L'état du monde IT : les certitudes sur la croissance de l'IT s'effritent peu à peu
Une crise exogène, des organisations de plus en plus dépendantes de l'IT. Tels sont les arguments qui ont été avancés pour estimer que la crise n'affecterait les budgets IT qu'à la marge. Aujourd'hui, ces certitudes ne sont plus guère de mise. La croissance sera riquiqui en 2009. Au mieux...
En 2008, jamais la boule de cristal de la dépense IT n'aura été aussi difficile à interpréter. L'année a démarré dans un état d'euphorie, elle se conclut en plein doute. En effet, pour 2009, tous les grands cabinets d'études ont revu peu à peu au fil de l'année leurs prévisions de croissance à la baisse. Pour parvenir, en ce mois de décembre, à des estimations minimales. 2,6 % de croissance selon IDC pour les dépenses IT dans le monde, par exemple. Surtout, le cabinet estime que la croissance sera atone dans les grands pays industrialisés avec une progression de 0,9 % aux Etats-Unis et une hausse de l'ordre de 1 % pour le Japon et l'Europe de l'Ouest. Le cabinet prévoyait auparavant une progression de 5,9 % dans le monde. Entre-temps, la faillite de la banque Lehman Brothers est passée par là, et les conséquences de la tornade financière qui a suivi sont de mieux en mieux perçues.
Facteurs de résistance ou méthode Coué ?
Malgré tout, les principaux cabinets d'étude s'accrochent à l'idée que la croissance des dépenses IT se poursuivra, même si certains segments comme le matériel sont appelés à souffrir. Et à subir un recul en valeur. "L'impact de la crise est fort, mais la bonne nouvelle, c'est qu'on continue à enregistrer de la croissance", expliquait par exemple récemment Frédéric Giron, directeur des études au cabinet Pierre Audoin Consultants (PAC), cabinet qui prévoit 1,8 % de croissance de la dépense IT pour la France en 2009. Et 1,3 % pour les seules entreprises. A l'image du syndicat professionnel des SSII et éditeurs (Syntec Informatique), qui en novembre prévoyait une croissance de 2 à 4 % de son marché au premier semestre 2009, les spécialistes des études s'accrochent à leurs analyses confortant l'idée d'une résistance de l'IT.
D'abord, contrairement à l'explosion de la bulle Internet, la crise est née hors de la sphère informatique, avancent-ils. Ensuite, depuis cette époque, les systèmes d'information se sont immiscés jusqu'au plus profond des processus des organisations, note-t-ils encore. Difficile, dans ces conditions, d'imaginer des coupes claires dans les budgets IT, font valoir lesdits analystes.
Méthode Coué, rétorquent quelques voix qui prédisent déjà une récession de la dépense en 2009. Jacques Mottard, Pdg de l'intégrateur spécialisé Sword Group, expliquait ainsi dans nos colonnes en décembre : "Le premier trimestre devrait être encore bon. Mais, dès le second, ce sera sanglant. En ce moment, les conseils d'administration des donneurs d'ordre étudient des plans de réduction des coûts. D'ici trois mois, leurs effets se feront sentir sur la régie et, par ricochet, sur l'intégration. Car les SSII ayant trop d'intercontrats vont être tentées de brader les prix."
Deux années noires pour Aurel BGC
Une récession d'ampleur qu'anticipe également Brice Thébaud, analyste financier chez Aurel BGC et spécialiste du marché des logiciels et services. Dans une étude récente, il prévoit une baisse de 5,7 % de la dépense IT dans le monde en 2009, et une nouvelle érosion de 1,3 % en 2010. Pour un rebond seulement en 2011 ! Ces chiffres exclut toutefois la dépense du secteur public, qui continuera à progresser. "Mais, à elle seule, elle ne pourra empêcher la récession. Le début 2009 sera correct, puis on va assister à un vrai décrochage", expliquait récemment Brice Thébaud dans nos colonnes.
Notons que ces interrogations sur la croissance de l'IT ne sont pas nées avec l'effondrement de Lehman Brothers. Dès février, les analystes de marché étaient contraints de revoir à la baisse leurs prévisions de croissance de la dépense IT aux Etats-Unis, du fait de la crise économique qui affectait déjà le pays après l'éclatement de la bulle immobilière. Mais, à l'époque, le discours dominant tablait sur une crise confinée à la première économie mondiale et que compensait, pour partie, un dollar faible dopant les exportations de technologies. La suite a montré que cette digue n'a guère tenu longtemps, à mesure qu'empirait la situation économique américaine. Une dégradation constante qui apparaît clairement dans les analyses du cabinet ChangeWave, qui sonde chaque trimestre les décideurs IT sur leurs intentions d'achat. Reste à savoir désormais si les raisons d'espérer que conserve l'industrie passeront le réveillon.
Tout le feuilleton en une quinzaine d'articles publiés sur LeMagIT :
- Février
Recul des dépenses IT : la France victime du syndrome Tchernobyl ?
- Mars
Syntec Informatique : une crise, quelle crise ?
SSII : Devoteam s'attend à un ralentissement économique
- Août
Economie : la dépense IT tient bon en 2008
Dépense IT : la sinistrose s'installe aux Etats-Unis
- Octobre
Gartner : les dépenses IT vont juste ralentir en 2009
Dépenses IT en France : pas de décroissance en 2009
Crise : Forrester prédit trois trimestres difficiles
- Novembre
Pour Syntec, les logiciels et services vont résister en 2009
Dépense IT : la demande s'effondre aux Etats-Unis
Marché IT : IDC revoit ses prévisions à la baisse pour 2009
Marché IT : croissance tutti riquiqui, fondamentaux maousse costauds
- Décembre
Dépense IT : Forrester dégrade ses prévisions
Récession de la dépense IT : le tabou est brisé, - 5 % en 2009