Règlement de comptes politico-financiers : Atos prend une balle perdue
Après la bataille qui a opposé Philippe Germond, son précédent patron, aux fonds Pardus et Centaurus, Atos-Origin se trouve au centre d'une nouvelle affaire, suite à une plainte pour corruption. Dans le collimateur des plaignants cette fois, Thierry Breton, qui semble rattrapé par son passé.
"J'ai donné instruction au pilote de l'Aéronavale Argouse (du nom du secrétaire général des Arvernes, ndlr) de lancer l'opération "Troisième banderille". Martial et énigmatique, le communiqué diffusé ce matin par les Arvernes, cette mystérieuse association qui se présente comme un groupe de défense des intérêts industriels français, commence par cette formule très militaire. Le communiqué vise à donner un début d'explication sur la plainte déposée mardi contre X par l'association, en raison de soupçons de corruption au sein d'Atos-Origin.
En effet, le communiqué diffusé ce matin par les Arvernes fait clairement référence au banquier Edouard Stern, assassiné en février 2005 (sa maîtresse a avoué le meurtre). Il s'agissait d'un proche de Nicolas Sarkozy. Dans un style inimitable, le président des Arvernes écrit vouloir "traquer et faire sanctionner tous ceux qui auraient gardé" envers Edouard Stern "une dette non honorée, et obtenir réparation pour les souffrances subies". Autrement dit, les actions du mystérieux groupe seraient liées au passé du banquier disparu. Un passé lié à... Thierry Breton, le nouveau patron d'Atos-Origin.
Le spectre de l'affaire Rhodia
En effet, en 2003, Edouard Stern, suivi en août 2004 par le financier Hughes de Lasteyrie (lui aussi disparu), avait porté plainte contre X pour « présentation de comptes inexacts, diffusion d'informations fausses ou mensongères, délit d'initié et recel de délit d'initié » chez Rhodia. Tous deux ont perdu beaucoup d'argent du fait de la décote de l'action de la société (80 millions d'euros pour Edouard Stern), selon eux en raison de fraudes des dirigeants de Rhodia. Or, de 1998 à 2002, Thierry Breton était administrateur du groupe de chimie et président de son comité d'audit.
Le nom de l'ex ministre apparaît encore dans cette même affaire un peu plus tard, quand deux officines, Egideria et Sécurité sans frontière (SSF), ont espionné les plaignants de l'affaire Rhodia. Aux juges Jean-Marie d'Huy et Henri Pons, un responsable de SSF a affirmé que les rapports sur Edouard Stern ont été remis à Thierry Breton, alors chez France Télécom. Ce dernier a reconnu avoir eu connaissance de ce document tout en niant l'avoir commandé.
Signalons encore que devait s'ouvrir aujourd'hui un procès en diffamation contre le Canard Enchaîné, procès intenté par l'AMF (Autorité des marchés financiers). En août 2006, nos confrères avaient affirmé que l'Autorité avait caviardé son rapport sur l'affaire Rhodia, afin de protéger Thierry Breton, ministre des Finances à l'époque. Saisi aujourd'hui d'une irrégularité concernant la déposition d'un témoin, le tribunal a ajourné l'audience et rendra sa décision sur ce point le 23 janvier. Ensuite une nouvelle date devrait être fixée pour juger l'affaire elle-même.
Charisme, savoir-faire... et passé encombrant
En s'attaquant à Atos-Origin, c'est donc Thierry Breton que les Arvernes semblent viser. Sans toutefois le citer dans leur communiqué. Ce rocambolesque épisode tombe au plus mal pour une SSII en quête de stabilité. Ce matin, dans une interview aux Echos, Bertrand Meunier, membre du comité exécutif de PAI Partners, le fonds devenu récemment premier actionnaire de la SSII, affirmait : "nous considérons que Thierry Breton, avec son charisme, son savoir-faire et son expérience, est l'homme de la situation pour développer l'entreprise. Avec sa nomination, décidée à l'unanimité, nous avons souhaité une amélioration de la gouvernance et une plus grande intégration des différents métiers." Il faudra d'abord vaincre les inimitiés que s'est attiré l'ex ministre dans ses précédentes fonctions.