Investiture d’Obama : après la fête, les premiers chantiers IT
Jour de grâce pour Obama qui profite, pour son investiture, d’un concert de louanges et d’une très forte unité aux Etats-Unis. Comme si les difficultés à venir étaient mises de côté pour une journée. Mais, à compter de demain, celui qui est porteur de nombreux espoirs dans beaucoup de domaines devra commencer son travail et tenir ses engagements. Y compris dans les TIC.
A compter de demain, Barack Obama aura tourné la page de son investiture. Et il sera temps de se mettre au travail. Côté IT, le candidat a beaucoup promis et s’est beaucoup entouré. Il a même mis en exergue un chapitre concernant les TIC dans le cadre de son plan de relance. Il doit donc désormais réaliser le plus dur : conforter les espoirs qu’ont engendrés ses promesses. Dans l’économie des technologies de l’information, comme dans tous les autres domaines. Pour l’aider sur ce secteur, il pourra compter sur Julius Genachowski, conseiller TIC de la première heure qui devrait prendre la tête de la commission fédérale sur les communications (FCC), l’autorité de régulation des télécoms américaines, également largement impliquée dans les politiques concernant les TIC.
Relancer le programme E-rate pour l'éducation
Genachowski aura été l’un des piliers de l’équipe de transition du futur président en matière de technologies de l’information et il est à l’origine d’une bonne partie du riche programme IT du candidat Obama. Mais Genachowski – âgé de 46 ans - et Obama se connaissaient déjà du temps où ils étaient coreligionnaires sur les bancs d’Harvard au tournant des années 80/90. Il remplacerait à la tête de la FCC Kevin Martin, également diplômé de Harvard, qui sentant le vent tourner, vient de publier un rapport sur quatre ans d’action au profit des consommateurs américains en matière de TIC.
Expérimenté, Genachowski est un ancien des politiques publiques en faveur des technologies de l’information. Il a notamment été le collaborateur de Reed Hundt – personnalité emblématique des années Clinton en matière de TIC - au sein de la FCC, lorsque ce dernier la dirigeait. Avec Bill Kennard, Hundt avait créé et mis en oeuvre le programme E-rate du temps de l’administration Clinton. Un effort d’équipement des établissements scolaires que Barack Obama a promis de poursuivre.
L’une des priorités de la FCC devrait concerner le plan de relance souhaité par Obama et dont les grandes lignes ont d’ores et déjà étaient définies. En matière de TIC, il s’agira avant tout de s’atteler à un vaste programme de déploiement de réseaux haut débit afin notamment de réduire la fracture numérique.
Côté gouvernance d’Internet – un dossier également à la charge de la FCC –, Genachowski est l’un des chantres de la « net neutrality » à laquelle il a converti Obama. Là où Mc Cain – le candidat républicain – se voulait plus interventionniste. Assez peu débattue en France, la nature neutre – c’est-à-dire libre d’accès, sans contrôle d’un opérateur sur les contenus et sans formatage propriétaire - du réseau est considéré comme un enjeu central aux Etats-Unis.
L’inconnu de la Maison Blanche pour le poste envisagé de CTO
Restera à nommer un CTO à la Maison Blanche, promis au cours de sa campagne. De nombreux noms de personnalités ont circulé. Dans la presse spécialisée, c’est Eric Schmidt, le patron de Google, qui a longtemps tenu la corde. Mais, il a finalement démenti, réitérant son attachement à son activité actuelle. Il y a quelques mois, BusinessWeek publiait une liste de quelques grands noms de l'industrie informatique qui pourraient prendre ce très convoité poste de directeur technique de la Maison Blanche. Vinton Cerf (l’un des concepteurs d’Internet), Steve Ballmer (patron de Microsoft) ou encore Jeffrey Bezos (créateur d’Amazon) seraient en lice. Mais Obama pourrait bien désigner le tout jeune Chris Hughes, l’un des fondateurs du réseau social Facebook, à qui l’on prête le succès online de la campagne d’Obama et notamment le dispositif mis en place pour lever des millions de dollars via le réseau.
Le système de santé : grand chantier IT de la mandature
L’administration centrale n’est pas la seule qui devrait être modernisée. Dans le cadre de son programme de relance, Obama a insisté sur la refonte du système de santé, un projet historique du candidat où l’informatique tient une place prépondérante. Le projet est immense et aura pour objectif tant d’améliorer le système de santé que d’en réduire le coût, exorbitant jusqu’à présent au regard du service rendu aux administrés. Selon de nombreux experts, la refonte complète du dispositif aurait un coût de 10 milliards de dollars par an et devrait courir sur les 10 prochaines années ! L’argent utilisé pour le e-health records – le système de gestion électronique accompagnant la réforme - proviendrait pour majeur partie des 825 milliards de dollars envisagés pour la relance. Aujourd’hui, seulement 25 à 35 % des 5 000 hôpitaux publics américains utilisent des procédures de gestion et d’enregistrement informatisées, selon un article très complet sur le sujet publié par notre confrère Computerworld. Le chantier, et les contrats qui vont avec, devraient débuter assez rapidement et profiter certainement à plein à l’industrie IT. Une aubaine pour des entreprises qui s’apprêtent à vivre une semaine difficile avec la présentation des résultats trimestriels et des rumeurs insistantes faisant état de vagues successives de licenciements de la part des plus grands groupes du secteur.
Un programme initial censé protéger l’industrie
Au niveau fiscal, Barack Obama est opposé à la taxation des échanges sur Internet, afin de soutenir le cybercommerce. Il a également voté contre la poursuite de la réduction des impôts sur le capital et les dividendes. A 10 000 lieux des pistes évoquées régulièrement par le gouvernement français : du prix des licences UMTS à la future taxe sur les produits électroniques ou sur Internet dans le cadre de la réforme de l’audiovisuel public, l’Etat français n’a de cesse de voir dans le développement de la société de l’information une potentielle vache à lait.
Sur le plan de l’éducation aux nouvelles technologies, Obama s’est engagé à poursuivre l’effort d’équipement des établissements scolaires entamé avec le programme E-rate. Ses plans intègrent également la promotion de l’équipement des ménages pour favoriser l’éclosion d’une cyber-démocratie à travers forums, organisation de lobbies citoyens, etc. Il s'en expliquait en novembre 2007 lors d'une conférence organisée par Google.
Quelle immigration en temps de crise ?
Enfin, en matière d’immigration, Obama est favorable à l’ouverture des frontières, notamment concernant les populations étrangères diplômées. Sans oser aller toutefois aussi loin que Bill Gates. Depuis de nombreuses années, l’ex patron de Microsoft – par ailleurs soutien constant des démocrates – explique inlassablement combien Microsoft a besoin des ressources des développeurs étrangers sur son campus de Redmond pour croître et innover. Au printemps dernier, il se montrait franchement alarmiste devant les députés du Committee on Science and Technology. Selon lui, le contingentement actuel du nombre de visas H-1B (concernant les immigrants diplômés, ce visa temporaire est délivré pour une période de trois ans) à 65 000 par an est nettement insuffisant et pourrait – à terme – faire perdre aux Etats-Unis son leadership en matière de technologie de l’information, au profit de l’Inde ou de la Chine.
Gates milite pour une augmentation importante du nombre de visas, ainsi que pour des procédures allégées et la délivrance d’un statut de migrant pour les actuels titulaires du H-1B. Des propositions qui auront cependant du mal à porter, alors même que la récession actuelle risque plutôt d’engendrer de fortes tensions sur le marché du travail et des velléités d’externalisation offshore côté utilisateurs. Dans ces conditions, on voit mal la nouvelle administration ouvrir ses frontière alors même que des milliers d’informaticiens risque de se retrouver sans emploi.
En savoir plus : lire la page consacrée aux technologies sur le nouveau site de la Maison Blanche.