Tablettes tactiles : les projets en entreprise commencent à émerger
La conférence Tablet In Enterprise, qui s’est déroulée le jeudi 31 mars, a dévoilé des pilotes d’intégration de tablettes tactiles dans les entreprises. A destination des forces de ventes comme outil promotionnel ou encore pour les hommes de terrain, en version durcie avec stylet, la tablette essaie de frayer un chemin vers le SI, mais souffre parfois d’une approche trop grand public, cible pour laquelle elle a été conçue à l’origine.
Il est un constat évident : les tablettes sont promises à un avenir radieux sur le segment du grand public. Les analystes sont unanimes et le Gartner estime à 19 millions les ventes d’ardoises tactiles en 2010 avant de prédire un gros 200 millions en 2014. Le très éclairé cabinet a déjà du revoirà la hausse l’impact de ces terminaux sur les dépenses IT mondiales. En 2011, les tablettes tactiles péseront trois fois plus qu’en 2010, à 29,4 milliards de dollars. D’ici 2015, Gartner estime que ce segment devrait progresser de plus de 50% par an. Mais de cette important gâteau, quelle sera la part réservée aux entreprises? Le segment professionnel y trouvera-t-il ses usages ? A l’unanimité, les intervenants de la conférence Tablet In Enterprise, qui s’est déroulée hier jeudi 31 mars, ont répondu par la positive, estimant que ces ardoises ont bien la capacité à répondre à des besoins d‘entreprises, même si, pour l’heure, on parle principalement tests et pilotes.
Et force est de reconnaître que certains projets , présentés lors de l’événement, ont de quoi convaincre. A l’image de celui mené par la société Nature & Découvertes, spécialiste des produits domestiques, qui a décidé d’équiper les vendeurs de ses magasins de ces fameuses tablettes, transformées pour l'occasion en terminaux d’encaissement. Via la tablette, les vendeurs peuvent informer les clients et également procéder à des pré-encaissements. Si c’est bien l’aspect relation client et l’amélioration de l’image du groupe qui ont motivé cette décision, Marie-Claude Poelman-Fargeot, DSI du groupe, parle également d’un choix financier : “il s’agissait de palier à la saisonnalité de notre chiffre d’affaire, et avec les tablettes on peut diminuer l’implémentation de matériel supplémentaire”, souligne-t-elle, tout en mettant en avant le côté séduction auprès de ses vendeurs, “dont certains font partie des Digital Natives”.
Relation clients toujours chez Natixis, qui commercialise des solutions bancaires et financières, qui via sa cellule d’innovation, a également entrepris de tester l’implémentation de tablettes pour se rapprocher de ses clients. La tablette est alors intégré au “parcours commercial, à la préparation de rendez-vous, à la relation, à la prise de note, au compte rendu et à sa diffusion”, commente Oliver Laborde directeur marketing et innovation du groupe. “Un effet "waouh !", apprécié de la force commerciale et des clients”, lance-t-il enfin.
Les laboratoires pharmaceutiques Roche sont actuellement en train d'évaluer - le groupe finalise actuellement les spécifications - un projet visant à équiper d’iPad 10 000 attachés scientifiques mondiaux, des représentants du groupe en permanence sur le terrain . “Ils n’utilisaient pas leur ordinateur de manière optimale, principalement à cause du poids et de l’autonomie. Les barrières d’adoption d’ une solution électronique ont été levées grâce aux tablettes, raconte Antonio Da Silva, Information Manager du groupe. Auparavant, les attachés devaient se connecter au CRM depuis leur PC, ce qui représentait un travail contraignant. Aujourd’hui, ils peuvent le faire sur la route, en nomadisme. […]”.
“D’abord les cols blancs”
Autre constat réalisé sur l’événement, l’introduction des tablettes dans le monde de l’entreprise est liée à une pression du management et des utilisateurs, comme l’indiquait Louis Jouanny, DG de Endeavor et organisateur de la conférence. Outre les Digital Natives, c’est également par la porte de la direction qu’entrent les tablettes. Marie-Claude Poelman-Fargeot explique que le projet de Nature & Découvertes a notamment été initié par “un nouveau dirigeant, très habitué au tablettes qui souhaitait du matériel innovant”. Même son de cloche pour Olivier Laborde qui explique également que son projet est venu “par le haut”. Un peu à l’image du Blackberry qui a été propulsé dans les entreprises sous l’impulsion des équipes de direction, soulignait encore Louis Jouanny.
“Aujourd’hui, lorsqu’il y a projet, ça commence surtout par les cols blancs, constatent de concert deux représentants - qui ont souhaité gardé l’anonymat - d’un grand groupe français du domaine de l’énergie. Du côté des cols bleue, on commence à se poser des questions et on observe la façon dont les tablettes peuvent aider. Un début d’émergence”, donc concluent-ils, qui s’inscrit notamment “dans la continuité de l’implémentation de la mobilité”. Ainsi, l’un des moteurs de l’adoption de la tablette en entreprise est notamment la taille de l’écran dont le format plus large que celui d’un smartphone doit permettre une meilleure visualisation des données. “Les utilisateurs frustrés par le smartphone seront séduits par la taille de la tablette”, ajoutent-ils.
Tablet PC, tablettes durcies et stylet
Si les iPad et autres tablettes très tendance Android et Microsoft sont bien le centre des débats et semblent être au coeur des usages, la tablette durcie et le très ancien tablet PC étaient également de la partie. Quitte, parfois, à semer un peu le doute quant au périmètre véritable de la tablette tactile et de son segment de marché. La société Socotec, spécialisé dans la maîtrise des risques, la sécurité des personnes et l’optimisation des performances, a ainsi équipé ses hommes de terrain se rendant sur les installations à contrôler (comme les ascenseurs) de …tablet PC sous Windows XP.
Présent lors de l’événement, la société Script&Go, créée en 2005 - bien avant l’ère des iPad - éditrice d’applications métiers industrielles, présentait ainsi des tablettes durcies dotées de stylet, embarquant des applications à destination des mondes du bâtiment, du manufacturing, des télécoms et de l’énergie. “La tablette devient l’outil de travail des hommes de terrain et remplace la version papier généralement utilisée pour faire des annotations ou réaliser des schémas. Tout est reproduit sur la tablette. L’utilisateur fait exactement les mêmes gestes sur la tablette que sur le papier, avec le stylet”, commente Olivia Trotel, chargé de communication de la société. Bref, un usage qui n’est pas neuf, mais qui repositionne ce modèle de terminaux sur le devant du marché.
Le piège iTunes
Si globalement, Tablet In Enterprise était orienté vers les tablettes en général, l’iPad demeure l’objet icône du secteur - en dépit de l’absence d’Apple à l’événement. Ecartant quelque peu Android, qui pour le coup, serait plutôt réservé au segment du grand-public. Surtout, la conférence a été le témoin de la montée en puissance de Microsoft et ses tablettes Windows 7 qui semblent naturellement devoir trouver leur place dans le monde de l’entreprise. L’intégration au SI et aux autres technologies du groupe est bien sûr le point fort de Redmond.
Illustration de cette séparation des genres, le constructeur Acer a préféré placer Windows 7 dans ces tablettes hybrides (écran tactile détachable, associé à un dock clavier), davantage approprié aux entreprises, nous rappelle un représentant du groupe. Et Android pour le reste de son offre.
Aussi présent soit-il, l’iPad suscite toutefois certaines interrogations. Son principal inconvénient : l’indéboulonnable iTunes qui représente le passage obligé en matière d’applications. C’est notamment le sentiment d’Olivier Laborde de Natixis, pour qui le magasin applicatif de la Pomme constitue “une des plus importantes contraintes” pour les entreprises. “iTunes n’existe pas dans le catalogue applicatif de l’entreprise, un monde où les ports internet sont bloqués en partie” . Le groupe bancaire a contourné le mécanisme trop lourd et hermétique d’Apple en imaginant “un dispositif d’envoi de documents par messagerie et pas via iTunes. […] Pensé pour le grand public, le modèle Apple et iPad semble difficilement adapté à un environnement professionnel”.