Fabio Gallo, Bull : « pour nous, le marché du HPC est stratégique »
A peine un an après son arrivée à la tête des activités HPC de Bull, Fabio Gallo, le vice-président et directeur des solutions de calcul haute performance du constructeur, a accepté de répondre aux questions du MagIT. Fabio Gallo s'exprime sur l'importance du HPC pour Bull mais aussi sur les enjeux de ce marché traditionnellement dominé par des acteurs américains.
Alors que la crise semble avoir des effets détestables sur le marché des serveurs d'entreprise, le marché du calcul et de la simulation numérique continue sa croissance. Selon des chiffres IDC, il représenterait près du tiers des ventes de serveurs dans le monde. Ce détail n'a pas échappé à Bull qui a développé une vraie compétence sur ce marché et qui, à force de développements internes et d'acquisitions, est devenu l'un des acteurs de poids du secteur. Le constructeur français compte ainsi plrès de 120 clients HPC répartis dans près de 15 pays; les revenus dérivés du HPC pourraient représenter près de 10% de son chiffre d'affaires en 2009.
Alors que l'investissement public dans le HPC est en forte hausse en Europe, et que la simulation et le calcul deviennent des enjeux stratégiques pour les industriels, les géants de l'énergie et les spécialistes de la chimie et de la pharmacie, LeMagIT a voulu en savoir plus sur les ambitions de Bull sur ce secteur. Un an après son arrivée au poste de vice-président et directeur des solutions de calcul haute performance de Bull, Fabio Gallo a accepté de répondre à nos questions.
LeMagIT : Au cours des deux dernières années, Bull a considérablement renforcé sa présence sur le marché du calcul et de la simulation. Pourquoi un tel intérêt pour ce secteur ?
Fabio Gallo : La première raison est liée à la taille et à la croissance du marché HPC. C'est aujourd'hui celui qui a la croissance la plus rapide. Le constat est simple. Les besoins en puissance des applications d'entreprises ne parviennent plus à suivre la montée en puissance des architectures x86. D'où l'appétit des entreprises pour la virtualisation afin de mieux optimiser l'usage de leurs ressources.
Dans le monde HPC, la situation est opposée et l'appétit en puissance n'est pas satisfait par la progression des architectures. Dans le monde de la simulation par exemple, les approximations que l'on faisait il y a cinq ans ne sont plus tolérables. Les exigences des industriels évoluent et les fournisseurs de technologies sont en permanence en mode rattrapage. En fait, il n'y a pas aujourd'hui de système HPC suffisant. Le besoin de performances est en croissance constante et le marché avec lui.
Il se trouve aussi que Bull avait un savoir-faire et une histoire qui lui permettait de bien se positionner et nous en avons tiré profit. Pour nous, c'est une activité en progression rapide. En 2009, nous visons ainsi 100 M€ de CA dans le monde du HPC (en 2008, Bull a réalisé un CA total de 1132 M€, NDLR)
LeMagIT : Lorsque l'on regarde le secteur du HPC, force est de constater que l'investissement public réalisé aux Etats-Unis est sans commune mesure avec l'effort de recherche européen. Le Vieux Continent aurait-il du mal à intégrer l'importance de ce secteur pour la compétitivé des entreprises et de la recherche européennes ?
Fabio Gallo : Je suis d'accord sur le fait qu'au niveau européen, il n'y a pas la même conscience de l'impératif stratégique de ces technologies pour la compétitivité. En France, Tera 100 est une exception et fait l'objet d'un accord très particulier en matière de développement et de partage de la propriété intellectuelle entre le CEA et Bull. (…) En fait, s'il fallait résumer la situation, la prise de conscience de l'importance du HPC a eu lieu au niveau du monde de la recherche, mais elle tarde à faire son chemin au niveau politique.
LeMagIT : Aux Etats-Unis, la recherche HPC fait l'objet de financements massifs de la DARPA et de la NSF et les dotations de ces organismes vont en priorité au financement des travaux R&D des grands constructeurs locaux. La situation semble très différente de ce côté-ci de l'Atlantique.
Fabio Gallo : L'une des grandes différences entre les Etats-Unis et l'Europe est que les financements européens sont suffisants pour équiper des centres de calcul mais qu'ils ne sont pas satisfaisants pour financer le développement de technologies. L'approche européenne est en cela très différente de l'approche américaine dans la mesure où les programmes de l'Union ne visent pas à financer la recherche et développement des industriels au niveau européen, juste à doter les chercheurs de la capacité de calcul dont ils ont besoin. C'est un état de fait grave car il pourrait déséquilibrer à terme l'équilibre concurrentiel.
LeMagIT : Bull est le dernier grand constructeur informatique européen depuis l'absorption de Fujitsu-Siemens par Fujitsu. Votre activité HPC profite-t-elle du renouveau des financements publics ?
Fabio Gallo : Bull a effectivement développé son activité HPC avec des projets gouvernementaux comme Tera 10, puis le CCRT. Mais contrairement à ce que l'on peut croire, les très grands systèmes pour la recherche publique ne représentent que 10% du marché du HPC, même s'ils sont très visibles. Le marché industriel est bien plus vaste et il est un axe de développement très important pour nous.
LeMagIT : Est-ce pour accélérer votre croissance sur ce marché que vous avez procédé à plusieurs acquisitions d'intégrateurs spécialisés ?
Fabio Gallo : En 2007, l'acquisition de Serviware nous a effectivement donné les clés de la simulation numérique sur le marché industriel. La croissance organique ne suffisait pas, il nous fallait procéder par acquisition pour atteindre une taille critique. Le rachat de Serviware nous a aussi permis de renforcer nos compétences d'intégration et il nous a apporté des savoir-faire très complémentaires aux nôtres.(...)
En 2008, notre seconde acquisition, celle de la société allemande Science + computing AG nous a donné une empreinte internationale. Spécialisé dans les services HPC et la simulation numérique, Science und Computing nous a permis de nous renforcer sur un marché très important, l'Allemagne, avec des clients clés comme BMW, Audi, Mercedes, Infineon, Thyssen Krupp, et de nous doter de compétences précieuses (Science + Computing emploie près de 270 personnes, NDLR). Le résultat est qu'aujourd'hui, nous sommes le seul acteur européen à disposer d'un éventail d'offres et de systèmes aussi complet
LeMagIT : Cet ancrage dans le monde du HPC influence-t-il certains de vos designs dans le monde des serveurs ?
Fabio Gallo : A la base, les technologies que nous mettons en oeuvre s'appuient sur des composants standards. Mais, pour obtenir des solutions efficaces dans le monde du calcul et de la simulation, le fait que nous étudions et concevions nous-mêmes nos serveurs est très important. Certains de nos systèmes sont ainsi conçus sans compromis pour le marché du HPC avec un oeil tant sur les performances que sur la consommation énergétique, deux critères clés pour ce secteur. Cette année nous devrions d'ailleurs dévoiler un certain nombre de technologies intéressantes pour le HPC. (...)
Nos innovations sur ce marché ne sont toutefois pas que technologiques. Nous avons ainsi récemment signé avec trois grands clients dans le domaine du bancaire, de l'automobile et de l'énergie pour héberger leurs clusters de calculs dans nos datacenters. C'est aussi un axe de développement pour nous, vu les difficultés que rencontrent les entreprises pour héberger ce type de systèmes très exigeants dans leurs propres centres informatiques.