Restructuration de Viveo : la direction de Temenos contrainte de sortir du bois
C'est par un communiqué un brin timide que le spécialiste des logiciels bancaires Temenos tente de justifier la restructuration brutale de Viveo, son concurrent français racheté début 2010. Et l'acquéreur suisse d'évoquer des difficultés économiques qui auraient été cachées aux salariés de Viveo. Tellement cachées que l'expert comptable mandaté par le CE de l'éditeur français n'en a pas vu traces...
Face au tir de barrages des organisations syndicales, qui contestent la validité du plan social frappant les effectifs de Viveo, l'éditeur suisse Temenos, qui s'est porté acquéreur du Français en janvier dernier, sort du bois. Dans un communiqué, le Suisse, qui opère sur le même marché que sa cible et a prévu de fusionner les deux familles de logiciels (ce qui se solde par le départ de plus d'un tiers des 180 salariés français, le groupe enregistrant déjà 57 volontariats), tente de balayer les arguments du comité d'entreprise de Viveo. "Il est rapidement apparu après le rachat de l’éditeur français que la viabilité de l’entreprise était conditionnée par une réorganisation de ses activités, par une intensification du développement offshore, déjà initiée en mars 2009 en Roumanie par l’équipe dirigeante précédente, et par une réduction des effectifs de 63 postes au sein de Viveo France", écrit le Suisse dans un communiqué. Bref, comme l'explique Alexa Guenoun, directrice générale de Viveo Group & Viveo France et représentant le nouvel actionnaire : "l’annonce de la suppression de 63 postes au sein de Viveo France a pu surprendre les collaborateurs qui n’étaient pas assez informés de la situation économique difficile de leur société".
Temenos joue-t-il au pompier pyromane ?
Cette affirmation vient contredire le rapport commandé par le comité d'entreprise de Viveo à un expert comptable : s'il reconnaît que le Français est moins profitable que son acheteur suisse, ce dernier écrit dans ses conclusions que les activités de Viveo Group et Viveo France demeurent "bénéficiaires" et que "la trésorerie générée par l'activité reste très importante". Pour l'expert mandaté par le CE, le rachat de Viveo "n'avait probablement pour objectif que de détruire un concurrent", ce qui expliquerait l'arrêt des développements de la gamme Vbank du Français appelée à être remplacée par les logiciels T24 de Temenos. Contactée par mail, la CGT de Viveo réagit au communiqué diffusé par l'éditeur suisse : "Ce texte tardif de Temenos (...) traduit bien le malaise provoqué chez la direction suisse à Genève par la résistance des salariés et ses échos dans les médias. Si des difficultés économiques sont susceptibles d'apparaître en 2010, elles seraient certainement dues à la décision arbitraire de la direction d'arrêter immédiatement la commercialisation des produits Vbank de Viveo et d'avoir annoncé aux clients existants l'écourtement de la maintenance qui devrait s'arrêter d'ici 3 à 5 ans". Bref, pour la CGT, la direction de Temenos parle non pas d'une situation cachée mais d'un état de fait que son plan de restructuration est en passe de créer.
Cette situation économique difficile de Viveo que décrit Temenos cadre d'ailleurs assez mal avec le rachat lui-même : pourquoi en effet débourser 81 M€ pour une société qui va si mal et dont le chiffre d'affaires s'établissait à 46 M€ en 2008 ? Dans son communiqué, Temenos croit bon de préciser que le Tribunal de Grande Instance de Paris, qui statuera le 16 septembre sur la validité du plan social, ne se prononcera pas sur la réalité du motif économique invoqué par le Suisse. On ne sait jamais ce que les juges auraient pu en penser...
Santé des salariés : "un état des lieux alarmant"
Si Temenos campe donc sur ses positions côté PSE, il se montre plus souple concernant un second rapport d'expert, mandaté par le CHSCT (comité d'hygiène et de sécurité) de Viveo au cabinet Aptéis et dressant "un état des lieux alarmant" de l'état de santé des salariés, suite à l'annonce du plan social en janvier dernier. Ce rapport, que nous avons pu consulter, parle sans détour du "désarroi" des salariés, et de nombreux cas de "dégradation de leur santé physique et psychique". Après avoir un temps fait la sourde oreille sur cette question, Temenos explique aujourd'hui que ce rapport est "un révélateur des nombreuses questions que se posent les collaborateurs sur le changement de culture de leur entreprise", tout en affirmant qu'il "ne reflète heureusement pas la réalité de notre entreprise". Pour la CGT de Viveo, "s'il était vrai que ce rapport ne reflète pas la réalité de l'entreprise tel que le prétend la direction, comment expliquer les nombreux cas d'hospitalisation et dépressions avérées, apparues au mois de mai et certifiées par sept médecins différents, que la direction a accueillis dans l'indifférence totale avant qu'une mise en demeure de l'inspection du travail ne la contraigne à lancer cette enquête ?". Le fossé qui s'est creusé entre les nouveaux dirigeants de l'éditeur français et les représentants du personnel n'est pas prêt de se refermer.