Service universel Internet : le gouvernement se contente du service minimum

C'est un Internet à vitesse réduite que le gouvernement va tenter de faire avaler aux citoyens jusqu'alors privés de haut débit. Faute d'investir dans la péréquation, le gouvernement va promouvoir une marque, « Internet haut débit universel », pour labéliser les offres permettant de couvrir 100% du territoire. Problème, les critères retenus pour ces offres prévoient des débits d'un autre âge et des plafonds de consommation de 2 Go en téléchargement et de 300 Mo par mois en upload.

Le Ministère de l'Economie et des Finances vient de lancer un bien curieux appel à manifestation d'intérêt pour la mise en place d'un service d’accès à Internet à haut débit universel. Objectif : labéliser les FAI qui accepteraient d'offrir un accès haut débit à Internet couvrant 100 % du territoire. « Le plan France Numérique 2012 a fait de l’accès de tous au haut débit un objectif prioritaire », explique le communiqué du ministère qui ajoute que l’accès à Internet haut débit est devenu une condition essentielle d’accès à l’information, à l’éducation, à la formation, aux loisirs, aux services administratifs.

Selon le gouvernement, environ 95 % des foyers français  (98,4 % de la population, selon France Télécom) sont aujourd'hui desservis par un fournisseur d'accès à haut débit (généralement Orange hors des agglomérations, France Télécom ayant été le seul opérateur à réellement investir dans les zones les moins denses). Conséquence directe : un à deux millions de Français seraient durablement exclus de la société de l’information. 

« Cette situation n’est conforme ni aux idéaux sur lesquels est fondée notre République, ni aux préoccupations d’aménagement équilibré du territoire, de compétitivité de nos entreprises et de rayonnement de notre culture. Aussi, un accès équitable au haut débit doit donc être offert à l’intégralité des foyers français. L’objectif du Gouvernement est que 100 % de la population ait accès au haut débit d’ici à 2012 », explique le communiqué du Minefe. Et le gouvernement de proposer non pas un grand chantier national ou un plan d'investissement, mais... la mise en place d'une marque « Internet haut débit universel » pour les offres assurant un accès à Internet à haut débit à toute personne qui en fait la demande, à un tarif abordable, dans une zone géographique significative. Bref, une étiquette, un simple logo.

Des ambitions d'une autre époque

La marque pourra être utilisée par tout FAI qui proposera une offre sur un ou plusieurs départements offrant au minimum un débit descendant 512 kbit/s avec un plafond minimum de 2 Go de données téléchargées sur un mois, le débit pouvant être bridé au-delà. Le débit montant devra être au minimum de 96 kbit/s, jusqu’à un minimum de 300 Mo de données envoyées sur un mois. Là encore, le débit pouvant être bridé au-delà. Pour ces caractéristiques, le tarif payé par l’abonné ne devra pas excéder 35 € TTC par mois, équipements d’accès inclus.

Ces spécifications sont un vrai scandale au sens où, sous couvert d'universalité, elles instaurent de facto un double traitement entre citadins et ruraux. Aux villes les joies de l'ADSL dégroupé et de la fibre à 50 ou 100 Mbit/s sans aucune limitation ; aux ruraux les peines … de l'Internet bridé à des débits du début du millénaire et assorti de plafonds de consommation.

En d'autre temps, ce que l'on appelait service universel consistait à proposer le même service en tout endroit du territoire, au besoin en utilisant une arme tarifaire baptisée péréquation. France Télécom n'étant plus un monopole public, la péréquation à l'ancienne n'est plus possible, mais l'Etat pourrait la remplacer par une aide aux opérateurs acceptant d'investir réellement pour équiper les zones blanches en haut débit. Le Plan numérique 2012 ne prévoit malheureusement aucun investissement de l'Etat, dont les priorités vont plutôt pour l'instant à l'aide aux industries lourdes et au soutien des banques.

France Télécom répond avec une offre satellite à minima

Ironiquement, le premier opérateur à se lancer dans la démarche « Internet haut débt Universel » n'est autre que l'ancien opérateur public qui, sans vergogne, se targue de desservir 100 % du territoire via une nouvelle offre satellite bidirectionnelle, le Pack Internet Satellite. Et quelle offre : Orange annonce une connexion autorisant jusqu’à 2 Mb/s de débit et 2 Go de volume de données échangées mensuellement pour 34,90 € TTC par mois, fourniture de l'équipement compris. Et de rappeler que ce plafond de consommation permet par exemple de consulter plus de 10 000 pages web et d’échanger 2 000 courriels par mois. Tout en se gardant d'expliquer qu'avec Internet, on peut aussi faire de la voix, de la vidéo, de la visio-conférence. Il est vrai qu'avec 2 Go de plafond, on ne parle pas vraiment d'Internet, mais bien de standards d'un autre âge. C'est malheureusement cet Internet là que le gouvernement a décidé de promouvoir pour assurer la couverture universelle du territoire.

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