Windows et ARM, une alliance qui va plus loin que la mobilité
C’est officiel : Windows supportera dans sa prochaine évolution les architectures ARM, donnant à Microsoft un coup de fouet sur les segments de la mobilité et de l’embarqué, des smartphones, tablettes et ordinateurs portables. Toutefois, Microsoft pourrait bien voir plus loin et anticiper la montée progressive d’ARM sur les serveurs et dans les datacenters dont la problématique n°1 reste la consommation énergétique. Le point fort d’ARM.
Enfin ! C’est la première réaction qui surgit à l’annonce officielle par Steve Ballmer du portage de Windows sur les architectures de processeurs ARM. Mettant ainsi un terme à plusieurs semaines de rumeurs qui dès le 22 décembre dernier laissaient entendre une éventuelle annonce lors du CES (Consumer Electronics Show) de Las Vegas.
Si les rumeurs avaient à l'époque suscité l’émoi chez les observateurs du marché, le couple ARM / Microsoft ne date pas d’aujourd’hui. L’architecture de la société anglaise est en effet supportée par les OS Windows Phone, Windows Embedded et Windows Automotive, notamment. D’ailleurs, en juillet dernier, Redmond, sans donner le moindre détail, avait aussi annoncé avoir souscrit une nouvelle licence Arm. Un éventuel support de l’architecture par Windows avait alors naturellement été envisagé par plusieurs analystes, comme nous l’évoquions à l’époque.
Concrètement aujourd’hui, le patron de Microsoft a officiellement annoncé que le successeur de Windows 7, appelons le Windows 8, ne se limitera pas aux architectures x86, comme l’OS le fait depuis les débuts du PC avec son meilleur ami Intel notamment, mais supportera également des architectures dites SoC (System on a chip) et plus particulièrement celles d'ARM. Rappelons qu'ARM est un acteur “fabless” du monde des processeurs, né en 1990 des travaux commun d'Acorn et Apple sur l'architecture ARM6 (qui motorisera les premiers Newton). La firme développe des architectures CPU et vend des licences de ces architectures à des constructeurs qui fabriquent eux-mêmes les puces.
A l’occasion de son discours, Steve Ballmer a indiqué que le support des architectures ARM était une “une évolution de Windows vers d’autre plates-formes” et “une façon pour l’OS de supporter une nouvelle classe de matériels et de partenaires”. Le CES étant la messe de l'informatique grand public, c’est naturellement vers le marché des tablettes, des smartphones et des ordinateurs portables que les regards se sont tournés.
Il faut dire qu' ARM reste aujourd’hui l’architecture de référence dans les terminaux mobiles et les tablettes tactiles, comme l’iPad. Les puces ARM développées par Qualcomm (avec son processeur Snapdragon), Nvidia (Tegra), Texas Instruments (Omap 4), Freescale, ST Micro ou Samsung équipent aujourd’hui la plupart des smartphones. Côté OS, Google et Apple avaient déjà montré le chemin à suivre en taillant leurs OS respectifs pour ARM. Linux supporte depuis longtemps cette même architecture.
“Depuis 5 ans, Microsoft fait tout ce qui peut pour ne pas aller sur ARM” explique Laurent Julliard, directeur du groupe de travail EmSoc du pôle de compétitivité de Minalogic. Dans l’embarqué, tant visible (les smartphones et les tablettes par exemple, NDLR) qu’invisible, on assiste à une montée en puissance de l’architecture, plus adaptée que celle d'Intel. Laurent Juillard rappelle notamment les qualités d’ARM en matière d’efficacité énergétique. Un point fort qui a notamment contribué à la notoriété de ces puces dans les mondes de l’embarqué et de la mobilité.
Restait donc à régler le cas Microsoft qui a tardé à reconnaitre ces qualités en se refusant pendant longtemps à porter Windows, sans doute aussi pour ne pas fâcher son partenaire historique Intel. Pour Laurent Julliard, Redmond a finalement pu céder à une forme de pression de la part du marché et des utilisateurs. “Une pression qui a également pu être amplifiée avec l'avénement du projet Linaro”, explique-t-il. Ce projet, initié en juin 2010, réunit les principaux fondeurs ARM avec pour objectif de travailler à favoriser l’émergence de solutions mobiles Open Source.
L’arme anti-Intel dans les datacenters
Mais ça ne s’arrête pas là. Car si dans l’embarqué, la messe semble dite, souligne-t-il, ne présageant pas de grand changement, ni de forte progression de Windows (une fois Windows 8 sorti), sur le segment des serveurs, il peut en être autrement. “ARM montre son ambition sur les postes de travail et sur les serveurs d’entreprises, explique-t-il. Une version 64 bits de l'architecture ARM [baptisée ARM 11, NDLR] est en cours de développement, et clairement elle n'est pas conçue pour les smartphones”, ironise-t-il. Ainsi Microsoft pourrait bien voir plus loin et miser sur une émergence des technologies ARM sur les marché des serveurs et des datacenters. De quoi accroitre un peu plus la fâcherie avec Intel.
“Surtout, ARM et ses qualités énergétiques trouveraient facilement leur place au sein d’infrastructure destinées notamment au Iaas (Infrastructure-as-a-service) dans les datacenters, dont la problématique principale reste aujourd’hui la consommation électrique, rappelle-t-il. A performance égale, ARM consomme tout de même deux fois moins qu’Intel dans le calcul intensif.”
On assisterait alors à un chassé-croisé entre Intel et ARM. “D’un côté, Intel descend vers l’embarqué avec Atom, mais bien loin derrière Arm en matière de consommation. De l’autre ARM monte en puissance vers les serveurs avec un ratio performance / efficacité énergétique loin devant Intel”, commente Laurent Julliard. Et à ce jeu, Intel pourrait bien laisser quelques plumes.