Les 100 premiers éditeurs européens pèsent seulement 2/3 de Microsoft

Une certaine résistance pendant la crise, mais un dynamisme moindre que les éditeurs américains. Emmené par SAP, Sage et Dassault Systèmes, le top 100 des éditeurs européens révèle la stabilité, mais aussi les limites de l'édition européenne.

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Une année solide, mais sans plus. En 2009, les 100 premiers éditeurs européens, recensés par la société de capital-risque Truffle Capital, en collaboration avec les analystes de CXP et le cabinet d'études IDC, ont généré ensemble un chiffre d'affaires de 27,1 milliards d'euros (sur leurs activités purement liées au logiciel). Soit une croissance d'environ 8 % pour 2009. Pas si mal pour une année de crise, même si l'on reste loin des progressions de Microsoft et d'Oracle, auxquelles Truffle fait référence pour illustrer le décalage entre les industries du logiciel européenne et nord-américaine. Le Truffle 100, regroupant donc les 100 premiers Européens, représente ainsi un peu moins de 2/3 de Microsoft. Et l'écart avec le premier éditeur mondial s'est même creusé entre 2008 et 2009.

truffle2"Cette croissance est plutôt décevante, juge Bernard-Louis Roques, associé et co-fondateur de Truffle Capital. D'autant qu'on sort d'une année 2008 déjà peu brillante (voir ci-contre) et que le crû 2009 n'a pas été marqué par le rachat d'un éditeur européen par un concurrent américain (ce qui aurait mécaniquement amputé le Truffle 100, NDLR). Dans cette industrie, on devrait avoir des croissances à deux chiffres." Au contraire, le Truffle 100 est même artificiellement gonflé par le rachat de l'Américain Interwoven par l'Anglais Autonomy, ce dernier faisant plus que doubler de taille entre 2008 et 2009. L'éditeur anglais est désormais 5ème du classement, derrière un quatuor de tête inchangé (SAP, Sage, Dassault Systèmes et Software AG). 47 sociétés affichent un chiffre d'affaires supérieur à 100 millions d'euros.

54 000 personnes dans la R&D

"Les chiffres de l'investissement R&D sont nettement plus satisfaisants : globalement, le top 100 européen investit en recherche et développement plus que ses profits", note Bernard-Louis Roques. Avec 3,8 milliards d'euros dépensés sur l'année (+ 5,1 %), le Truffle 100 emploie plus de 54 000 personnes (+ 2 000 en un an) dans les métiers de la recherche et du développement, dont plus de 7 700 proviennent d'éditeurs français. Reste que ce chiffre cache les délocalisations auxquelles recourent les éditeurs européens. Ainsi, sur l'année 2008, les investissements ont reculé de 2,5 % alors que les équipes R&D des éditeurs progressaient de plus de 10 000 personnes. "Nous n'avons pas assez de métriques fiables sur ce sujet, explique le co-fondateur de Truffle Capital. Tout juste sait-on, par sondage, qu'environ 2/3 des éditeurs ne souhaitaient pas délocaliser leur R&D en 2010."

En réalité, le principal motif d'inquiétude de Bernard-Louis Roques provient de l'environnement réglementaire : "dans l'Union, du fait de la transition à la tête de la Commission, l'effort s'est relâché. C'est un peu malheureux". Interrogée dans le cadre du Truffle 100, Neelie Kroes, la nouvelle commissaire à la Société de l'information, explique militer pour un renforcement des dépenses européennes en faveur de la R&D en IT. Tout en  modérant immédiatement ses propos ("les bonnes réponses ne sont pas toujours une question d'argent"). Et en expliquant s'en remettre aux états membres pour la mise en place d'un Small Business Act sur le continent, du nom de cette législation américaine réservant une partie de l'achat public aux PME. Cette mesure reste attendue par 21 % des éditeurs européens, loin derrière toutefois les avantages fiscaux liés aux dépenses de R&D (réclamés par plus d'un éditeur sur deux).

Crédit impôt recherche : coup de rabot sans discernement ?

Un mécanisme que connaissent bien les sociétés françaises avec le Crédit impôt recherche (CIR). Mais, coûtant environ 4 milliards par an, ce dernier est désormais dans le collimateur du gouvernement, dans le cadre de son programme de lutte contre les déficits publics. "On n'est pas en train de faire la bonne réforme, estime Bernard-Louis Roques, qui craint de voir les PME pénalisées par le coup de rabot sur le CIR. Alors que la mesure s'apprête à faire tâche d'huile en Europe - un domaine où la France était pionnière -, le gouvernement est en passe de dénaturer le dispositif."

En complément :

- Top 100 des éditeurs européens : malgré les prédateurs américains, la croissance est au rendez-vous en 2008 (Truffle100, édition 2009)

France : des éditeurs qui peinent à s'internationaliser

Avec un peu plus de 3 milliards d'euros générés (11,4 % du total), l'édition hexagonale arrive à la troisième place sur le continent. Mais elle reste quatre fois plus petite que son homologue allemande (il est vrai  dopée par le seul réel mastodonte européen, SAP), et ne pèse qu'environ la moitié de sa rivale d'outre-Manche (Sage, Autonomy, Misys, Micro Focus...).

Côté français, derrière Dassault Systèmes (3ème), trois éditeurs figurent dans les vingt premiers (Axway, Murex et Cegid). Derrière, les rangs se font plus clairsemés. "Les éditeurs français n'ont en général pas les moyens de franchir l'étape de l'internationalisation, par exemple en rachetant un concurrent aux Etats-Unis. Ils n'ont pas profité du dollar faible", commente Bernard-Louis Roques, co-fondateur de la société de capital-risque Truffle Venture, à l'origine du classement des 100 premiers éditeurs européens. Sopra/Axway (13ème) échappe certes à cette réalité, mais l'arrêt du projet de séparation de l'activité logicielle de la SSII sur fond de querelle d'actionnaires fait planer un doute sur le développement futur d'Axway. L'édition française compte au total 22 noms dans les 100 premiers.

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