Syntec dénonce les pratiques illégales d'une poignée de grands comptes voyous
Le syndicat patronal des SSII et éditeurs dénonce les pratiques d'achat d'une douzaine de grands groupes français. Selon Syntec, certains détournent la loi de modernisation de l'économie tandis que d'autres remettent en cause les conditions tarifaires de contrats déjà signés. Des dérives qui témoignent de la pression sur les prix exercée par les donneurs d'ordre sur leurs prestataires.
Cette fois, ça va trop loin. Alerté par ses membres sur les pratiques d'une poignée de grands comptes, Syntec Informatique, la chambre patronale des SSII et éditeurs, a décidé de faire part de son mécontentement aux directions générales des entreprises en question et aux pouvoirs publics. En cause, deux "astuces" imaginées par ces donneurs d'ordre, que Jean Mounet, le président de Syntec Informatique, juge illégales.
"Le plus discutable, ce sont les tentatives de détournement de la loi de modernisation de l'économie", explique Jean Mounet. Cette dernière prévoit de raccourcir les délais de paiement des factures. Sauf que certains donneurs d'ordre profiteraient de cette modification des pratiques de facturation pour exiger de nouveaux rabais de 1 ou 2 % à leurs prestataires. "Pire, d'autres donneurs d'ordre demandent à nos adhérents de ne facturer leurs prestations que tous les trois mois, au lieu de chaque mois", s'insurge Jean Mounet, qui se refuse toutefois à nommer les entreprises en question se contentant de parler d'une douzaine de cas flagrants, des grands groupes, dont certains affichent des bénéfices plus que confortables. Autrement dit, ce qui devait être une mesure améliorant la trésorerie des sous-traitants se transforme, dans certains cas, en un nouveau coup de massue pour les finances desdits prestataires. "C'est particulièrement dommageable pour les PME de notre secteur qui n'ont pas le poids nécessaire pour négocier avec ces grands donneurs d'ordre", précise Jean Mounet. Le syndicat patronal a donc décidé de se tourner vers les pouvoirs publics pour dénoncer ce détournement de la loi, et annonce avoir obtenu plusieurs rendez-vous dans les ministères dans les jours qui viennent.
Les PME contraintes d'avaler la couleuvre
En sus de ce qu'il considère comme une violation de la loi, Jean Mounet dénonce également les demandes de remise rétroactive des donneurs d'ordre. "Certains demandent 2 à 3 % de rabais sur les prestations déjà réalisées, assortissant ces exigences de menace de déréférencement du prestataire. C'est une violation des contrats signés", s'emporte le président de Syntec Informatique.
La mise en évidence de ces pratiques par le syndicat des SSII intervient dans un contexte de durcissement des relations entre donneurs d'ordre et prestataires. Les premiers exigeant des remises importantes lors des renégociations des contrats, voire en plein milieu de ceux-ci ! Récemment, la banque néerlandaise ING avait ainsi ramené ses prestataires à la table des négociations pour obtenir de nouveaux rabais. "Les grandes SSII s'en sortent en négociant avec les donneurs d'ordre, explique Jean Mounet. Mais les PME, elles, sont contraintes d'accepter les conditions demandées". Interrogé hier sur le sujet, lors de l'annonce des résultats de Devoteam, Stanislas de Bentzmann, le co-président du directoire de cette SSII de taille moyenne, confirmait la réalité du phénomène : "dans la finance, nous avons été convoqués par certains clients qui nous demandent des remises supplémentaires de 5 à 10 %." Selon le dirigeant, après négociation, la SSII aurait accepté d'accorder un rabais de 1 à 2 %.
Ruée vers l'offshore
Une pression sur les prix qui pèse sur les marges et qui incite les SSII à augmenter la part de prestations effectuées dans les pays low cost, comme l'a confirmé Capgemini ce matin lors de l'annonce de ses perspectives 2009. La première SSII de l'Hexagone a indiqué avoir récemment remporté des contrats de TMA comportant jusqu'à 90 % des prestations réalisées en offshore. "Cette pression sur les prix pousse à réduire l'emploi en France, pousse les donneurs d'ordre à se lancer massivement sur l'offshore sur des projets qui n'y sont pas toujours adaptés - ce qui aboutit à des catastrophes -, et détourne les jeunes de nos métiers", constate Jean Mounet. Ce dernier rappelle que les tarifs des services informatiques en France sont inférieurs de 20 à 50 % à ceux d'autres pays en Europe. Pas sûr que cette statistique suffise à modérer les ardeurs des services achat qui se savent, à la faveur de la crise, en position de force.