MWC 2009 : la mobilité en crise a foi dans les services et les applications
L'ombre de la crise économique plane sur le Mobile World Congress qui se tient à Barcelone du 16 au 19 février. L'heure est à la rationalisation pour un secteur lui aussi touché et à la recherche de sources de revenus alternatifs. Des débouchés à rechercher notamment du côté des services et des applications, des débouchés qui font rêver les fournisseurs.
Un salon en temps de crise. Alors que démarre le Mobile World Congress de Barcelone - la grande messe annuelle de la téléphonie mobile -, le secteur des telcos connaît son plus important déclin depuis 2001. Une crise profonde et on ne devrait pas voir le bout du tunnel avant 2011 selon les analystes. A cette date, le marché des services télécoms devrait remonter d'un faible 1 %, si l'on en croit l'Idate (Institut de l'audiovisuel et des télécommunications en Europe), l'un des principaux observateurs du marché. Une tendance lourde pour les constructeurs, qui enregistrent des baisses considérables de leur ventes (comme Nokia, -10%), et n'espérent plus de rémission avant 2011.
Une grogne locale qui renvoie à la crise mondiale
Du coup, « la principale question pour les acteurs de l'industrie des télécoms est devenue : "Comment faire alors pour gagner de l'argent aujourd'hui ?" et non plus, "comment être le plus innovant ?" », souligne Carolina Milanesi, analyste au Gartner. C'est dans cette ambiance, un peu étouffante et sur fond de problèmes sociaux pour les acteurs locaux, que Barcelone accueille les plus grands noms de la mobilité.
De fait, à peine ouvert, le Mobile World Congress est déjà le témoin de luttes sociales dans le secteur. Devant le parvis flamboyant du salon, on repère facilement une petite manifestation d'employés de Telefonica, opérateur de téléphonie locale accompagnés de leurs représentants syndicaux. « Nous sommes ici pour montrer notre mécontentement devant le vaisseau amiral des salons de la téléphonie, un secteur ultra moderne dans lequel il existe encore des méthodes de management très anciennes », ne décolère pas un représentant de co.bas, l'une des centrales syndicales présente chez Telefonica. Il s'insurge contre le licenciement qu'il juge abusif de cinq de ces confrères. « Nous sommes là pour montrer ce qui se passe à la face des grands de l'industrie des télécoms ». En filigrane, les salariés des telcos dénoncent des licenciements rampants.
Un secteur condamné à "s'aider soi-même"
Plus tard, en feuilletant le Show Daily, magazine interne au salon, on apprend également que Alexander Izosimov, Pdg de VimpelCom et président de GSMA - oragnisateur du Mobile World Congress -, estime que « l'industrie de la mobilité a le potentiel d'agir comme un catalyseur pour la guérison de l'économie, mais elle doit être supportée par les gouvernements et les régulateurs pour maximiser son impact ». Pour l'instant ce n'est pas nécessairement le cas, les différents plans de relance - à l'exception notable de celui proposé par l'administration Obama - laissant de côté les technologies de l'information, secteur soit trop peu symbolique (comme peut l'être l'automobile), soit relativement bien portant au regard du reste de l'industrie, parfois exangue.
Du coup le secteur doit se débrouiller en marge des relances publiques. L'heure est donc à la rationalisation mais également au développement des services et des applications. Les annonces de nouveaux appareils se font plus rares, et les acteurs, tant constructeurs qu'éditeurs, se concentrent sur les logiciels dédiés. Certes Huawei déballe son premier téléphone à base d'Android, LG son Arena, et Acer fait une entrée remarquée sur le marché de la mobilité, mais c'est davantage vers les inaugurations des « AppStores » de Microsoft et de Nokia que se tournent les regards. Ces boutiques en ligne virtuelles doivent étoffer les offres de services autour des plates-formes respectives des deux géants, mais surtout générer des flux alternatifs de revenus, au moment où les marges se voient considérablement réduites.
L'addiction technologique des opérateurs comme sortie de crise...
Un mouvement qui semble également évident pour Jean-Luc Droitcourt, directeur du développement de Promptu, société spécialisée dans la reconnaissance vocale sur mobile. Optimiste, il estime que la téléphonie, fort de sa proximité « avec la transaction avec l'utilisateur », ne devrait que peu fléchir. En clair, plus les plates-formes seront à même de fournir des services proches du porte-monnaie du consommateur, mieux leurs exploitants s'en tireront... et attireront les investisseurs. Les opérateurs l'ont compris depuis longtemps qui générent de confortables marges autour du SMS.
Le pessimisme est également banni du côté des technologies prometteuses. L'édition 2009 est sur ce point marquée par la présentation des plates-formes de prochaines génération de réseaux mobiles (LTE – Long-Term evolution) et rien ne semble affecter la percée de ces technologies auprès des opérateurs qui, s'ils rationalisent leurs structures de coût, ne modifient en rien leur calendrier de déploiement selon les équipementiers. « Programmé pour fin 2009 » semble être le mot d'ordre, chez Motorola ou NTT Docomo. Ainsi, Sean Murphy, responsable marketing chez Motorola, présente tout sourire une démonstration "live" d'un réseau LTE déployé dans Barcelone par l'équipementier américain. Reste qu'au final, il se refuse à communiquer les noms des opérateurs qui se seraient portés acheteurs de ce type d'équipements.
S'il admet que les entreprises vont invertir prudemment, il semble sûr que les opérateurs se lanceront, condamnés qu'ils sont "à sans cesse faire évoluer leur infrastructure face au risque que le réseau ne réponde plus, provoquant la disparition de leurs clients". Sûr de son fait, il explique que « les regagner coûterait bien plus cher ».
... ou l'émergence d'un homo-mobilus fin gestionnaire ?
Beaucoup plus sceptique, Carolina Milanesi, consultante au Gartner, estime de son côté qu'il y a peu d'intérêt « à aller vers le LTE quand le réseau 3G optimisé répond au besoin ». Surtout que l'investissement nécessaire à la transition est lourd.
Insistant sur la crise, elle estime cependant que cette dernière pourrait définitivement changer le paysage de la mobilité, avec une adoption croissante des usages, mais avec des exigences de maîtrise des coûts par les utilisateurs eux-mêmes. Avec les pertes d'emplois et les tensions sur le pouvoir d'achat, ceux-ci seront de plus en plus amenés à résilier leur contrat fixe pour ne garder que leur ligne de téléphonie mobile. Mais « nous voyons actuellement une mutation des contrats vers de offres pré-payées car les utilisateurs estiment qu'ils peuvent mieux quantifier leurs dépenses », affirme Carolina Milanesi. Il y aura donc bien un avant et un après crise dans le monde de la mobilité. Pas sûr cependant que la sortie se fasse par l'explosion d'usages à forte marge pour les fournisseurs.