Pour faire face à la crise, Capgemini voit son salut dans l'offshore
Coup de froid sur les SSII françaises. Capgemini, un des baromètres du secteur, fait état d'une nouvelle dégradation de l'activité au début 2009. Pour la direction du groupe, la réponse aux attentes actuelles des donneurs d'ordre est simple : cap sur l'offshore.
"En mars, ou au plus tard en avril, nos effectifs en Inde dépasseront ceux en France". Lors de la conférence de presse donnée ce matin par Capgemini pour commenter ses résultats annuels, Paul Hermelin, le directeur général de la première SSII française, n'a pas fait mystère de ses solutions pour traverser la crise actuelle. Comme le montrent les perspectives annoncées par le groupe, le ralentissement économique touche plus brutalement les services informatiques que ne l'espéraient les dirigeants des SSII à l'automne dernier.
"Nous sommes confrontés à un ralentissement de la demande en janvier, à une forme d'attentisme des donneurs d'ordre", a confirmé Paul Hermelin. De facto, le groupe a donné des indications assez pessimistes sur son premier semestre, avec un chiffre d'affaires en légère décroissance (- 2 % à taux de change et périmètre constants) et une marge opérationnelle qui sera au pire à 6,5 %, contre 7,6 % au premier semestre 2007. Au premier trimestre, l'activité s'inscrit en recul de 1 à 2 % selon le groupe (à taux de change constant toujours), contre une croissance de 3,3 % lors des trois derniers mois de 2008. "C'est l'histoire de la récession qu'on peut lire dans ces chiffres", a expliqué, philosophe, Paul Hermelin.
Sogeti retombe à zéro
Ce retournement de tendance est particulièrement sensible sur les activités de conseil et sur la branche Sogeti. Cette dernière, qui fournissait jusqu'alors les résultats les plus flamboyants tant en termes de croissance que de marge, a vu son activité se tasser très rapidement. Alors que la filiale spécialisée dans les services de proximité enregistre plus de 9 % de croissance sur 2008, sa progression a chuté à 4,2 % en fin d'année avant de reculer encore en début d'année. Selon les chiffres communiqués par le groupe, Sogeti sera tout juste à l'équilibre au premier trimestre. Même inversion de tendance spectaculaire pour le conseil, qui enregistrera une décroissance de 7 % au premier trimestre, après un recul similaire en fin d'année dernière. Sur l'exercice annuel complet de 2008, la branche conseil progresse de 2,4 %. La récession frappe aussi l'intégration et l'outsourcing qui seront "en léger déclin" au début 2009.
Pour faire face à ce qui apparaît comme une inversion brutale de tendance, la direction de la SSII ne fait pas mystère de sa recette : "la réponse de Capgemini à la pression des donneurs d'ordre sur les prix consiste à augmenter la part d'activité réalisée en offshore, tout en tenant nos prix dans les pays développés", explique Paul Hermelin. Une façon pour le groupe de protéger sa marge tout en proposant un "prix projet" plus attractif aux grands comptes. Selon Capgemini, les activités réalisées dans les pays à faible coût de main d'oeuvre progressent à un rythme compris entre 25 et 30 %. "C'est plus que les SSII indiennes", se réjouit Paul Hermelin.
Offshore : croissance des effectifs de 26 % en un an
Capgemini affirme effectuer désormais plus de 90 % de ses recrutements nets dans les pays à bas coût. Avec plus de 25 000 personnes en Inde, mais aussi en Pologne, en Amérique Latine, en Chine et au Maroc, la SSII dispose désormais de 36 % de son effectif total dans ses bases arrières low cost. Les effectifs y ont progressé de 26 % en un an... contre un petit 1 % de croissance dans les pays développés.
Et la crise ne devrait faire qu'accentuer la tendance. Très en retrait sur l'offshore, Sogeti va accélérer sur ce terrain. Pour l'heure, cette activité ne dispose que de 5 % de ses effectifs facturables dans les pays à bas coût, alors que les services financiers culminent eux à 77 % (le fruit du rachat de Kanbay, il est vrai). Mais ce sont surtout les activités d'intégration de systèmes en Europe, qui vont à marche forcée modifier leur modèle (voir le schéma ci-dessous indiquant les intentions du groupe en matière de progression de la part des consultants offshore par activité ; TS indiquant les activités d'intégration et CS, les activités de conseil).
De même, Paul Hermelin a indiqué ce matin avoir récemment remporté des contrats de TMA en France, avec une part d'offshore allant de 70 à 90 % du total. Des proportions qu'affichaient les seules SSII indiennes, il y a quelques mois seulement, s'attirant au passage les critiques des prestataires français qui jugeaient alors un tel déséquilibre trop risqué dans la plupart des maintenances applicatives.
Sans surprise, cette accentuation du virage vers l'offshore, s'il devrait protéger les marges de la SSII, aura un impact déflationniste sur l'activité du groupe. Capgemini a confirmé que si le chiffre d'affaires stagnait, les volumes de prestations continuaient eux à croître. En 2008 déjà, du fait de la progression de l'offshore, le prix moyen des employés facturables de Cap a reculé de 4,5 %.