Très haut débit : la couverture exhaustive du territoire reste à l'état de promesse
Le gouvernement vient officiellement de lancer son programme pour la couverture du territoire hexagonal en très haut débit. Un programme qui positionne clairement l’intervention publique au centre d’un dispositif visant à assurer une couverture « de 100 % des foyers en 2025 ». Tout remettant à plus tard la question, justement, de la « couverture systématique du territoire ». En voyant leurs projets dans les zones rentables soutenus, sans obligation formelle concernant le reste du territoire, les opérateurs sont bien servis.
Eviter la création « d’une fracture numérique ». C’est la volonté affichée du gouvernement pour l’accès Internet à très haut débit dans l’Hexagone. Comme prévu, ce seront 2 milliards d’euros qui seront « alloués à l’accélération du déploiement national du très haut débit ». Ce qui peut apparaître comme une goutte d’eau, alors même que le coût de le coût de la couverture de la France entière en très haut débit est estimé à quelques dizaines de milliards d’euros. Mais cette goutte doit servir de « levier sur l’investissement privé tout en favorisant le co-investissement des différents acteurs ». Parmi ceux-là, il faudra clairement compter avec les collectivités locales dont l’Etat entend, avec cette enveloppe, soutenir les projets d’aménagement numérique. Bref, la répétition régulière et soutenue de l’antienne selon laquelle le très haut débit ne pourrait se faire sans fonds publics semble avoir payé : Etat et collectivités territoriales devront mettre la main à la poche pour apporter le très haut débit à leurs administrés, particuliers comme entreprises. La définition minimaliste et quasi préhistorique du service universel d’Internet adoptée en janvier 2009 par le gouvernement ne devrait pas manquer, d’ailleurs, de les y encourager.
D’abord les zones « rentables » hors zones très denses
Conçu selon plusieurs phases, le programme gouvernemental pour le très haut débit doit s’ouvrir sur une énième étape de réflexion, durant laquelle « les Pouvoirs Publics cherchent à accroître la visibilité réglementaire, technique et commerciale des opérateurs et des collectivités territoriales ». Une phase qui précédera la définition de projets de déploiements concernant, en particulier, les zones très denses. Là même où certains opérateurs ont déjà commencé leurs déploiements, avec un succès certes limité. Même si, il y a plus d’un an, l’Autorité de Régulation des Communications Electroniques et des Postes (Arcep) tançait les opérateurs de presser le pas.
Mais ce sont les deux dernières phases du programme qui devraient permettre d’entrer dans le vif du sujet avec, tout d’abord, un appel à manifestations d’intentions (pour les déploiements hors zones très denses), puis un soutien aux déploiements visant notamment les zones dites rentables. Bref, un peu moins denses que les premières, mais significativement denses tout de même. Le cadre réglementaire correspondant doit être adopté fin 2010 ; l’Arcep a lancé la consultation s’y rapportant le 11 juin dernier. Un appel à pilotes doit survenir courant juillet ; les expérimentations devant durer de 6 à 9 mois. L’appel à manifestations d’intentions sera également lancé en juillet ; il vise des projets de déploiement à horizon 5 ans « sur des zones ne nécessitant pas de subventions ». Cet appel sera renouvelé tous les deux ans.
Véritable levier ou simple effet d’annonce ?
Dans les détails, le programme gouvernemental risque de laisser largement dubitatif quant à sa véritable portée et à l’impact qu’il sera, dans les faits, susceptible d’avoir. Le premier volet du soutien financier, concernant les zones « rentables » hors zones très denses doit notamment permettre d’accéder à des prêts (jusqu’à 50 % des investissements éligibles) au travers du Fonds national pour la société numérique (FSN) qui contrôle une enveloppe de 4,5 Md€, dont 2 Md€ pour le très haut débit hors zones très denses. Une part de ces fonds pourra revenir au Fonds d’aménagement numérique des territoire (FANT) pour l’abondement à des projets d’initiative publique - le second volet du soutien financier... Des miettes sur le point d’être saupoudrées ?
Outre la question de l’enveloppe, se pose aussi celle de l’éligibilité des projets. Pour obtenir un prêt du FSN, ceux-ci doivent viser la couverture intégrale d’une « maille élémentaire » - commune, essentiellement, selon la topographie des réseaux existants - à 5 ans, à moins que... les coûts de raccordement de certains édifices ne soient « trop élevés »; le seuil d’éligibilité des projets étant de 90 % de couverture des foyers de la maille élémentaire visée. Le risque de voir les projets prudemment plafonner à 90 ou 91 % de couverture n’est pas évoqué par le gouvernement.
De leur côté, les collectivités locales pourraient bénéficier d’une aide de l’Etat pour leurs projets, jusqu’à 33 % « du montant total de la participation publique versée au maître d’oeuvre chargé de la réalisation ». Mais, là encore, « les coûts de raccordement de foyers jugés excessifs seront exclus de l’assiette prise en compte ». Bref, une stratégie de soutien financier qui semble plus viser à multiplier les raccordements simples et peu coûteux plutôt qu’à réellement aider à gommer les inégalités géographiques.
La couverture totale... on verra plus tard
Reste que la question de la couverture totale du territoire est une nouvelle fois laissée en suspend : « une réflexion sur [celle-ci] sera engagée par une consultation publique qui permettra de préciser les modalités d’intervention publique permettant d’atteindre au mieux cet objectif ». Pèle-mêle, sont évoqués la « modernisation des réseaux existants, le déploiement de réseaux hertziens terrestres ou satellitaires, susceptibles de couvrir les zones les moins denses ». Une consultation publique sur la question doit être lancée dans le courant de l’été 2010 « afin d’identifier les meilleures modalités permettant de préparer la couverture systématique du territoire ». Un exercice qui s’annonce difficile. Rappelons que le déploiement de la technologie WiMax ne décolle toujours pas en France : au 31 décembre 2009, l’Arcep recensait 1135 sites installés contre 3486 prévus dans le cadre des obligations imposées aux opérateurs au 30 juin 2008; seul l’opérateur IFW, filiale d’Iliad, remplissant ses obligations. Et que la commission sur le dividende numérique n’a, en juillet 2008, attribué qu’une part faible des fréquences libérées par la télévision analogique au haut débit.