Le CeBIT s’ouvre sur fond d’industrie européenne du logiciel à l’ombre des nuages
Placée sous le signe du Cloud Computing, cette édition 2011 de la grand messe européenne de l’informatique s’est ouverte ce lundi 28 février sur les discours de Samuel Palmisano, PDG d’IBM, et d’August-Wilhelm Scheer, président du Bitkom, équivalent allemand de Syntec, notamment. Si le premier est longuement revenu sur les évolutions d’une industrie née au siècle dernier et qui prétend désormais rivaliser avec le cerveau humain, le second a plaidé de manière appuyée en faveur d’une initiative allemande sinon européenne pour l’édition logicielle.
«Travailler et vivre dans le nuage.» C’est le thème de l’édition 2011 du CeBIT, la grand messe européenne de l’informatique professionnelle qui a été officiellement ouverte ce lundi 28 février au soir par la chancelière Angela Merkel et le premier ministre turque Recep Tayyip Erdogan, suivi de Samuel Palmisano, PDG d’IBM, et d’August-Wilhelm Scheer, président du Bitkom.
Fort du récent succès de Watson, l’ordinateur qui a remporté, mi-février, le jeu télévisé américain Jeopardy, le patron d’IBM est revenu sur la brève histoire d’une industrie qu’il décrit tour à tour comme «exaltante», «inquiétante» ou encore «motivante» et «épuisante.» Une industrie qui, au fil de ses diverses évolutions a «créé les outils et le savoir-faire qui changent littéralement la manière dont le monde fonctionne ». Et après l’invention d’Internet, cette industrie IT prépare une nouvelle phase, selon Palmisano, une période de mobilité et d’instrumentation diffuse - RFID, capteurs, etc. - appliquée tant à des systèmes créés par l’homme qu’à des systèmes naturels. Et, pour lui, «la planète n’est pas seulement instrumentée, elle est interconnectée». Et de renvoyer ainsi à «l’Internet des objets». Reste un double défi : celui du stockage et du traitement des volumes de données numériques aujourd’hui produits. C’est là que Watson revient sur scène, Samuel Palmisano indiquait que «nous travaillons aux applications de la technologie de Watson pour la santé, la banque, et plus encore ». Dans le domaine de la santé, le patron d’IBM imagine d’ailleurs l’utilisation de ses technologies pour «l’analyse de maladies extrêmement complexes comme le cancer ». D’où un partenariat avec le centre allemand de recherche sur le cancer à Heidelberg.
Plus loin, Samuel Palmisano évoque trois défis que devra relever, selon lui, l’industrie IT : «nous devons avoir des standards, et ils doivent être ouverts [...] Nous devons prendre conscience des implications de notre travail» - et d’évoquer là les questions de respect de la vie privée et de la sécurité des données; «enfin, nous allons avoir besoin d’un nouveau modèle de leadership». Pour le patron d’IBM, «notre vision traditionnelle du leader, quelqu’un de doté d’une vue surhumaine et qui voit le futur [...] franchement, c’est le modèle de leadership standard de notre industrie aujourd’hui [...] ce modèle ne semble plus approprié ». Et d’égratigner au passage «une presse qui cultive» «le culte de la personnalité» dans l’industrie, dans une référence que certains ne trouveront qu’à peine voilée à la couverture médiatique réservée notamment à un certain Steve Jobs.
Quoiqu’il en soit, selon Palmisano, «le monde va continuer de devenir plus petit, plus plat, et plus intelligent. Nous entrons dans l’ère d’une économie, d’une société et d’une planète intelligentes et globalement intégrées. Et c’est le destin de l’industrie IT que de s’en saisir ».
Le risque d'une Europe à la traine ?
Justement, ce qui peut sembler comme quasiment évident de l’autre côté de l’Atlantique, en particulier sur la Côte Ouest, ne l’est peut-être pas autant sur le Vieux continent. Et c’est August-Wilhelm Scheer, président du Bitkom, l’équivalent allemand du Syntec, qui se charge de le souligner. Selon lui, l’industrie IT - et notamment en Allemagne - a bien réussi à se remettre de la crise, avec 145 Md€ de CA domestique et 50 Md€ d’exportations. De quoi faire des industries de l’IT et des communications «le second plus gros employeur allemand» : selon lui, 850 000 personnes «sont employées dans le secteur représenté par le Bitkom», avec 4 millions d’emplois indirects. Mais voilà : «il n’y a que deux facteurs qui pourraient limiter notre croissance - la disponibilité des cerveaux et la politique ». Pour le premier, le patron du Bitkom évoque un sérieux déficit : «28 000 postes vacants ne peuvent être comblés.» C’est là que le politique entre en scène, notamment dans la formation des étudiants. Et d’évoquer un «Software Campus» mis en place dans cet esprit avec le ministère fédéral de l’éducation et de la recherche. Ou encore la création de trois centres d’excellence pour la sécurité informatique dans des universités du pays.
Mais pour August-Wilhelm Scheer, il doit dépasser le stade fédéral et passer au national, voire mieux : à l’échelle européenne avec «une initiative européenne du logiciel». Pour mieux souligner l’importance des technologies de l’information et de la communication dans le monde moderne, le patron du Bitkom renvoie à la récente révolution égyptienne : «face à ces effets positifs, les débats sur la publication de photos de façades de bâtiments sur Internet pâlissent d’insignifiance.»
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