Le W3C veut des réseaux sociaux plus distribués, interopérables et accessibles
Le W3C met en place un groupe d'incubation dont les travaux exploratoires devront évaluer les besoins en matière d'interopérabilité des réseaux sociaux. A la clé, la définition d'une implémentation de référence d'une architecture distribuée, des bonnes pratiques en matière d'ergonomie et de protection des données et l'étude de faisabilité de nouveaux modèles économiques.
En matière d'interopérabilité et de portabilité de données, les réseaux sociaux sont loin d'avoir atteint leurs objectifs. C'est le message essentiel qu'on peut comprendre au coeur du rapport publié par le W3C, consortium garant des standards du Web, sur l'avenir des réseaux sociaux.
Si les initiatives visant à connecter les plateformes entre elles se multiplient – on parle de Facebook Connect, des projets autour d'OpenID, de Google Friends, d'ouverture des plateforme par la publication d'API -, il reste encore de grosses lacunes sur le terrain de l'interopérabilité, rappelle le consortium, après avoir sondé quelque 57 acteurs du secteur. Au final, une compilation de 72 propositions, soumises par des industriels et des chercheurs dont le but premier est bien de proposer un terrain fertile à la croissance et à la stabilité du secteur des réseaux sociaux. Résultat, la création d'un groupe d'incubation sur l'interopérabilité des réseaux sociaux au sein du W3C (Social Web Interoperability Incubator Group) pour évaluer les composants technologiques en place, d'une part, et jouer le rôle de médiation entre les acteurs qui officient aujourd'hui dans la sphère des réseaux sociaux, d'autre part.
Les initiatives mises en place par les opérateurs de réseaux sociaux [les éditeurs de plateformes, comme Facebook, NDLR] sont encore trop fermées, constate Dominique Hazael-Massieux, co-président de l'atelier sur les réseaux sociaux au W3C et également responsable du groupe de travail sur le Web Mobile. « Ils essaient de garder le contrôle sur les données personnelles. Ils acceptent en revanche le partage avec d'autres services, mais refusent d'intégrer d'autres sources dans leurs bases. » Et il poursuit : « Il s'agit toutefois d'un pas dans la bonne direction ». Mais pas la panacée.
Si la protection des données et de la vie privée est au centre des axes de travail définis par le consortium – qui préconise la mise en place de tutoriels et de bonnes pratiques chez les éditeurs ainsi que des grands efforts sur l'ergonomie des interfaces - , le W3C entend donner une couleur entreprise au concept. Une ouverture vers le monde professionnel que Dominique Hazael-Massieux considère comme un débouché inévitable à terme, tant les réseaux sociaux constituent un mécanisme phare dans le partage de la connaissance. Reste alors à solidifier l'ensemble.
Vers une architecture décentralisée et distribuée
Il s'agit d'une demande incluse dans la majorité des propositions, explique Dominique Hazael-Massieux. Le principe est simple : aujourd'hui les donnés sont cloisonnées dans des uniques bases hébergées chez un unique éditeur de réseaux social. « La notion de définition de profil doit être séparée du celle de service fourni par le réseau social », confirme-t-il. « Il sera ainsi possible de distiller les profils à l'intérieur ou à l'extérieur de l'entreprise ». En gros, l'utilisateur doit pouvoir sélectionner quel type de donnée pour quel profil et selon l'usage. Et de voir ses données décloisonnées des seules bases des éditeurs.
Cela constitue le point central des travaux du groupe d'incubation, qui n'entend pas créer un nouveau standard en la matière. Mais évaluer, tester et valider les protocoles et les standards existants (comme OpenID, FOAF – Friend of a friend - , XFN - Xhtml Friends Network -, par exemple) qui structurent les données en vue de les partager. Le groupe collaborera enfin dans la définition d'une architecture Open Source de référence.
Au delà de l'aspect éthique de la décentralisation des données, le W3C doit évaluer également les chances de réussite de créer de nouveaux modèles économiques autour des réseaux sociaux. « Existe-t-il une raison économique de cette décentralisation des réseaux sociaux », commente justement Dominique Hazael-Massieux. Le groupe d'incubation compte ainsi s'intéresser au problème des micro-paiements, encore non-standardisés, qui faciliteraient la mise en place de modèles économiques basé sur le prélèvement de fond, par exemple. « Il manque un protocole de micropaiement qui pourrait gérer les transaction en ligne, », constate-t-il. Encore faut-il savoir si le principe rallie suffisamment les éditeurs pour définir les besoins d'un standard.
Accessibilité et contextualisation
Les travaux exploratoires du groupe d'incubation couvriront également le spectre de l'accessibilité. D'abord en identifiant les besoins en terme d'interface pour l'utilisateur lambda, mais surtout pour les personnes handicapées dont les réseaux sociaux constituent une opportunité de nouer des contacts. Guide de bonnes pratiques doivent alors être proposés aux réseaux sociaux.
Enfin, dernier point, la contextualisation, « Nous avons constaté sur l'un des usages du Web Mobile était d'accéder à des réseaux sociaux depuis des solutions mobiles », explique Dominique Hazael-Massieux. Le richesse fonctionnelle des appareils, qui embarquent de plus en plus de capteurs, pousse alors le W3C à réfléchir aux moyens de mise en place ces nouvelles formes d'interactions. Et il devra alors statuer sur les besoins d'un nouveau standard, en définissant sémantiquement le contexte (par exemple par le biais d'ontologies décrivant en XML les liaisons de sens entre concepts – une brique technologique du Web sémantique cher à Tim Berners-Lee, patron du W3C).
Dominique Hazael-Massieux rappelle que le groupe d'incubation doit évaluer la maturité des technologies et calibrer les besoins en la matière. En rien, les travaux ne doivent déboucher sur la réalisation pure de standards. « Ce qui pourrait rajouter de la confusion dans un contexte propice à la diversité ». Une sorte de tri en somme qui s'effectuera avec les acteurs du marché, le W3C en faisant office de médiateur. Les premiers résultats, notamment le projet d'architecture distribuée, pourraient être disponibles dans les six prochains mois.
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Deux projets d'architectures distribuées de réseaux sociaux : Appleseed et HelloWorld