HP France propose une baisse illimitée des salaires sans garantie sur l’emploi
Alors que la baisse des salaires annoncée mi-février au niveau mondial est déjà à l’œuvre aux Etats-Unis, le projet français vient d’être soumis aux salariés. Des baisses de 5 à 10 % pour les principaux cadres et de 2,5 à 5 % pour les autres employés seront proposés individuellement. Mais aucune limitation dans le temps n’est prévue et, surtout, aucune garantie n’est apportée pour l’emploi. Les syndicats rejettent d’ores et déjà le projet et craignent pour l’avenir.
La direction de HP France a dévoilé à ses salariés ainsi qu’à ceux de sa filiale EDS les modalités de la baisse de salaires imposée mi-février par Mark Hurd – le patron du groupe – à l’ensemble des effectifs dans le monde. Sans surprise, selon le compte rendu qu’en a fait la CFTC, la direction estime que « en raison de la crise économique mondiale actuelle, le groupe HP est amené à envisager de prendre des mesures visant à sauvegarder sa compétitivité ».
Au programme pour les salariés de l’Hexagone, une baisse de la rémunération de base de 5 à 10 % pour les principaux managers, applicable à compter du 1er mai. Les autres connaîtraient un petit répit puisque « à compter du 1er octobre 2009, la société proposerait dans une deuxième étape à tous les autres salariés une baisse de 2,5 % pour les non cadres et 5 % pour les cadres ». Un projet en ligne avec ceux déjà à l’œuvre en Belgique par exemple, mais plutôt plus favorable que ce qui est imposé aux salariés américains, et notamment à ceux d’EDS, qui viennent de se voir annoncer une amputation supplémentaire de leur rémunération pour le mois d’avril.
Les syndicats vent debout
Des niveaux de baisse que dénonce la CFTC pour qui « le côté définitif et disproportionné de ces propositions par rapport aux rémunérations des dirigeants est inacceptable et immoral. Alors qu’on va demander aux non cadres 2,5 % et aux cadres 5 % de réduction de salaire, les 20 % de réduction « apparente » du salaire de Mark Hurd ne représentent en fait que 0,7 % de réduction de ses revenus 2008. (…) Même en France, dans le bilan social 2008 d'HP France, nous constatons que si les dix salaires les plus bas ont augmenté de 2,6 %, ceux des dix managers les plus hauts ont augmenté de 27 %, soit dix fois plus relativement ! » Du coup, le syndicat rejette le projet de baisse de salaire présenté au CE et se déclare « totalement solidaire des salariés qui exprimeront leur refus ».
Car c’est le grand hic pour la direction française par rapport à ses homologues dans le groupe : la baisse des salaires n’est absolument pas prévue par la loi. Il faut donc obtenir l’accord individuel des salariés. Il semble que la voie de la négociation de gré à gré ait été privilégiée, plutôt que celle de l’accord d’entreprise qui implique une négociation avec les syndicats. Consciente du problème, la direction explique que « même si la société espère convaincre l’ensemble de ses salariés de la pertinence du projet en question et de la nécessité pour chacun d’y adhérer, chaque salarié resterait libre d’accepter ou non la proposition de modification de son contrat de travail. Aucun licenciement pour motif économique consécutif à ce refus n’est donc envisagé ». Reste qu’une résistance trop forte en France pourrait bien valoir le courroux de la direction américaine qui goûterait sans doute peu de devoir imposer partout un effort dont seul la France serait, de fait, exempt.
Aucune contrepartie sur l’emploi dans l’avenir
D’un côté donc, les salariés sont incités à participer. Mais, de l’autre, la direction envoie un signe particulièrement inquiétant. Car si le plan de restructuration qui est prévu pour toucher plus de 24 000 salariés dans le monde - et 680 en France - est lié à la fusion entre HP et EDS, aucun licenciement relatif à la crise économique n’est pour l’heure annoncé là où les principaux concurrents de HP (notamment IBM ou encore Sun) y sont allés de leurs charrettes de suppressions de postes. La direction prend donc bien garde d’expliquer, selon le document publié par la CFTC, que « ce projet est indépendant de toutes autres mesures ou projets qui pourraient être pris, à l’avenir, afin de faire face à la crise économique mondiale. En conséquence, même si tous les salariés de la société acceptaient la proposition de modification du contrat de travail proposée, la société n’est actuellement pas en mesure de garantir que ce projet soit à court, moyen ou long terme suffisant pour sauvegarder la compétitivité du groupe ».
En clair, l’effort demandé et qui, à l’origine, - de l’aveu même de Mark Hurd - visait à éviter les licenciements ne se traduit désormais plus par aucune garantie. Une déclaration qui risque de mettre le doute dans la tête de salariés qui ont pu suivre ces derniers jours les mouvements sociaux chez le fabricant de pneumatique Continental, où après avoir consenti des efforts d’organisation et de réduction du temps de travail – donc de rémunération –, les salariés vivent la fermeture de leur usine de Claroix, dans l’Oise.
Un calendrier social particulièrement chargé
Dans les commentaires publiés sur le blog de la CFTC suite à l’annonce, des anonymes font état de discussions avancées autour d’une prochaine vague de licenciements aux Etats-Unis mais aussi de sites de production arrêtés depuis plusieurs mois. Si aucune de ces rumeurs n’est pour l’heure avérée, il n’en reste pas moins que le doute s'est immiscé dans les esprits et que le travail de persuasion de la direction de HP dans les mois à venir risque d’être difficile.
D’autant que son calendrier est particulièrement chargé avec la vente programmée du gros de l’activité TMA d’EDS France (un CE est convoqué à ce sujet le 24 mars durant lequel le nom de l’éventuel repreneur pourrait être dévoilé), puis la mise en place du plan de réduction des effectifs – 580 postes donc – lié à la fusion avec EDS... Une fusion qui n'est pas encore effective puisque les effectifs de HP services ne devraient intégrer EDS France que le 15 mai. Une importante réunion du CE est convoquée le 26 mars sur ce sujet et rien ne dit que les délais pourront être tenus alors que la date a déjà été reportée par deux fois.