Satyam cherche une sortie de crise
Aller vite. C'est la ligne que semble avoir adopté le gouvernement indien pour traiter l'affaire Satyam. Aller vite avant que ne soient tentés de fuir les cerveaux de la SSII, mais aussi ses clients. Une stratégie qui n'étonne pas les connaisseurs du sous-continent et semble plutôt adaptée à la situation, si l'on en juge par la prudente discrétion des clients et partenaires de Satyam.
L’affaire Satyam continue d’évoluer très rapidement. Après avoir démis ce qui restait du conseil d’administration de la SSII, le gouvernement indien a nommé trois administrateurs. Il s’agit de Kiran Karnik, ancien président de la chambre syndicale des SSII indiennes, le Nasscom, de Deepak Parikh, président de l’organisme financier HDFC, et de C. Achuthan, ancien membre du Sebi, le gendarme des marchés actions indiens. Le conseil d’administration se réunit ce lundi 12 janvier à Hyderabad. Il devrait notamment se prononcer sur la nomination de ses autres membres ; Lazard Asset Management, qui détient 7,4 % du capital de Satyam, aurait exprimé son intérêt pour un siège. Parallèlement, Ram Mynampati a été nommé PDG par intérim. Il a rapidement cherché à rassurer au travers d’un message vidéo.
De leur côté, Ramalinga Raju, l’ancien PDG de Satyam, son frère et bras droit Rama Raju, et le directeur financier de la SSII, Vadlamni Srinivas, ont été placés en détention. Lors de ses aveux, ce dernier a rejeté la responsabilité sur Ramalinga Raju et sur PriceWaterhouseCoopers, l’auditeur sur lequel nombre d’éditorialistes et de journalistes s’interrogent aujourd’hui. Gopal Krishnan, représentant du cabinet, aurait d’ailleurs été interpelé ce dimanche 11 janvier, pour être entendu par la police.
Restaurer la confiance
La rapidité de réaction du gouvernement indien ne surprend pas Jean-Yves Grisi, ancien PDG de la SSII indienne KPIT Cummins, en France : pour lui, les dirigeants du pays vont « mettre tout en œuvre pour sauver le joyau que représente l’informatique indienne. Notamment en demandant des contrôles beaucoup plus stricts sur les finances, les audits, etc. » Et de rappeler que les SSII indiennes « ont beaucoup investi dans tout ce qui leur permettait de rassurer leurs clients pour qui l’Inde était risquée, exotique, sous-développée : dans le cœur du business, c’était avec la certification CMMI5, mais il y en a beaucoup qui essaient d’être à la pointe en terme de gouvernance. » Même son de cloche du côté de Thierry Cros, qui a assumé la direction générale de la filiale indienne de l’industriel SecoTools pendant près de dix ans : « l’industrie indienne en général est très soucieuse de son image. Je suis certain que des actions correctives vont être prises. Les chefs d’entreprise indiens sont des gens responsables et, à bien des égards, leur niveau d’éthique est plus élevé qu’en Amérique du Nord, par exemple. »
Une situation toujours tendue
Mais la situation de Satyam n’est pas meilleure pour autant. En particulier, le manque de liquidités se ferait déjà sentir, clients et financeurs ayant suspendu leurs versements à la SSII, selon la presse indienne. Selon le quotidien DNA, Satyam aurait immédiatement besoin de 120 M$ pour financer la poursuite des activités. A l'issue d'une conférence de presse, le conseil d'administration de la SSII a indiqué que le gouvernement indien pourrait offrir son soutien financier temporaire. De son côté, le Nasscom serre les rangs, enjoignant les concurrents de Satyam de ne pas profiter de la situation pour lui voler des clients.
Du côté des salariés, le secrétaire général du syndicat Unites, Kartik Shekkar, fait état d’un climat de confiance au sein des effectifs de la SSII – dont les salaires de décembre auraient été effectivement payés -, évoquant notamment un conseil d’administration intérimaire « de qualité. » Une rencontre entre Unites et Satyam est d’ailleurs programmée d’ici la fin du mois.
Des partenaires dans l’expectative
Du côté des clients et partenaires de Satyam, c’est pour l’heure le silence radio quasi complet. Par téléphone, un porte-parole d’Airbus nous a ainsi indiqué que « l’implication de Satyam est relativement faible. Nous n’avons pas eu de problème jusque là et nous ne pensons pas en rencontrer en 2009. » Tout en évoquant des assurances contractuelles. Cap Gemini, qui collabore avec Satyam pour un marché concernant General Motors, a indiqué "continuer de délivrer le contrat de manière régulière. Nous sommes bien sûr prêts à réagir en cas de souci, mais nous n'avons pas de raison de penser qu'un problème soit susceptible de survenir dans l'immédiat." Oracle, partenaire de la SSII indienne pour le développement d’applications médicales, s’est de son côté refusé à tout commentaire.
Reste que Satyam assure avoir signé deux projets en fin de semaine dernière, l’un avec Malaysian Airlines et l’autre avec les chemins de fer indiens.