Ares sanctionné par l’AMF pour avoir tronqué son information financière
La Commission des sanctions de l’AMF vient de sanctionner Ares et son pdg pour son information défaillante des actionnaires. Son responsable du contrôle de gestion est également épinglé pour l’équivalent d’un délit d’initié.
Ares revient au centre de l’actualité pour ses libertés passées en matière d’information des actionnaires. La Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (AMF) vient en effet de rendre publique une décision du 31 mars condamnant Ares, son ex-PDG et son ex-responsable du contrôle de gestion et adjoint du directeur financier à des amendes respectivement de 30.000 €, 20.000 € et 40.000 €. Soit une somme cumulée de 90.000 €. Les noms d’Ares et de ses dirigeants sont anonymisés dans le document de l’AMF mais les informations qu’il contient permettent de les identifier.
L’AMF reproche à Ares et à son PDG un manquement à leur obligation d’information du public. Il leur est également reproché d’avoir tardé à communiquer l’existence de la perte opérationnelle de l’exercice 2007-2008. Quant au responsable du contrôle de gestion, il est convaincu de « manquement d’initié » (équivalent pénal de délit d’initié) pour avoir tiré un avantage estimé à 20.500 € de la vente d’actions entre le 3 juin et le 11 juillet 2008 alors qu’il était en possession d’une information relative à la perte de 19 M€ prévue pour l’exercice qui n’a été annoncée au marché que le 11 juillet.
Ces manquements à l’obligation d’information ont été mis en évidence au moins à deux reprises : lors de l’actualisation du document de référence le 12 octobre 2007 et lors de la diffusion du communiqué du 18 décembre 2007 relatif aux résultats du 1er semestre de l’exercice 2007/2008. Pour rappel, alors que dans son document de référence du 30 juillet, la société anticipait un chiffre d’affaires de 400 M€ pour l’exercice et un un retour à un résultat net positif. Un exercice qui s’est soldé par un chiffre d’affaires de 329 M€ et par un résultat négatif réévalué par la suite à 28,9 M€.
Le 12 octobre 2007, Ares actualise son document de référence du 30 juillet dans la perspective de l’augmentation de capital de 10 M€ qu’il prépare pour la fin de l’année. Dans cette actualisation, la société annonce anticiper un chiffre d’affaires pour l’exercice de 395 M€, légèrement revu à la baisse par rapport à ses prévisions du le 30 juillet, et réitère son anticipation de retour à un résultat net positif pour l’exercice. Pourtant, un mois plus tard (le 15 novembre), la société diffusait une alerte sur résultats annonçant un chiffre d’affaires en recul de 5% par raport à ces prévisions (à 162,5 M€) et l’anticipation d’un résultat net annuel négatif.
Pour sa défense, Michel Berjamin explique qu’à cette époque, l’outil de gestion de la société n’était pas fiable et qu’il ne lui a pas permis d’anticiper une distorsion entre les prévisions faites au début de l’exercice et les résultats constatés à la clôture le 30 septembre. Seul chiffre connu, celui du chiffre d’affaires du premier trimestre, inférieur de 5 M€ par rapport aux prévisions. Mais au lieu de tenir compte de cet écart de croissance sur l’ensemble de l’exercice, ce qui aurait dû l’amener à réviser à la baisse son anticipation de chiffre d’affaires d’au moins 15 M€, la société s’est contentée de déduire ces 5 M€ de sa prévision initiale. L’AMF en conclut pour sa part que « les données prévisionnelles étaient frappées d’obsolescence, d’imprécision voire d’inexactitude s’agissant du chiffre d’affaires ».
La deuxième liberté d’Ares avec son devoir d’information, se situe le 18 décembre avec son communiqué intitulé « Redressement du résultat opérationnel ». Dans ce communiqué, la société compare les résultats du premier semestre, s’élevant alors à -4,9 M€, à ceux du premier semestre de l’exercice précédent de -7,2 M€ alors que le résultat de cet exercice était en réalité de -4,3 M€ à périmètre comparable (hors activités commodités, vendues à Inmac-WStore). Cette présentation trompeuse a donc permis à la société de prétendre que son résultat opérationnel se redressait (et de maintenir son objectif de retour à une exploitation positive pour l’exercice) alors qu’il continuait à se creuser (-14%).
Troisième acte : le 14 février 2008, dans son communiqué relatif au chiffre d’affaires des neuf premiers mois de l’exercice 2007-2008. La société dit anticiper une amélioration de la tendance de chiffre d’affaires au cours du quatrième trimestre, sans préciser que celle-ci repose exclusivement sur l’intégration dans les comptes des revenus d’Adequat et Databail rachetées fin 2007. Et la société réaffirme son objectif de résultat opérationnel positif pour l’exercice.
Ce n’est que le 14 mai 2008 que l’existence d’une perte opérationnelle pour l’exercice 2007-2008 (clos le 31 mars) est révélée. L’AMF établi pourtant que les dirigeants d’Ares « disposaient dès le début de l’année 2008 et au plus tard le 17 mars, de données de gestion fiables permettant d’anticiper de façon certaine l’impossibilité que le résultat opérationnel de cet exercice soit positif ». Dès le début du mois de décembre, le groupe chiffre ainsi le résultat opérationnel à -1,4 M€ et le résultat net à -5,6 M€. A la fin du mois de février elle chiffre la baisse des revenus à 63 M€ (soit -18%) par rapport au prévisionnel. Et au 17 mars, le directeur administratif et financier chiffre le résultat opérationnel pour les neuf premiers mois de l’année à -6 M€.
Joint au téléphone, Michel Berjamin explique n’avoir pas eu la volonté délibérée de tromper les actionnaires. « On ne me repproche pas de fausses déclarations mais d’avoir tardé à mettre à jour des prévisions obsolètes, indique-t-il. Ce n’était pas volontaire et cela doit être remis dans le contexte très difficile de la société à l’époque ». Pour autant, il ne compte pas faire appel de la décision de l’AMF.
Toutefois, on peut imaginer que les investigations de l’AMF ne s’arrêteront pas là. L’Autorité des marchés financiers aurait en effet reçu d’autres plaintes, notamment concernant la cession douteuse d’Arcole. Le dossier pour manquement d’initié pourrait également être transmis à la justice comme c’est l’usage et se transformer en délit d’initié. Enfin, cette décision de l’AMF pourrait relancer la vindicte des petits actionnaires vis-à-vis d’Ares en les incitant à s’appuyer sur la jurisprudence Gaudriot pour tenter de faire condamner les membres du conseil d’administration à les indemniser.
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