eSanté : Pour la Cour des Comptes, le DMP a été victime de sa maîtrise d'ouvrage
Le DMP - ce vaste projet prévoyant l'informatisation des dossiers médicaux des 63 millions d'assurés sociaux - est dans le coma. Selon la Cour des comptes, une des principales raisons de ce ratage réside dans le GIP DMP, l'organisme chargé de piloter le chantier qui a rapidement été débordé par l'ampleur des travaux.
Dans son rapport annuel, la Cour des Comptes revient sur l'échec du Dossier médical personnel (DMP), ce vaste chantier d'informatisation des dossiers médicaux des 63 millions d'assurés sociaux. Et pointe le dysfonctionnement de la structure chargée du projet, le GIP DMP. Ce dernier a été créé en 2005 pour assurer la maîtrise d'ouvrage du projet et sa généralisation à partir de 2007. Première difficulté : le GIP (Groupement d'intérêt public) n'a pas reçu toutes les subsides qui lui ont été allouées, la Caisse nationale d'assurance maladie, principale source des fonds du GIP, faisant preuve de "lenteur" dans ses versements. "Elle a été perçue comme reflétant une motivation modérée de la part de la CNAMTS, qui développait parallèlement son propre projet (« historique des remboursements »)", note la Cour. Résultat : sur les 242 M€ alloués au GIP pour la période 2005-2008, l'organisme n'en a dépensé que 64 M€. Moins du tiers !
Mais ces problèmes de financement n'expliquent pas tout. La Cour pointe au premier chef la responsabilité de l'Etat, qui, malgré les signaux d'alerte graves émis par les rapports de revue de projet puis par la mission de relance du DMP, a tardé à prendre les mesures nécessaires. Les tentatives désespérées de relance du chantier, en juin dernier notamment, étant venues bien trop tard. "Le GIP DMP a fait l’objet d’un traitement particulier lié à l’importance politique attachée à ce projet. Mais, précisément, la volonté politique ne pouvant suffire, cette importance aurait dû conduire à renforcer les conditions du succès en faisant pleinement appel aux directions d’administration centrale concernées, ce qui ne fut pas toujours le cas.", écrit la Cour.
Une maîtrise d'ouvrage immature
De plus, observent les rédacteurs du rapport, le GIP n'était pas de taille à mener à bien ce projet. D'abord en raison d'effectifs apparaissant bien faibles au regard des ambitions affichées : "Le plafond d’emplois a été fixé par les cabinets à 38 en 2006 puis à 65, mais la croissance des effectifs a été tardive et, malgré le manque de moyens, ce plafond n’a jamais été atteint". Si le GIP a, semble-t-il, marqué des points sur l'architecture des informations à traiter, "la politique de développement technologique comme l’organisation des fonctions de maîtrise d’ouvrage et de conduite des opérations n’ont approché une certaine maturité que fin 2007". La Cour relève notamment le manque d'expérience des effectifs du GIP en matière de conduite de grand projet et une mauvaise prise en compte des risques inhérents à un chantier comme celui du DMP. Le tout dans un contexte d'instabilité au niveau des dirigeants du GIP, qui a vu passer pas moins de quatre directeurs et trois secrétaires généraux en trois ans.
Plus grave, les marchés passés à des prestataires ont été mal maîtrisés, relève le rapport, qui rappelle les difficultés rencontrées lors de la procédure de mise en concurrence de l'hébergeur de référence (procédure finalement abandonnée fin 2007) ou les conventions de projets régionaux qui ont été signés alors que le DMP, déjà, battait de l'aile. Autre dossier en suspens, celui du portail, dont la réalisation a été confiée à la Caisse des dépôts et consignations (CDC), mais dont le GIP n'a réglé qu'une partie de la facture totale.
Le GIP DMP paye son échec
Résultat : un chantier majeur de la e-administration aujourd'hui en stand-by. "Depuis la fin 2007, nombre des quelque 200 tâches principales alors en cours ou programmées dans le tableau de bord du GIP ont été ralenties, suspendues ou annulées, quelle qu’en ait été l’importance. Cette situation d’attente se prolongeait fin 2008", observe la Cour des Comptes. Le rôle du GIP, dont l'échec se solde aujourd'hui par la disparition, a été repris par une nouvelle entité, l'agence des systèmes d’information de santé partagés (ASIP). Cette dernière, qui unifie la maîtrise d’ouvrage publique sur les systèmes d’information de santé partagés, aura la charge de relancer le dossier médical personnel. Vu le passif, la tâche s'annonce ardue.
Pour en savoir plus : l'intégralité du rapport de la Cour des Comptes