’automatisme Open Source. Le 18 mai dernier, Open Source Automation Development Lab (OSADL), l’organisation en charge de coordonner les développements de projets Open Source dans l’industrie de l’automatisme décidait de rejoindre la Linux Foundation, qui s’occupe du développement du noyau Linux. Une initiative forte de sens, illustrant le besoin de la sphère Open Source - et notamment de celle de embarqué - de se serrer les coudes pour accélérer les développements, alors que le marché de la mobilité et du logiciel embarqué connait une explosion certaine.
Dans un communiqué, OSADL, par la voix de son dirigeant le docteur Dr. Carsten Emd, expliquait que “la Linux Foundation constitue une ressource importante pour collaborer autour de Linux, à la fois en ligne et lors de manifestation. Nous sommes impatients de créer des opportunités à partir de cette collaboration et de mener Linux à un niveau supérieur dans les environnements embarqués et industriels”. Un vrai de message de rassemblement.
L’embarqué, un segment qui attire les acteurs de la mobilité
Mais au delà d’une stratégie d’unité, ces deux annonces (la création de Linaro et l’adhésion de l’OSADL à la Linux Foundation) peuvent également formuler la réponse de l’Open Source à un marché qui connait une concentration galopante. Et ce depuis au moins un an.
La première fronde, encore une fois issue du monde des processeurs, est venue d’Intel. Le n°1 des processeurs a entrepris de s'offrir Wind River, éditeur d’OS embarqué phare du marché, pour 884 millions de dollars. Un prix qui en dit long sur l’intérêt stratégique que lui porte Intel. Un des objectifs du fondeur : positionner ses processeurs x86, et notamment ses Atoms, auprès de l’importante base de clients de Wind River, qui s’échelonne des produits grand public à l’industrie automobile. Linaro, en ce sens, pourrait constituer la réponse du berger à la bergère, certes un an après ce rachat.
Autre symbole de l’intérêt grandissant du monde de la mobilité pour l’embarqué, le rachat de QNX, éditeur célèbre d’un OS embarqué, par le Canadien RIM, qui commercialise le Blackberry, terminal mobile n°1 sur le segment des entreprises. Grâce à cette acquisition, RIM entre sur un segment où il était absent, et offre dans la foulée une rapide vision du futur : la frontière entre le monde de la téléphonie mobile et celui de l’embarqué se floute. A l’annonce de cette acquisition, RIM était toutefois resté très évasif quant à l’intégration des technologies de QNX.
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