L'état du monde IT : la virtualisation de serveurs se généralise et se démocratise
2008 aura été la véritable année du décollage de la virtualisation de serveurs x86. Du fait de ses bénéfices attendus en termes de consolidation, d'économies d'énergies, de gains en productivité et de souplesse d'exploitation, la virtualisation s'est banalisée chez les grands comptes et son usage devrait s'étendre aux PME et TPE en 2009. En retard sur VMware et Citrix, Microsoft est en embuscade. Oracle, aussi...
L'année 2008 aura été l'année de la virtualisation de serveurs, une technologie inventée il y a près de 40 ans par IBM pour ses grands systèmes, mais qui connait aujourd'hui son envol sur le marché des serveurs x86 et sur les serveurs Unix. L'année aura notamment été marquée par la multiplication des passes d'armes - largement verbales - entre Microsoft et VMware et par les secousses entre VMWare et sa maison mère, EMC, secousses qui ont abouti au limogeage de Diane Greene, la dirigeante de VMware, et au départ de son mari, Mendel Rosenblum, l'un des architectes de la virtualisation x86. Raison officieuse, Joe Tucci, le Pdg d'EMC, ne pouvait plus voir Greene en peinture
Ces turbulences dans le management n'ont eu aucun impact sur l'adoption de la technologie. En fait, le succès a été tel au cours de l'année écoulée que Gartner a tout simplement décidé de retirer la virtualisation de son « Hype Cycle » et de la considérer comme une technologie mature.
Optimiser la gestion des datacenters et réduire les coûts
Son plus grand succès, la virtualisation le rencontre incontestablement dans les grands datacenters, qu'il s'agisse des centres informatiques opérés par des grands de l'Internet tels Amazon ou Microsoft, ou dans ceux des grands opérateurs télécoms - tels AT&T, France Télécom/Orange, T-Systems – et des grandes SSII, à l'instar de Steria par exemple. La virtualisation est aussi en voie de généralisation dans les centres informatiques des grandes entreprises.
Dans tous les cas, l'objectif est le même : consolider les serveurs dans un facteur de 8 à 20 afin d'optimiser au mieux l'usage des ressources et de réduire la consommation d'énergie et l'espace occupé dans les salles machines, mais surtout rationaliser l'administration et l'exploitation des serveurs en profitant des capacités intrinsèques des hyperviseurs. Ces derniers offrent en effet des fonctions pour maîtriser la disponibilité, gérer plus ou moins dynamiquement la capacité et fluidifier le déploiement de nouvelles applications et environnements.
Malgré la montée en puissance de ses concurrents, VMware règne encore très largement en maître dans les datacenters des grands comptes. Il profite de son avantage technologique et de son ancienneté sur le marché, mais surtout de la maturité de l'écosystème d'outils d'administration et de partenaires – éditeurs, intégrateurs, et hébergeurs - qui s'est développé autour de son hyperviseur.
Paradoxalement, cet atout lui est moins favorable dans les très grands centres – capables d'accueillir plusieurs dizaines de milliers de serveurs - où les économies d'échelles induites par l'usage de technologies venues du libre séduisent. C'est ainsi par exemple qu'Amazon a bâti ses services hébergés sur un dérivé de Xen et que des grands hébergeurs Internet s'appuient eux aussi sur l'hyperviseur libre. En revanche, dans les PME et TPE, la bataille reste très largement ouverte et 2009 devrait se traduire par un âpre combat entre les différents protagonistes, alors que l'adoption de la technologie s'accélérera.
La concurrence entre éditeurs s'exacerbe
Dans ce contexte, la concurrence s'intensifie. En face d'ESX Server, Microsoft a lancé cet été Hyper-V, son hyperviseur embarqué dans Windows Server, ainsi qu'un hyperviseur autonome aux ambitions et aux capacités plus modestes, Hyper-V Server. En toute logique, Hyper-V devrait bénéficier de la puissance de frappe de Microsoft, et surtout de sa base installée, pour grignoter des parts de marché sur VMware en 2009, d'autant que la version 2 de la technologie, attendue au premier semestre, devrait largement permettre à Microsoft de combler son retard technologique sur VMware.
Pour rivaliser avec son concurrent, Microsoft devra toutefois cesser ses petits jeux stupides avec les éditeurs du monde Linux. Le géant de Redmond se refuse en effet pour l'instant à fournir des pilotes paravirtualisés pour les distributions de Red Hat, officiellement faute d'un accord de support entre les deux éditeurs. Les discussions sur ce sujet progresseraient, mais en attendant, Hyper-V est tout simplement inutilisable avec les distributions Linux Red Hat et assimilées (comme CentOS) et avec les dérivées de Debian... Bref, Microsoft se cantonne largement à virtualiser Windows (et Novell SuSe).
Citrix de son côté, a profité de l'année 2008, pour confirmer sa position d'outsider face aux deux grands. L'éditeur a ainsi dévoilé la version 5.0 de son hyperviseur XenServer, avec une console d'administration enrichie, de nouvelles fonctions de gestion du stockage et une maturité améliorée de façon très perceptible. Autant d'améliorations qui lui ont ouvert la porte de plusieurs grands comptes, mais qui ont surtout rendu le produit beaucoup mieux adapté à une utilisation en TPE et PME. Nos essais informels l'ont montré : du fait de son large support matériel et de sa simplicité d'installation et de mise en oeuvre, Xenserver 5 est sans doute aujourd'hui, avec Hyper-V, le produit supportant le plus grand nombre de configurations, mais surtout l'un des plus simples à installer (de ce point de vue, il fait jeu égal avec VMware ESXi et Hyper-V Server).
Un autre grand éditeur, quoique très discret, a lui aussi décliné l'hyperviseur libre Xen à sa sauce pour proposer à ses clients une offre de virtualisation prête à l'emploi. Avec VM, Oracle a poursuivi son chemin dans le monde du libre avec une arme à double tranchant : Oracle VM est aujourd'hui le seul hyperviseur officiellement supporté par l'éditeur pour ses autres produits. Parti relativement tôt dans la bataille de la virtualisation avec son implémentation de Xen, Novell s'est, quant à lui, fait plus discret sur la virtualisation de serveurs en fin d'année, mais il devrait refaire parler de lui à l'occasion du lancement de la prochaine version de sa distribution serveur, sans doute dans la première moitié de 2009.
A côté de ces acteurs établis, Sun est sans doute la grande déception de l'année 2008. L'hyperviseur de la société, xVM Server, a passé l'essentiel de l'année écoulée en démonstration et en présentations Powerpoint, mais Sun n'est jamais parvenu à respecter ses dates annoncées de lancement. xVM Server, dont la dernière bêta est encore très immature, devrait finalement faire son apparition au premier semestre 2009. Autre grand absent et grand adepte des bêtas et diapositives Powerpoint : Red Hat. Faute d'une stratégie stable, le premier éditeur Linux mondial a longtemps tergiversé avant de trancher en faveur de la technologie KVM, dont il a racheté le concepteur. KVM motorisera oVirt, l'hyperviseur maison, mais Red Hat conservera un pied dans la maison Xen... au cas où.
Fragile équilibre entre gratuit et payant
L'un des sujets à suivre en 2009 sera la position des différents acteurs sur la gratuité. Le discours à la mode consiste, pour les fournisseurs, à affirmer que l'hyperviseur va être gratuit et que les outils d'administration seront payants. Problème : pour l'instant, c'est un demi-mensonge. Car les hyperviseurs gratuits des éditeurs se révèlent plus pauvres fonctionnellement que leurs homologues payants, ne proposant aucune capacité de déplacement en temps réel de machines virtuelles et des fonctions réduites de gestion du stockage ou de clustering (c'est le cas d'Hyper-V). A tel point que les hyperviseurs « light » se révèlent largement des prisons dorées, dont la vocation est d'encourager à la migration vers leurs grands frères... payants, eux.
Si Citrix avait ouvert le bal avec XenServer Express, le vrai symbole de la gratuité a été la mise à disposition libre d'ESXi, l'hyperviseur embarqué de VMware à la rentrée 2008. Pourtant l'intérêt de ce logiciel reste marginal du fait de sa pauvreté fonctionnelle. VMware, mesquin, a même retiré certaines fonctions de la version gratuite de son hyperviseur embarqué... Pire, ESXi est sans doute l'hyperviseur dont le support matériel est le plus limité du marché. De quoi limiter son adoption en PME et TPE. Le client Virtual Infrastructure, qui permet de gérer le produit, ne dispose enfin d'aucune des fonctions intéressantes de l'outil d'administration phare de l'éditeur, Virtual Center. Bref, ESXi est un peu le Canada Dry de l'hypervision. A vrai dire, il ne faut guère attendre mieux de ses concurrents. Si l'on fait abstraction de la langue de bois de Microsoft sur Hyper-V, présenté comme gratuit (il est en fait un rôle gratuit d'un produit payant, Windows Server 2008), le véritable hyperviseur gratuit de l'éditeur, Hyper-V Server, souffre des mêmes limitations que son concurrent. Avec, en prime, l'inconvénient de ne supporter que très mal tous les OS non Microsoft. Sa console d'administration est enfin minimaliste. XenServer Express se montre plus séduisant, mais il souffre lui aussi des mêmes limitations que ses concurrents gratuits en matière d'administration. Et il devrait en être de même pour xVM Server chez Sun.
Finalement, la seule vraie surprise vient d'Oracle, dont l'hyperviseur et l'outil d'administration sont gratuits et livrés sans aucun bridage (seul le support est payant). De quoi redonner son vrai sens au mot gratuit. De quoi accroître aussi l'intérêt pour l'offre d'Oracle en 2009, alors que les budgets d'infrastructure pourraient souffrir. Car, en face de l'éditeur de RedWood City, la réponse à la question du coût reste immuable : certes les vrais logiciels de virtualisation ont un coût, mais les économies et les gains qu'ils permettent de générer sont à la hauteur.
Les faits marquants sur la virtualisation en 2008 en une quarantaine d'articles publiés sur LeMagIT et sur le Blog VirtualIT :
- Novembre
Windows Server 2008 R2 : la virtualisation renforcée
- Octobre
L’insolente bonne santé de VMWare
Spécial virtualisation (4/9) : Stratus allie virtualisation et tolérance aux pannes
Spécial virtualisation (3/9) : avec oVirt, Red Hat reboote sa stratégie de virtualisation
CA met l'accent sur l’automatisation et la virtualisation des datacenters
Spécial virtualisation (2/9) : Citrix XenServer 5.0, né de l'Open Source
Spécial virtualisation (1/9) : Microsoft Hyper-V Server, la virtualisation à la sauce Windows
Virtualisation : Microsoft met Hyper-V Server en téléchargement gratuit
- Septembre
VMworld 2008 : VMware promet beaucoup, mais dévoile peu
VMworld 2008 : Cisco dévoile son commutateur virtuel pour ESX Server
VMWorld 2008 : VMWare et Citrix ont la tête dans les nuages
Virtualisation : Microsoft et Novell concrétisent leur accord
Sun repousse l'arrivée de xVM Server à novembre
Virtualisation : Microsoft entraîné sur le terrain de la gratuité par VMware
Virtualisation : Red Hat veut combler son retard en rachetant Qumranet
HP conforte son portefeuille de solutions de virtualisation
- Août
Virtualisation : Microsoft libère enfin ses applications serveurs
Pour Gartner, la virtualisation n'est plus une technologie émergente
Oracle veut accélérer la mise en production de ses applications
- Juillet
Virtualisation : VMWare opte enfin pour la gratuité d'ESX Server
Microsoft dément tout retard pour ses outils d'administration de virtualisation (mis à jour)
Stratégie : Diane Green limogée, une période de doutes s'ouvre chez VMWare
Virtualisation : l'engouement est là, manque plus que des licences adaptées
- Juin
Steve Wilson, Sun : "notre hyperviseur n'aura pas de limites"
Virtualisation : Le lancement d'Hyper-V place Microsoft en concurrence frontale avec VMware
- Mai
Virtualisation : Microsoft revient dans la course... et retombe dans ses vieux travers
- Avril
Serveurs lames et virtualisation : le duo gagnant ?
- Mars
BrainShare 2008 : Novell veut aussi sa place au soleil de la virtualisation
PlateSpin, un complément judicieux pour la virtualisation selon Novell
Virtualisation : Sun assemble peu à peu ses briques
- Février
VMworld Europe : l'hyperviseur embarqué, nouvelle religion des constructeurs de serveurs
Sur le Blog Virtual IT
-Décembre
La guerre serait-elle déclarée entre Cisco et les grands des serveurs ?
-Novembre
Sun publie une version préliminaire de xVM Server
-Octobre
ESX Server et Microsoft : une validation bien incomplète
-Septembre
VMware : Mendel Rosenblum prend la porte
Microsoft va officiellement supporter ses applications sur VMWare ESX Server
- Août
Microsoft va enfin supporter ses outils serveurs sur des hyperviseurs tiers [FR/EN]
VMware : Au 4e Top vous n’aurez plus de serveur
Sun xVM Server arrivera début septembre
- Juillet
OVF et Citrix Kensho promettent l’interopérabilité entre plates-formes de virtualisation