L'Etat égyptien ordonne la coupure du trafic internet et mobile dans tout le pays
Coupée du monde. C'est ainsi qu'à pu apparaître durant quelques heures l'Egypte alors que les manifestations contre le pouvoir en place promettent d'être particulièrement soutenues et tendues en ce vendredi 29 janvier. Le gouvernement a en effet demandé aux opérateurs mobiles de suspendre leurs services dans certaines zones. L'accès à Internet a sinon été coupé, au moins fortement dégradé. Mais certains semblent avoir trouvé des parades pour continuer de communiquer avec l'extérieur du pays. De leur côté, certaines multinationales ont mis en place des solutions de repli pour garantir la continuité du service.
Contrôler l’information. C’est qui semble avoir poussé le gouvernement égyptien à couper son pays du monde en ce vendredi 29 janvier, jour où les tensions pourraient être particulièrement fortes dans les rues du Caire. Une logique en tout cas étayée par un câble diplomatique de mars 2009 diffusé ce jour par Wikileaks et qui souligne que «les blogueurs égyptiens jouent un rôle de plus en plus important dans l’élargissement du débat sur des politiques acceptables, sur la société et sur la liberté d’expression.» Selon diverses sources, la chaîne d’information continue Al Jazeera a dû changer de fréquence pour continuer d’être captée dans le pays; les serveurs DNS de la plupart des fournisseurs d’accès à Internet ont été débranchés. Sur Twitter, les conseils se multiplient sur la manière de contourner cela avec les DNS ouverts de Google ou en attaquant directement les adresses IP des frontaux de Facebook et de Twitter, ou encore en utilisant le réseau chiffré décentralisé TOR. Renesys relève en outre la coupure de nombreuses interconnexions internationales des fournisseurs d’accès Link Egypt, Vodafone/Raya, ou encore Telecom Egypt. Conséquence de cette situation : la plupart des sites Web égyptiens sont inaccessibles, y compris des sites gouvernementaux.
Les marchés financiers restent en ligne
Parmi les opérateurs télécoms figure toutefois une exception notable, le groupe Noor, qui fournit notamment la connectivité de la bourse du Caire et de grands comptes comme FedEx ou Lafarge Titan, mais aussi de banques comme la filiale locale de la Société Générale. Noor a également noué un partenariat avec Mobinil, la filiale locale de France Télécom/Orange pour la fourniture de liens GPRS/MPLS pour des distributeurs de billets automatiques.
Les connexions à Internet ne sont pas les seules perturbées. Les réseaux de téléphonie mobile sont eux aussi coupés de même que certaines lignes terrestres. Vodafone s’est d’ailleurs fendu d’un communiqué expliquant que «tous les opérateurs mobiles en Egypte ont reçu l’ordre de suspendre leurs services dans certaines zones». Un ordre qui concernerait aussi Mobinil, la filiale locale d'Orange.
Malgré ces mesures draconiennes, des affrontements seraient actuellement en cours entre des manifestants et les forces de maintien de l'ordre égyptiennes dans les principales villes du pays dont Le Caire, Alexandrie et Suez. Comme en Tunisie, les manifestants réclament la démission du pouvoir autocratique en place ainsi que la démocratisation du régime.
Pour les multinationales, protéger les salériés et assurer la continuité du service
La rédaction du MagIT a ainsi tenté en vain de joindre sur mobile des correspondants dans le pays, ainsi que le siège local de la SSII Satyam avec, à chaque fois, le même résultat : «le numéro que vous avez demandé est temporairement indisponible.» Hier encore, les appels vers les mobiles passaient correctement. Une situation qui provoque à tout le moins l’inconfort des grandes multinationales présentes en Egypte.
Satyam est installé dans le "Smart Village Cairo", un parc technologique à quelques dizaines de kilomètres du centre ville du Caire, au nord ouest. Lequel est pourtant desservi par fibre optique. Parmi ses voisins, on compte notamment HP, Intel, Oracle, SAP, Huawei, HSBC, Cisco, Xceed, ou encore Alcatel-Lucent. Chez ce dernier, un porte-parole nous a indiqué que les communications terrestres avec le site de Smart Village sont encore actives mais que la plupart des 600 collaborateurs locaux sont injoignables. Dès hier, l’équipementier avait anticipé et demandé à ceux-ci de ne pas venir au bureau aujourd’hui et de rester en lieu sûr. De son côté, la SSII Wipro, également présente dans le pays, nous précise disposer de mécanismes de renvoi de secours pour assurer la continuité de service - en cas d'injoignabilité du site égyptien, les appels sont transférés sur la France ou l'Inde - tandis qu' elle prend «toutes les mesures nécessaires pour assurer la protection de nos employés sur site.»
Mise à jour à 19h15 : selon Renesys, l'Egypte serait coupée d'Internet à 93 % alors que la tension reste très élevée dans les rues du Caire, d'Alexandrie et de Suez. Le processus de "déconnexion" du pays aurait été manuel, comme le suggère la chronologie des chutes de trafic sur les différents fournisseurs d'accès à Internet du pays.