Stephen Elop quitte Microsoft pour diriger et relancer Nokia
Stephen Elop a officiellement été nommé aujourd'hui à la tête de Nokia. Premier non-Finlandais à diriger l'entreprise d'Helsinki, Elop aura pour principale mission de redonner à Nokia ses lettres de noblesses sur le marché des smartphones et des terminaux communicants haut de gamme. Un vrai défi pour celui qui jusqu'alors présidait aux destinées d'Office et des progiciels Dynamics à la tête de Microsoft...
Nokia a annoncé aujourd'hui le débarquement en douceur de son CEO, Olii Pekka Kallasvuo (qui part avec près de 4,6 M€ et conserve la présidence du conseil de Nokia Siemens Networks), et son remplacement par Stephen Elop, l'actuel patron de la division Business de Microsoft en charge d'Office, des progiciels Dynamics et d'Azure. Stephen Elop aura passé environ 2 ans et demi chez Microsoft (il était précédemment COO de Juniper et CEO de Macromedia) avant de rejoindre Nokia.
Lors d'une conférence de presse, Jorma Ollila, le président du conseil d'administration, a expliqué qu'au cours des 10 à 11 derniers mois, le conseil d'administration de Nokia a mis l'accent sur la transformation de Nokia. En mai, cette année, la firme a commencé un processus de recrutement d'un nouveau CEO, sans s'interdire de choisir un dirigeant externe à la société. L'objectif, explique Ollila, était d'accélérer la renaissance de Nokia. C'est finalement sur Stephen Elop que le conseil d'administration a porté son choix.
Elop : un profil inattendu à la tête de Nokia
A y regarder de près, Elop est un bien curieux choix pour diriger Nokia. Certes, l'ex patron de division chez Microsoft peut s'enorgueillir de son succès à la tête de la division business de Redmond. Mais il faut aussi constater qu'Office est un pilier inébranlable de l'activité de Microsoft et que la division d'Elop a directement bénéficié du succès du lancement de Windows 7. Quant à son passage chez Macromedia, Elop n'a, en fait, eu le rôle de CEO que pendant 6 mois, c'est-à-dire pendant la période d'acquisition par Adobe. Elop n'a en outre aucune vraie expérience dans le monde du hardware et celui des opérateurs télécoms mobiles, deux points faibles qui reviennent régulièrement dans les réactions des analystes du secteur. De plus, Elop sera le premier dirigeant non finlandais de Nokia, un point qui, malgré son intention de s'implanter à Helsinki, pourrait ne pas faciliter son rôle au sein de la firme.
Un défi : reconstruire l'offre de Nokia sur le haut de gamme
Au delà de ces considérations, Elop aura aussi le défi de relancer Nokia sur le segment qui faisait autrefois la force du constructeur, celui des smartphones. Un marché que Nokia a inventé et qu'il a cultivé avec son OS Symbian, avant qu'Apple et RIM ne viennent lui tailler des croupières et que Google, avec Android, ne vienne lui aussi perturber ses plans.
Lors de la conférence de presse officialisant sa nomination, Elop a multiplié les déclarations fumeuse. "Il y a des moments critiques où des changement fondamentaux affectent un marché. Ce fut le cas de l'invention de l'interface graphique, des téléphones mobiles.(..). Ce sont des changements fondamentaux. C'est le cas aujourd'hui avec l'explosion des formats mobiles (tablettes, smartphones...), des médias sociaux. C'est un moment de rupture pour l'industrie. Dans de tels moments, des opportunités sont créées de même que des challenges". Et Elop de vanter la qualité des actifs de Nokia, la qualité de ses produits et de son ingénierie, de sa logistique mais aussi sa force en matière de développement logiciels et de services. Le nouveau CEO a également expliqué que l'important n'était pas le terminal, mais l'expérience utilisateur global incluant le terminal, les applications, les services...
Le problème est que malgré les points forts de Nokia évoqués par Elop, les efforts du Finlandais dans le segment haut de gamme depuis trois ans n'ont guère marqué les esprits. Côté OS, Symbian n'est plus, comme il y a cinq ans, l'incontestable vedette du marché des mobiles. iOS et Android l'ont supplanté, de même qu'ils ont relégué au second plan les efforts de Nokia autour de Linux - des efforts démarrés avec Maemo et poursuivis aujourd'hui, en partenariat avec Intel, sur Meego (fusion de Maemo et du MobLin d'Intel).
Côté services, les efforts de Nokia dans la musique ont été largement réduits en bouillie. Quand à Ovi, le portail de services et d'application de Nokia, il fait pâle figure face à l'App Store d'Apple et à celui de Google. Enfin, l'acquisition du spécialiste de la navigation Navteq pour 8,1 Md$ en 2007, n'a pas permis à Nokia de prendre un avantage décisif sur ses concurrents sur une fonction comme la navigation GPS.
Au delà des grandes phrases et des platitudes de rigueur, l'un des grands challenges d'Elop sera donc de reconstruire l'offre haut de gamme de Nokia pour endiguer, puis éventuellement repousser, l'assaut combiné de RIM, Apple et Google sur son pré-carré historique. Celui des smartphones à forte marge et des terminaux intelligents pour les entreprises. Et il lui faudra aussi faire preuve d'innovation pour que Nokia ne rate pas le coche sur de nouveaux marchés comme celui des tablettes, de la TV interactive... Nokia a officiellement fait le choix de la plate-forme Linux Meego pour ses futurs haut de gamme, mais continue à miser sur Symbian pour le milieu de gamme et sur des plates-formes propriétaires pour l'entrée de gamme. Il sera intéressant de voir si cette stratégie multi-OS survit au passage d'Elop.
Nokia : une entreprise qui reste rentable, malgré ses difficultés
Pour le reste, le nouveau CEO hérite d'une activité terminaux efficace et largement en ordre de marche. Car, si Nokia souffre sur le haut de gamme, il reste le leader mondial incontesté sur l'entrée et le milieu de gamme, deux segments qui lui permettent aujourd'hui de continuer à être rentable et à dominer le marché en volume. Et en la matière, les qualités opérationnelles de son prédecesseur, Olli-Pekka Kallasvuo ont fait merveille.La division terminaux et services affichait un résultat opérationnel de 295 M€ au second trimestre pour un CA de 6,8 Md€. La division réseeau, Nokia Siemens Networks, affiche en revanche toujours des pertes opérationnelles (-179 M€ au second trimestre pour 3 Md€) et devra gérer l'intégration des activités de Motorola dans les mois à venir - ce qui pourrait plomber un peu plus les résultats. Navteq enfin reste un foyer de pertes avec 89 M€ de pertes opérationnelles au second trimestre pour un CA de 252 M€.
Stephen Elop devrait prendre officiellement ses fonctions le 21 septembre prochain.
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