Sparc T3 : les premiers serveurs Sparc de l'ère Oracle
Lancés à l'occasion d'OpenWorld, la conférence utilisateurs d'Oracle qui se tient cette semaine à San Francisco, les serveurs Oracle Sparc T3 embarquent la dernière incarnation des puces multithreadés imaginées par Sun. Si leurs caractéristiques sont séduisantes et leurs performances en nette amélioration par rapport aux UltraSparc T2+, les informations soumises par Oracle rendent leur comparaison difficile avec la concurrence, qu'il s'agisse des serveurs Power 7 d'IBM ou des serveurs x86.
Sans réelle surprise, Oracle a profité de sa conférence OpenWorld qui se tient actuellement à San Francisco pour dévoiler une nouvelle ligne de serveurs basés sur la puce Sparc T3 (nom de code "Rainbow Falls"). L'arrivée de cette nouvelle famille de serveurs avait été éventée par Larry Ellison lors de son discours d'ouverture d'Openworld, mais les détails sur ses différents composants ont été dévoilés hier sur scène par Mark Hurd et John Fowler. Fowler, même s'il est peu connu du grand public, a été l'un des architectes, avec Andy Bechtolsheim, du développement de Sun dans les serveurs x86 et de la stratégie "Systèmes" du groupe visant à fournir une offre intégrée couplant de façon étroite logiciel et matériel. C'est cette approche qui a notamment donné naissance à la ligne de serveurs de stockage Open Storage (aujourd'hui rebaptisée Sun ZFS Storage Appliance). Et qui aujourd'hui donne naissance aux Sparc T3.
128 threads dans une puce
La puce Sparc T3 succède à l'actuel UltraSparc T2+ ("Victoria Falls"), lancé fin 2008, et embarque 16 coeurs, chacun capable de traiter 8 threads en parallèle, soit un total de 128 threads par puce. Fabriquée par le taiwanais TSMC en technologie 40 nm, le Sparc T3 est cadencé à 1,65 GHz et consomme entre 75 et 139 W, selon le nombre de coeurs et de threads activés.
Dans la tradition des processeurs UltraSparc multithreadés, la puce Sparc T3 relève plus du "system on a chip" que du processeur traditionnel. La puce incorpore ainsi ses 16 coeurs et leurs caches associés (24 Ko de cache de niveau 1 par coeur et 6 Mo de cache de niveau 2 partagé), deux contrôleurs mémoire DDR3, deux contrôleurs 10 Gigabit Ethernet et un contrôleur PCI-Express (supportant deux slots 8x). Elle embarque aussi 16 co-processeurs cryptographiques (un par coeur) ainsi que les contrôleurs de bus nécessaires pour interconnecter jusqu'à 4 puces en mode "glueless" (c'est à dire sans composant additionnel pour la gestion de la cohérence de cache et des échanges entre puces) dans un même système.
L'une des bonnes nouvelles de l'annonce par Oracle des serveurs T3 est le respect de la roadmap présentée après le rachat de Sun. Oracle a en effet tenu son calendrier sans revoir à la baisse les spécifications du Sparc T3 (par exemple, la fréquence d'horloge est au niveau attendu). Une autre bonne nouvelle est que le T3 sera présent dans l'ensemble de l'offre d'entrée-milieu de gamme de la firme qui, après deux ans sur le marché, commençait à avoir besoin d'un sérieux rafraichissement. Oracle a ainsi annoncé son intention de décliner la puce Sparc T3 dans trois serveurs éponymes, les Sparc T3-1, Sparc T3-2 et Sparc T3-4 (chaque suffixe correspondant au nombre de puces installées dans la machine). Oracle a également prévu une lame mono-socket pour son châssis Blade 6000, la Sparc T3-1B.
Trois serveurs du mono au quadri-sockets
L'entrée de gamme de la nouvelle famille T3, le Sparc T3-1 est un serveur rack 2U mono-socket qui offre 16 emplacements pour barrettes mémoire DIMM DDR-3. Selon le châssis sélectionné, la machine dispose de 8 emplacements pour disques durs 3,5 pouces ou de 16 emplacements pour disques 2,5 pouces, en face avant. Côté connectique, Oracle a prévu en standard 4 ports Gigabit Ethernet (pilotés par la puce "Kawela" 82576 d'Intel) qu'il est possible de compléter en installant une carte mezzanine incluant 2 ports 10 Gigabit (ceux pilotés directement par la puce Sparc T3). Le serveur dispose aussi de 4 slots PCI-express 2.0.
Le Sparc T3-4, nouveau fleuron des serveurs Sparc multithreadés d'Oracle |
En milieu de gamme, le Sparc T3-2 embarque 2 processeurs Sparc T3 et 32 slots mémoire DDR-3 dans un format rack 3U. Du fait de l'espace occupé par cette électronique, le nombre de disques durs est réduit à un maximum de six disques SAS de 2,5 pouces. La connectique réseau est identique à celle du Sparc T3-1 mais les capacités d'extension de la machine sont nettement supérieures. Le Sparc T3-2 dispose ainsi de 8 emplacements pour cartes PCI-express 8x et de 2 emplacements pour cartes PCI-e 2x. Tous ces ports peuvent par exemple accueillir la carte PCI-e Flash d'Oracle (la Flash Accelerator F20 ) ou toute autre carte Infiniband, Fibre-Channel, ...etc. jugée utile par l'administrateur. Sun a d'ailleurs vu large pour l'alimentation électrique puisque le Sparc T4 dispose de deux alimentations redondantes de 2000W.
Le fleuron de la nouvelle gamme Sparc T3, le Sparc T3-4 ressemble furieusement à un petit châssis lames 5U dont le fond de panier servirait à interconnecter les différentes éléments, en l'occurrence une rangée de quatre blocs d'alimentation redondants (2+2) en bas du châssis, un étage de disques durs et d'emplacements d'extension ensuite, puis deux modules serveurs bi-processeurs, agrégés en un seul et même système via le fond de panier. Selon Oracle, l'ensemble peut accueillir un maximum de 4 puces Sparc T3, de 512 Go de mémoire vive ainsi que 8 connecteurs d'extension PCI-express 8x. Là encore, 4 ports Gigabit sont présents en standard avec, en option, le support de deux ports 10 Gigabit via carte mezzanine
Tous les systèmes de la gamme Sparc T3 sont fournis en standard avec le nouvel hyperviseur Oracle VM Server 2.0 for Sparc (ex LDOM) capable de supporter jusqu'à 128 machines virtuelles sur un seul serveur (ce qui, sur le Sparc T3-1, signifie une granularité pouvant atteindre le niveau du thread). Tous supportent Solaris 10 (dans sa version 10/09).
Des benchmarks très spécieux qui rendent les comparaisons hasardeuses
Côté performances, les mesures fournies par Oracle sont pour le moins inhabituelles puisque les principaux tests publiés par le constructeur ont été menés avec les propres logiciels et progiciels de la firme (inutile de chercher un SPECCPU ou un SPECJbb). Exception faite du test du Sparc T3-4 au benchmark SPECjEntreprise2010 où une configuration à base de T3 et de Sparc M3000 dans un rack de 16U affiche un score de 9,4 millions d'EjOPS, contre 7,1 millions d'EjOPS pour une configuration à base de Power 750 et BlaceCenter PS702 dans un rack de 37 U. La comparaison est toutefois faussée par le fait qu'IBM a utilisé une baie de disques DS4800 pour le test, avec de multiples tiroirs de disques (pour un total de 22 U), alors qu'Oracle n'a utilisé que deux baies Sun Storage 6180 (pour un total de 6U).
Un autre benchmark mis en avant par la firme est encore plus fallacieux. Sun y explique qu'un Sparc T3-2 est une excellente machine de consolidation pour les applications transactionnelles. Un Sparc T2 affiche ainsi 132 000 transactions par minute quand un serveur Xeon n'affiche que 4600 transactions. Sauf que le premier est virtualisé et fait tourner 30 instances de l'application - ce qui le sature à 80% - alors que le second ne fait tourner qu'une instance - avec 10% de saturation CPU. Pire, la base de comparaison retenue par Oracle est un bi-processeur Xeon 5450, soit un processeur x64 dépassé qui a déjà été supplanté par deux générations de puces Intel. Si cette machine était virtualisée et que les paramètres du test étaient plus fair-play (il faudrait comparer au moins 3 serveurs Xeon au Sparc T3-2, et ses périphériques de stockage, pour établir une base de comparaison juste, en termes d'espace occupé et de consommation), les serveurs Xeon 5450 ne seraient sans doute que 20 à 25% derrière le Sparc T3-2. Or la génération la plus récente de Xeon, les 5600, (ou son équivalent chez AMD, les Opteron 6100) est au moins deux fois plus rapide que les Xeon 5400 pour les applications transactionnelles...
Reste qu'avec son hyperviseur intégré (alors que le coût de l'hyperviseur est non négligeable sur plates-formes x86), sa licence Solaris incorporée et la force habituelle que confère à un système une étroite intégration entre OS et matériel, la ligne Sparc T3 a une carte à jouer. A condition toutefois qu'Oracle reste raisonnable en matière tarifaire. Ce dernier point reste à ce jour un mystère, la firme n'ayant pas communiqué sur le prix des nouvelles machines. C'est sur ce genre de détails (benchmarks et prix) que l'on en vient à regretter la transparence de feu Sun...
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