Unix reprend la tête d'un marché des serveurs en net recul
Le dernier baromètre IDC sur le marché des serveurs montre un effondrement des ventes au dernier trimestre 2008. Les revenus des constructeurs ont reculé de 14%, du fait notamment de la chute des ventes de x86. Pour la première fois depuis 2002, les ventes de serveurs Unix ont ainsi dépassé celles des x86. Une situation qui pourrait perdurer si les serveurs d'entrée de gamme poursuivent leur recul.
Le marché des serveurs a du plomb dans l'aile. Selon les chiffres d'IDC – qui mesure les livraisons sorties d'usine des constructeurs et non pas les ventes réelles aux entreprises comme Gartner – les revenus des fabricants de serveurs ont reculé de 14% au dernier trimestre 2008 pour s'établir à 13,5 Md$. Sur l'ensemble de l'année, les revenus ont reculé de 3,3% à 53,3 Md$.
IDC note que les livraisons de serveurs d'entrée de gamme ont reculé de 16,8% tandis que les serveurs de milieu de gamme reculaient de 14,5%. Les ventes de serveurs d'entreprise haut de gamme (grands serveurs Unix et Mainframes) ont mieux résisté avec une baisse limitée à 7,5%. Selon IDC, c'est la première fois, depuis 2002, que les ventes de serveurs reculent simultanément sur les trois segments. Et le groupe d'études ne se montre guère optimiste même si, en bon analyste, il l'exprime en termes pudiques : "il apparaît désormais que le ralentissement va empirer avant qu'une amélioration apparaisse vers la fin 2009 ou le début 2010 », note ainsi Matthew Eastwood, le vice-président du groupe plates-formes d'entreprise d'IDC.
Ce que ne dit pas Eastwood est que la méthodologie utilisée par IDC pour ces mesures a sans doute contribué à masquer l'ampleur de la crise subie par les constructeurs, au dernier trimestre 2008. Les statistiques du cabinet d'analyse portent en effet sur les livraisons sorties d'usines. Elles incluent aussi bien les livraisons directes des constructeurs à certains de leurs clients finaux que les livraisons aux grossistes et distributeurs, qui agissent comme un tampon et réalisent l'essentiel des ventes finales aux utilisateurs. Si les entreprises ont, comme cela est probable, ralenti leurs achats au dernier trimestre, le plein effet n'en sera visible que le trimestre prochain dans les statistiques d'IDC, car les distributeurs et grossistes confrontés au non écoulement de leurs stocks devraient à leur tour ralentir leurs achats, ce qui impactera les livraisons sorties d'usine au prochain trimestre.
IBM en pleine déconfiture
Cette remarque effectuée, les chiffres d'IDC permettent tout de même d'établir quelques constatations importantes. La première est la déconfiture subie par IBM sur le marché des serveurs au dernier trimestre (-15% en valeur) et tout particulièrement sur le marché x86, un recul que nous avions déjà souligné pour la France et l'Europe au 3e trimestre. Par exemple, sur le segment pourtant officiellement stratégique pour Big Blue des serveurs lames, le BladeCenter ne représente plus que 21,7% des ventes contre 54,8% pour le BladeSystem d'HP. IDC note que les livraisons de serveurs Unix Power se sont améliorées au dernier trimestre, mais ne fournit aucune information quant aux ventes de mainframes. L'analyste est pudique, mais ces données sont fournies par la lecture des résultats d'IBM, qui montrent que les ventes de serveurs x86 du constructeur ont reculé de 32% en valeur, tandis que ses ventes de serveurs p (AI/X et i/OS) progressaient de 8% et que ses ventes de grands systèmes reculaient de 6%. Malgré sa contreperformance, Big Blue conserve toutefois son premier rang mondial. Mais l'écart qui le sépare d'HP, numéro deux, n'est plus que de 971 M$ contre 1,4 Md$ au dernier trimestre 2007.
Sun poursuit sa croissance sur le marché x86
IDC souligne que, malgré un bon mois d'octobre (la façon positive pour un analyste de dire que les choses se sont sans doute moins bien passées ensuite), HP a vu ses ventes reculer de 10,1% au dernier trimestre. Dell, de son côté, a vu ses ventes reculer de 10,6%, tandis que Sun voyait ses revenus fondre de 14,1% et que les ventes de Fujitsu plongeaient de 14,9%. Ces trois constructeurs peuvent toutefois trouver matière à se consoler dans les chiffres des ventes de serveurs lames où tous ont vu leur chiffre d'affaires bondir de plus de 60%. Et Sun peut tout particulièrement se féliciter de la bonne santé de son activité serveurs x86. De tous les constructeurs, il est en effet le seul à avoir enregistré une croissance positive de son chiffre d'affaires x86 avec un bond de 21,3%, preuve que la qualité de ses serveurs continue d'attirer de nouveaux clients. Reste que ce succès ne suffit pas à compenser la chute des ventes de serveurs Sparc, notamment aux Etats-Unis.
Unix pour la première fois depuis longtemps devant Windows
Une autre conclusion marquante de l'étude d'IDC est la baffe subie par Microsoft sur le marché des serveurs. Les livraisons de serveurs sous Windows ont ainsi reculé de 10% en volume et de 17,8% en valeur. Résultat, pour la première fois depuis 2002, les ventes de serveurs Unix (en recul de seulement 6,2%) repassent devant celles des serveurs Windows, à 4,9 Md$ contre 4,8 Md$. Déjà lors de trimestres précédents, nous avions noté l'atonie du marché Windows face à la relative bonne santé d'Unix et des grands systèmes. Cette fois c'est confirmé : les investissements consentis par les entreprises dans leurs serveurs critiques restent une priorité, ce qui semble-t-il n'est pas forcément le cas pour les serveurs x86. Pour ajouter à l'affront, les ventes de serveurs Linux n'ont reculé que de 7% par rapport au dernier trimestre 2007, à 1,8 Md$, ce qui permet à l'OS au pingouin de gagner un point de part de marché.
2009 : un cauchemar pour les fabricants de serveurs x86 ?
En toute logique, le pire reste à venir pour les vendeurs de serveurs x86. Si l'année 2009 devait effectivement être celle de l'adoption en masse de la virtualisation, y compris dans les PME, les ventes de serveurs x86 pourraient être victimes d'une tenaille infernale : avec d'un côté, le ralentissement des achats des entreprises dû à la crise et, de l'autre, l'effondrement des achats en volume du fait de la virtualisation.
IDC note qu'en 2008, les ventes de serveurs x86 ont pour la première fois dépassé la barre des 8 millions d'unités, malgré l'adoption croissante de la virtualisation. Cela ne saurait durer : avec l'adoption croissante des technologies de virtualisation (voir à ce propos les récents chiffres de Gartner) et des ratios de consolidation de l'ordre de 12 serveurs virtuels par serveur physique, voire parfois de 20 pour 1, il paraît invraisemblable que les livraisons de serveurs se maintiennent à leur niveau actuel durablement. Un casse-tête de plus pour les grands des serveurs et, notamment, pour les deux champions du x86, HP et Dell.