Avec le retour de la croissance, Infosys souffre de celui de l'attrition
La sortie de crise montre son double visage avec les résultats trimestriels d’Infosys, inférieurs aux attentes et accompagnés de signaux qui traduisent bien les difficultés des SSII indiennes pour lesquelles croissance rime encore largement avec recrutements et, leur corollaire, attrition. Un duo qui pèse et devrait encore peser sur la rentabilité d’une entreprise qui prévoit plus de 30 000 recrutements cette année.
Le numéro 3 des SSII indiennes ne se porte pas aussi bien qu’il le souhaiterait. Infosys vient de déclarer un chiffre d’affaires de 1,6 Md$ pour le premier trimestre 2011, soit 1,07 % de mieux qu’au trimestre précédent, mais une progression de plus de 23 % sur un an. Un dernier chiffre qui rendrait envieuse n’importe quelle SSII occidentale mais qui doit être mis en perspective avec les progressions annuelles enregistrées au cours des deux trimestres précédents, bien plus proches des 30 % que des 20 %. Et alors que même que le numéro 1 du secteur, TCS, a réussi à dépasser la barre des 30 % de croissance sur un an aux premier, troisième et quatrième trimestres 2010...
La même tendance s’observe du côté du bénéfice net qui, à 402 M$ pour le premier trimestre 2010, ne progresse que de 1,26 % par rapport au trimestre précédent, et de 15 % sur un an. Contre environ 18 % pour les deux trimestres précédents. Bref, Infosys semble peiner à maintenir son effort pour profiter de la reprise. Et la SSII n’envisage pas l’avenir immédiat sous de meilleurs auspices : pour le trimestre en cours, Infosys prévoit un chiffre d’affaires compris entre 1,64 et 1,66 Md$, assorti d’un bénéfice net en progression de 8,8 à 10,5 % sur un an.
Le revers de la croissance
Infosys semble paradoxalement faire les frais du retour de la croissance. De fait, celui-ci s’est principalement traduit par la reprise de la course aux embauches par des SSII qui n’ont pas encore réussi à se transformer pour sortir de leur traditionnel modèle de croissance linéaire. Infosys prévoit ainsi de recruter 32 000 personnes au cours de son exercice fiscal 2011-2012, entamé le 1er avril, contre 43 120 au cours de son exercice précédent. Des recrutements qui, au cours de l’exercice 2010-2011, ne se sont traduits in fine que par une progression d’environ 17 000 personnes des effectifs - pour un total de 130 820 au 31 mars 2011. La parfaite illustration des difficultés que rencontrent les SSII indiennes pour lutter contre l’attrition. Chez Infosys, elle est remontée à un niveau record : 17 % au 31 mars 2011, contre 13,4 % un an plus tôt. Et c’est sans compter un taux d’utilisation qui reste bas : 72 % au 31 mars 2011, contre 68,1 % un an plus tôt, recrues en formation incluses. A titre d’exemple, pour retenir ses salariés, Cognizant a récemment indiqué prévoir des bonus annuels susceptibles d’atteindre 200 % pour certains de ses collaborateurs. Au final, les tarifs horaires de certaines prestations offshore pourraient, sous l’effet de cette pression inflationniste, progresser de 5 % cette année.
Chaises musicales
En attendant, ce sont les directions des SSII indiennes qui font les frais, les premières, de cette conjoncture. Après Wipro, fin janvier, c’est au tour d’Infosys d’annoncer la réorganisation de son exécutif. La rumeur d’une réorganisation courait depuis le début du mois de février. Dans l’immédiat, Mohandas Pai a décidé de quitter le conseil d’administration de la SSII le 11 juin prochain. A ce départ s’ajoutera celui, déjà programmé, de K. Dinesh, co-fondateur d’Infosys mais également l’abandon de la présidence du conseil d’administration par Narayana Murthy. Précédemment, Nandan Nilekani, co-fondateur de la SSII, avait quitté ses fonctions pour diriger le projet de carte d’identité numérique du pays. Peut-être Infosys amorce-t-il là sa transformation, longtemps cherchée mais avortée notamment lorsque HCL lui a soufflé le britannique Axon à l’automne 2008.