Sogeti : les évaluations de la DRH exposées aux yeux de 300 salariés
Un email de la DRH de Sogeti fuite auprès de 300 salariés du groupe, dévoilant les niveaux de salaires, les propositions d’augmentation et les commentaires de des services des ressources humaines sur les employés. La direction générale prend des mesures et supprime les commentaires de ces procédures. Les syndicats s’interrogent sur l’accès à ces informations.
“Une maladresse interne.” C’est ainsi que le directeur général de Sogeti France, Philippe Tavernier, a qualifié l’envoi d’un email contenant un fichier d’évaluation du personnel de la DRH à quelque 298 salariés de Sogeti (une agence de l’Ouest de la France). Une bourde révélée hier 9 février 2010 par nos confrères d’Eco89 qui s’est aujourd’hui répandue comme une trainée de poudre.
Cet email, expédié par inadvertance à la mauvaise liste de diffusion par une assistante de la DRH, a transmis à certains salariés de la filiale de Capgenimi un fichier Excel renfermant dans ses sacro-saintes colonnes une liste des employés, de leur salaire, des prévisions d’augmentation et des commentaires sur les performances et les talents des salariés.
La case commentaire était notamment utilisée pour justifier les augmentations, qualifier l’attitude d’un employé, expliquer les raisons d’une absence d’augmentation ou encore démontrer que l’élément était essentiel à l’entreprise ou pour un compte. Nos confrères d’Eco89 publient des extraits de quelques commentaires : « Sorti de mission / pas mobile (arrêt maladie) / très ironique » ; « Sorti de mission / ne se remet pas en question / problème de performance » ; « Pb mobilité - relation compliquée » ou « Pb de performance et comportement ».
Les responsables du personnel y sont également étiquetés sous l’appellation « IRP » ( institutions représentatives du personnel).
Selon nos confrères, le DRH a formulé ses excuses dans la foulée dans un email, tout en tenant à rappeler que la tenue d’un tel fichier était "parfaitement licite" et donc en accord avec la Cnil.
Ce que nous confirme aujourd’hui, Philippe Tavernier, directeur général de Sogeti France. “Comme beaucoup d’entreprises, Sogeti entretient un fichier qui est mis à jour au fil de l’eau, explique-t-il, un fichier qui comprend notamment les résultats des entretiens d’évaluation des salariés [...] Ce fichier a bien été déclaré à la Cnil.” Et de préciser que Sogeti est une entreprise qui dispose également d’un correspondant informatique et liberté dans ses locaux.
Les champs commentaires supprimés
Tout en soulignant qu’il n’avait pas vu de commentaires croustillants mais plutôt neutres à la suite de la publication de l’article chez Eco89, il reconnait que : “si ce fichier contenait certes des champs commentaires, seuls 19 étaient remplis et laissaient entrevoir des commentaires factuels.” Selon lui, aujourd’hui, seulement 4 salariés dont les données ont été publiées se seraient manifestés auprès de la direction.
Reste que cette histoire va tout de même créer un antécédent chez Sogeti. Tout en confirmant avoir formulé des excuses aux salariés dont les informations avaient été exposées, Philippe Tavernier affirme également à la rédaction du MagIT avoir tiré toutes les conclusions de cette affaire et pris “deux mesures à effet immédiat : la suppression pure et simple de la colonne commentaires et le chiffrement des données qui seront désormais accessibles par une clé ”.
“Quel accès pour ces données ?”
Du côté des syndicats, on estime cette maladresse presque “gaguesque mais pas choquante”, car cela s’inscrit “dans une procédure assez normalisée dans la société” (celle des entretiens d’évaluation et des augmentations de salaires). Mais ce fichier pose toutefois quelques questions capitales, soulève ainsi Ivan Béraud, secrétaire national du syndicat F3C CFDT. “Quel est le contrôle de la Cnil et de quel accès à ce fichier les salariés disposent-ils ?”, s’interroge-t-il tout en soulignant que ce fichier a permis de révéler à tout le monde les écarts de salaires entre employés. Un élément “généralement très opaque, tout comme les critères d’augmentation”, qui, aujourd’hui étalés aux yeux de tous, pourraient “mettre le feu à la boutique”, commente-t-il. “Reste à savoir comment vont vivre cette histoire les 300 employés” concernés. S’il ne remet pas en cause la légalité du fichier, il précise toutefois que cela pourrait donner des arguments à d’autres.
Philippe Tavernier explique que “quand ils le souhaitent, les salariés ont accès à leur dossier qui renferme également les comptes rendus de leurs entretiens. Ils n’ont en revanche pas accès à la totalité des données du fichier qui renferment des informations propres à l’entreprise”.
Moins nuancé, Alain Bénard, secrétaire national d’Alliance Sociale, "tout en n’étant pas surpris", estime de son côté que ce fichier a “tout d’illicite”, contre-disant la direction et la DRH de Sogeti. Et d'affirmer projeter de “porter l’affaire devant les tribunaux”.