Crise : l’optimisme perd du terrain dans les SSII indiennes
Le temps où les patrons de l’industrie IT indienne affirmaient, sereins, l’immunité de leurs entreprises à la crise économique mondial, semble bien loin. Désormais, la chasse aux coûts est résolument ouverte, avec des clients de plus en plus exigeants sur les tarifs. Quitte, peut-être à sacrifier la qualité des prestations. A ce jeu, les SSII occidentales pourraient tirer leur épingle du jeu.
Dans un entretien accordé à nos confrères de The Economic Times of India, Suresh Vaswani, co-PDG de Wipro, fait état de clients « demandant des remises jusqu’à 30 %. » Une situation à laquelle la SSII propose une réponse qui pourrait inquiéter, sur un plan qualitatif : « nous leur répondons que nous allons changer l’architecture de la prestation et qu’ils ne pourront pas demander des profils professionnels particuliers ni exiger une certaine part de travail sur site. Ils devront se concentrer sur les résultats. » Le la semble ainsi donné : il s’agit de réduire les coûts, à tout prix. Certaines entreprises chercheraient aussi à obtenir des contrats basés sur un principe de partage de risque, avec une part de rétribution variable, ajustée sur les bénéfices opérationnels pour le client.
Des prestations moins chères ?
A chercher, d’un côté, à satisfaire leurs clients et, de l’autres, leurs actionnaires, les SSII indiennes semblent avoir la saison de la chasse aux (sur)coûts. TCS a ainsi prévu d’augmenter le temps de travail de ses collaborateurs – de 10 à 15 %, sur la base de 40h par semaine actuellement – à compter du 1er avril. La SSII a par ailleurs annoncé ne pas prévoir d’augmentation de salaire pour les 12 mois à venir ; la part variable des salaires – 20 à 35 % de la rémunération – serait en cours de révision. Des licenciements ne seraient plus exclus.
Déjà, 1 000 salariés ont été mis sous surveillance en raison de performances insuffisantes. 2 200 seraient depuis peu dans la même situation chez Infosys. En septembre dernier, Satyam avait adopté la même méthode ; toujours dans la tourmente, la SSII aurait en outre supprimé la part variable des salaires de ses collaborateurs.
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De son côté, HCL Technologies a remercié 450 de ses salariés dits « on the bench », ces collaborateurs sur lesquels, traditionnellement, les SSII indiennes s’appuient pour palier l’éventuelle défaillance d’autres employés.
Plus globalement et en moyenne, les salaires indiens ne devraient progresser que de 8 à 9 % dans l’année qui vient, contre 13,3 % l’an passé, selon une étude du cabinet de conseil en ressources humaines Hewitt Associates. Selon la chambre syndicale du patronat des SSII indiennes, le Nasscom, l’industrie IT indienne ne devrait créer que 100 000 nouveaux emplois entre avril 2009 et mars 2010, contre plus du double au cours de l’exercice fiscal précédent.
Recentrer les effectifs sur l’Inde
Parallèlement, et toujours dans le même effort de réduction des coûts, les SSII indiennes semblent s’être engagées dans une logique de rapatriement d’effectifs dans le sous-continent, là où les ressources humaines leur coûtent le moins cher. Quelques dizaines de commerciaux d’Infosys, principalement installés aux Etats-Unis, auraient été remerciés. En Australie, 5 % des effectifs auraient également pris la porte.
TCS aurait fait de même avec une large part de ses effectifs marketing londoniens, ainsi que des consultants, pour un total de licenciement s’élevant à 1 % de ses employés du Royaume-Uni, soit environ 50 personnes. A cela pourraient s’ajouter 130 personnes dédiées à l’entreprise de services financiers Legal & General.
Plus globalement, un récente étude menée par les universités de Duke, Harvard et Berkeley concluait que 100 000 indiens installés aux Etats-Unis devraient retourner en Inde d’ici 3 à 5 ans, sous l’effet du ralentissement économique mondial. D'autant plus que tous les secteurs aidés par l'Etat sont désormais dans l'obligation de prvilégié les effectifs nationaux par rapport au visa de travail H-1B.
Préserver la croissance
Mais les SSII indiennes ne se contentent pas d’une posture défensive, face à la crise économique. Econduit par Axion à l’automne dernier, Infosys se chercherait toujours un spécialiste européen de SAP. La branche BPO de HCL chercherait quant à elle des acquisitions aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Australie.
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Dans ce contexte, les SSII occidentales semblent finalement en meilleure posture que leurs homologues indiennes. Cognizant mise sereinement sur le développement de ses activités d’administration d’infrastructures à distance et de BPO, n’attendant, pour l’heure, qu’un faible impact de la crise sur son activité. IBM s’impose comme le leader du marché IT indien, avec 10,8 % de parts du marché local en 2008. Mphasis, le bras indien d’EDS, désormais filiale de HP, revendique 50 M$ de nouveaux contrats obtenus aux Etats-Unis… ainsi qu’un bénéfice net en progression de 270 % au cours du trimestre clos le 31 janvier dernier, à 32 M€ environ. Pour accélérer le développement de sa présence indienne, IBM aurait d’ailleurs approché la direction de Satyam. De même qu’Oracle.