Le logiciel français se marginalise, mais n'a jamais été aussi bien représenté
Le jour où sortait le classement des 100 premiers éditeurs français, tant le Syntec Informatique - avec un plan de développement à horizon 2012 - que l'Association française des éditeurs - avec une étude sur l'accès aux aides de l'Etat - faisaient étalage de leur volontarisme vis-à-vis de la profession. Un lobbying croisé qui ne se traduit pourtant toujours pas dans les plans du gouvernement.
C'est une coïncidence qui ne peut pas en être toute à fait une. Le jour où Truffle Capital publiait sa cinquième édition des 100 premiers éditeurs de logiciels français - classement qui laisse apparaître une fois de plus la disparition d'un certain nombre de champions hexagonaux -, les deux organisations représentant la profession dans l'Hexagone se lancent dans une opération de communication. Presque la routine : depuis sa naissance en 2005, l'Association française des éditeurs de logiciels (Afdel) sert d'aiguillon pour le Syntec Informatique, la chambre patronale des éditeurs et SSII.
Après avoir organisé les assises du logiciel en 2006 et 2008, et mis sur pied un plan Syntec Logiciel 2008, la chambre patronale dévoilait hier la poursuite de ses actions, avec un second plan courant jusqu'en 2012 et baptisé I4C. Plusieurs axes de travail sont évoqués par l'organisation patronale. La volonté de faire évoluer l'assiette du Crédit Impôt Recherche (CIR) pour le transformer en Crédit Impôt Innovation (CII). La création de Soficiel (sociétés pour le financement de l'industrie logicielle) qui, sur le modèle des Sofica (sociétés pour le financement de l'industrie cinématographique et audiovisuelle), ouvrirait droit pour les souscripteurs à des réductions d'impôt. Syntec Informatique s'engage également à poursuivre ses actions à l'échelon européen, afin de déboucher sur une véritable politique commune au sein de l'UE.
Syntec : recouvrement de factures et solutions de financement
Enfin, en sus de son travail de coordination notamment avec les pôles de compétitivité comme System@tic et de la commande d'enquêtes (sur les modèles économiques ou sur la valorisation du système d'information dans les entreprises utilisatrices), la chambre patronale envisage de "sélectionner des sociétés de factoring et de leasing pour mettre en place des contrats cadres réservés aux adhérents". Ceci afin de faciliter le recouvrement des factures clients et de mettre en place des solutions de financement pour la vente du logiciel ; deux points qui ont pris une importance cruciale depuis le déclenchement de la crise. Syntec Informatique compte aujourd'hui en son sein 500 éditeurs, "soit 50 % de ses adhérents", selon le communiqué de l'organisation.
Le jour de cette annonce, l'Afdel lançait un contre-feu en publiant les résultats d'une enquête menée auprès de ses adhérents sur leur perception du dispositif français d'aide à l'innovation. Un sondage, réalisé par le cabinet PNO, qui montre l'incompréhension des éditeurs vis-à-vis de ces aides : 66 % des adhérents de l'Afdel estiment que les aides publiques à l’innovation sont inadaptées au logiciel "alors même que celles-ci sont censées les concerner au premier chef", note l'association. "La définition restrictive que l’administration française a retenue de la R&D dans notre activité nous laisse peu d’opportunités de profiter de ces aides pourtant indispensables", remarque Patrick Bertrand, président de l’Afdel.
Accès aux aides : manque d'informations et complexité du dispositif
Les jeunes sociétés interrogées par l'Afdel (74 % d'entre elles ont moins de dix ans d'existence) ont certes majoritairement bénéficié d'aides Oséo (à 62 %) et du Crédit Impôt Recherche (à 54 %, voir graphique ci-dessous). Mais elles ne sont que 17 % à avoir eu accès aux aides pour la R&D collaborative (notamment via l'Agence Nationale de la Recherche) et que 43 % à bénéficier du statut de Jeune Entreprise Innovante (JEI).
L'échelon européen - notamment l'enveloppe de 400 millions d'euros du Programme cadre et de recherche de l’Union européenne - est lui ignoré d'une très large majorité des éditeurs. In fine, les adhérents de l'Afdel se plaignent d'un manque d'information et de la complexité des dispositifs en place, notamment du Crédit Impôt Recherche. Pour aider les éditeurs à se repérer dans le millefeuille des aides à l'innovation, l'Afdel publie un livre blanc censé baliser le domaine.
Un activisme qui reste - pour l'instant - lettre morte
Si les éditeurs de logiciels sont ardemment défendus tant par la chambre syndicale que par l'association professionnelle, rappelons que le secteur reste curieusement absent du Plan numérique 2012, présenté par Eric Besson et depuis repris par Nathalie Kosciusko-Morizet (NKM), qui a hérité du maroquin de l'Economie numérique. Le logiciel est également absent du plan de relance de l'économie. Au grand dépit tant de Syntec que de l'Afdel.