Satyam lutte pour éviter l'implosion
La situation se dégrade à vitesse grand V du côté de la quatrième SSII indienne, victime d'une fraude orchestrée par son co-fondateur et ex-patron. Les clients du prestataire reconsidèrent leur contrat et les salariés de la SSII disent avoir été informés qu'ils ne seraient pas payés dans les deux mois qui viennent.
"Les incertitudes qui entourent Satyam vont se traduire par le départ de certains de ses clients vers d'autres prestataires et par le non paiement de certaines prestations". L'avertissement émane du cabinet d'analystes indien First Global. Et fait suite à une nouvelle journée noire pour Satyam, où le titre de la quatrième SSII indienne a été massacré à la bourse de Bombay, abandonnant 40 %, après avoir perdu 77 % de sa valeur mercredi, suite à l'annonce de la fraude commise par son Pdg et co-fondateur, Ramalinga Raju.
De facto, la presse indienne et américaine bruisse de rumeurs de grands comptes paniqués par la situation où s'enfonce la SSII. Les cours de la quatrième SSII indiennes ont ainsi été plombés par des informations attribuant à des grands comptes australiens, comme Qantas Airways, Telstra et National Australia Bank, la volonté de reconsidérer leur contrat.
Les clients se préparent au pire
"Nous espérons finaliser notre nouveau contrat d'externalisation au début de cette année. D'évidence, nous allons prendre en compte la situation actuelle", explique ainsi un porte-parole de Telstra à notre confrère The Australian. L'opérateur, qui mise aujourd'hui sur quatre prestataires (EDS, IBM, Infosys Technologies et Satyam), souhaite diviser par deux le nombre de ses partenaires. Autant dire que le scandale qui frappe la SSII indienne lui laisse peu de chance de sortir vainqueur de ce processus de sélection.
De son côté, la compagnie aérienne Qantas, à qui il reste cinq ans de contrat avec la SSII, a expliqué examiner sa clause d'interruption anticipée et avoir mis en place une solution de secours si son prestataire venait à s'effondrer.
Mêmes interrogations aux Etats-Unis, où Satyam s'enorgueillissait d'avoir en porte-feuille 185 grands comptes du Fortune 500 et de réaliser plus de la moitié de son chiffre d'affaires annuel de 2 milliards de dollars. Citons notamment Caterpillar ou General Motors. Dans ce dernier cas, l'Indien intervient comme sous-traitant, notamment de Capgemini, qui a remporté un contrat de développement et de maintenance auprès de trois divisions du géant de l'automobile.
80 % du chiffre d'affaires sécurisé ?
De l'attitude de ces grands comptes dépend évidemment la survie de la SSII. Dans une conférence de presse improvisée hier à Hyderabad, au siège du groupe, le Pdg par intérim, Ram Mynampeti, s'est appliqué d'ailleurs à rassurer sur ce point. "Nous avons reçu le support de nos clients clefs, a-t-il martelé. Ils nous ont assuré vouloir continuer à travailler avec nous pendant cette période critique". Ram Mynampeti a cité le chiffre de 100 clients - comptant pour 80 % du chiffre d'affaires - s'étant engagés à rester fidèles au prestataire. Reste que ces engagements verbaux peuvent être rapidement dénoncés.
D'autant que les mauvaises nouvelles s'accumulent pour la SSII, qui a avoué être à court de cash. Selon le journal indien The Hindustan Times, les 53 000 employés du prestataire ont reçu un e-mail leur annonçant que leurs salaires ne seraient pas versés pendant deux mois, en attendant que la situation financière de la société s'améliore. La firme n'a pas confirmé cette information.
S'y ajoutent des rumeurs de licenciements, touchant entre 10 000 et 15 000 personnes. Une vaste charrette attendue pour la fin du mois. Mercredi soir, le lendemain de l'annonce des malversations par Ramalinga Raju, 14 000 employés de Satyam avaient déjà posté leur CV sur des sites d'emploi, selon un chasseur de têtes indien. Une vague qui pourrait avoir des conséquences sur l'emploi IT en Inde dans son ensemble, notamment sur les salaires.
Forrester : "clients et employés vont déserter"
Pour Forrester, l'issue de ce feuilleton paraît inéluctable. Dans une note, les analystes Sudin Apte et John McCarthy écrivent douter de la capacité de Satyam à poursuivre sa route en tant qu'acteur indépendant. Et prédisent que "clients et employés, aiguillonnés par la concurrence, vont déserter Satyam". De facto, le prestataire ne vaut plus que quelque 290 millions. Ce qui pourrait constituer une occasion intéressante pour un acteur occidental en recherche de taille critique sur le sous-continent.