L'état du monde IT : Atos, un problème de fonds
C'est le feuilleton de 2008 dans l'univers généralement policé des SSII. Tout au long de l'année, les fonds Centaurus et Pardus se sont opposés à la direction de la SSII. Les deux camps y ont perdu des plumes. A commencer par l'ancien patron, Philippe Germond, brutalement débarqué et remplacé par l'ex ministre Thierry Breton.
Une chose est sûre : Philippe Germond, l'ex président du directoire d'Atos débarqué brutalement à la mi-novembre, n'a pas passé son réveillon de fin d'année avec Karim Samii et Bernard Oppetit, les dirigeants des fonds Pardus et Centaurus. "Montés" au capital de la SSII franco-néerlandaise en 2007, pour contrôler plus d'un quart d'un capital très émietté, les deux fonds immatriculés aux îles Cayman se heurtent rapidement au directoire de la SSII. En cause : la stratégie des dirigeants, centrée sur le plan de transformation 3O3. Trop timoré, jugent les financiers, qui privilégient un adossement ou un démantèlement.
Comme le raconte Le Point dans un article publié au printemps, dès le dîner où les dirigeants d'Atos font connaissance avec Karim Samii, l'ambiance est à couteaux tirés. Selon Philippe Germond, le patron de Pardus l'aurait même menacé : "si vous ne faites pas ce que je veux, il y aura du sang sur les murs".
De facto, c'est bien ce qui s'est passé tout au long de cette année 2008. Les deux camps amenant même - fait assez rare dans le capitalisme français - leur antagonisme sur la place publique. Avec pour point d'orgue, l'assemblée générale du 22 mai. Au cours de cette réunion, les fonds semblent bien placés pour obtenir ce qu'ils demandent (la nomination de leurs administrateurs et la révocation du président du conseil de surveillance, Didier Cherpitel) avant qu'un incident de séance ne permettent au directoire d'ajourner l'assemblée. Dans la plus grande confusion, les fonds dénonçant une "mascarade".
Jeu de massacre au directoire
Reconvoquée le 12 juin, l'Assemblée Générale se déroule finalement pacifiquement, après que la direction et les fonds aient trouvé un terrain d'entente, sacrifiant au passage Didier Cherpitel, remplacé par Jean-Philippe Thierry, Pdg des AGF et membre du directoire d’Allianz. Mais il ne s'agit là que d'un répit pour le directoire. En août, Wilbert Kieboom, un des trois membres de son directoire, s'efface. Suivi en novembre par Philippe Germond, le président du directoire, qui n'aura pas survécu à son premier avertissement sur résultat au troisième trimestre. Il est remplacé par Thierry Breton. Une nomination qui a d'ailleurs surpris, Atos-Origin apparaissant comme un "petit poisson" au regard du profil de l'ex patron de France Télécom et ex ministre de l'Economie.
Ce bouleversement à la tête de la SSII ne profite toutefois pas à Pardus. Car, entre-temps, un troisième larron - le fonds français PAI Partners - est venu se mêler à la bataille. Le 20 juin, ce dernier annonce détenir près de 18 % du capital de la SSII, après avoir acquis des titres auprès de la Deutsche Bank (qui détenait plus de 5 % du capital), mais aussi de Centaurus, jusqu'alors premier actionnaire de la SSII avec 13 %. Poussés à se désengager dans un marché déprimé - crise financière oblige -, les deux fonds activistes perdront bien des plumes dans l'affaire, le titre de la SSII abandonnant - comme l'ensemble de ses homologues - environ 50 % de sa valeur entre le printemps et la fin d'année.
Grands contrats et dossiers encombrants
Paradoxalement, cet embrouillamini intervient alors que le situation d'Atos-Origin s'améliore peu à peu, après les difficultés rencontrées en 2007. Au cours du premier semestre de l'année 2008, la SSII a ainsi vu son activité progresser de 6,4 %, pour un chiffre d'affaires total de 2,86 milliards d'euros. La marge, elle, s'établit à 4,5 % du chiffre d'affaires. Même si la SSII a déçu les marchés au troisième trimestre, elle a su au cours de l'année dernière engranger quelques grands contrats (les compteurs EDF, les passeports biométriques en France, l'infogérance de NXP notamment).
De quoi donner un peu d'oxygène à Thierry Breton, qui dans sa première interview accordée aux Echos, dément toute volonté de démanteler l'entreprise : "j'ai accepté avec enthousiasme de rejoindre Atos-Origin pour développer l'entreprise, certainement pas pour la couper en morceaux. Ma priorité, c'est l'amélioration opérationnelle", explique Thierry Breton, qui dit vouloir revenir "au niveau des meilleurs de l'industrie en termes de marge opérationnelle" dans les trois ans qui viennent.
Il lui reste à en finir avec le vaudeville qui a entouré la SSII depuis plus d'un an. Notamment à régler le conflit qui pourrait opposer l'entreprise à Philippe Germond après que le conseil de surveillance ait gelé l'indemnité de départ de l'ex-patron (3,9 millions d'euros). Il lui faudra enfin faire face à l'activisme d'une association baptisée Les Arvernes, qui se présente comme un groupe de défense des intérêts industriels français. Début décembre, cette dernière a déposé une plainte contre X, en raison de soupçons de corruption au sein d'Atos-Origin. En cause : des discussions remontant aux négociations entre le directoire et Pardus, à l'époque de l'arrivée au capital du fonds activiste. Preuve que la bataille a laissé des traces.
Tout le feuilleton Atos en une vingtaine d'articles
- Avril
Atos-Origin se redresse lentement
- Mai
Atos-Origin : l'AG ajournée, les fonds doivent patienter pour s'imposer
Atos-Origin : Bernard Bourigeaud se retire
Atos : accord entre les fonds et la direction
Atos : Jean-Philippe Thierry des AGF succédera à Didier Cherpitel
- Juin
Atos : après le psychodrame, le consensus... ou au moins ses apparences
Le fonds PAI Partner premier actionnaire d'Atos
Atos : PAI Partners se serait entendu avec Centaurus
- Juillet
Résultats : Atos accélère
- Août
Atos : remue-ménage à la tête du groupe
- Octobre
Résultats : Atos Origin convalescent prévoit encore des cessions d’actifs
-Novembre
Atos-Origin : les fonds règlent leur passif avec Philippe Germond
Thierry Breton aux syndicats d'Atos : "je serai direct et agirai vite"
- Décembre
Atos : plainte pour corruption, le vaudeville continue
Règlement de comptes politico-financiers : Atos prend une balle perdue
Atos : Centaurus jette l'éponge
Sondage : Thierry Breton vu comme le vendeur d'Atos
Atos-Origin dément viser 400 millions de marge en 2009
Thierry Breton écarte toute volonté de "couper en morceaux" Atos