CNRS / Inria : les syndicats craignent l’affaiblissement de la recherche informatique fondamentale
L’éventualité d’un rapprochement entre l’Inria et les laboratoires étiquetés sciences de l’information du CNRS suscite l’inquiétude des syndicats de chercheurs. Qui ont peur de voir le gouvernement réduire la recherche fondamentale pour favoriser la recherche appliquée. Pas simple.
L’entretien accordée au Monde par Valérie Pécresse à la veille du conseil d’administration du CNRS censé débattre du projet de réforme de l’institution a provoqué l’ire des syndicats. "Alors même que la concertation est en cours dans l'établissement, le ministère affiche un mépris du dialogue social", explique le SGEN-CFDT. Du coup, les représentants du personnel auprès du conseil ont quitté la scéance. Sur le fond, le plan dévoilé par la ministre soulève nombre d’inquiétudes, notamment concernant les sciences de l’information.
Contrairement à la plupart des disciplines qui demeurent 100% CNRS, ces dernières – tout comme les sciences du vivant – seront copilotées par l’Inria (Institut national de recherche en informatique et automatique). Pour Pierre Girard, secrétaire général de la SGEN-CFDT-EPST et présent au conseil d’administration du CNRS, « il y a le risque de voir la dimension recherche fondamentale du CNRS disparaître au profit de la recherche appliquée ». La crainte également que cette spécificité du traitement de l’informatique ne soit en fait que la première pierre d’un plan plus vaste de démantèlement du CNRS.
Le Pdg de l'Inria en coordinateur
Il existe nombre de projets menées conjointement par le CNRS, l’Inria voire les universités, mais aucune tutelle générale n’existe pour l’heure. Hors, avec cette tutelle éventuelle, via une coordination de la recherche confiée à l’Inria, Pierre Girard estime qu’il « y a la volonté au niveau politique d’une approche utilitariste et à court terme de la recherche. Le problème, c’est de nommer le Pdg de l’Inria coordonnateur, pas de travailler entre scientifiques. Qui plus est, cette organisation aurait pu être le fruit d’un échange. Tandis que là, c’est posé a priori, ce n’est pas vraiment rassurant ».
Il est vrai que le modèle de l’Inria est spécifique dans la mesure où il favorise les partenariats forts avec de grands industriels du secteur – le plus emblématique étant celui signé avec Microsoft – et où l’institut n’hésite pas non plus, via Inria Transferts, à jouer les incubateurs de jeunes pousses. Mais les chercheurs de l’institut participent également largement à la recherche fondamentale.
Reste que, selon un fin connaisseur de la recherche en sciences de l’information, un rapprochement n’est pas pour demain. Car il serait très compliqué à mener et prendrait beaucoup de temps. Question de mentalités. S’il doit y avoir un changement, il entrevoit plutôt dans un premier temps une coordination collégiale a minima.
Pétition au CNRS
Selon Le Monde, une pétition circulerait déjà au sein du CNRS pour s’opposer à un quelconque projet qui verrait les sciences de l’information quitter le giron de l’institution scientifique. La prochaine réunion du conseil d’administration du CNRS doit se tenir le 19 juin. Normalement elle avait pour objet de décider de la réforme, mais les représentants des chercheurs ayant quitté la première réunion, le projet n'a pas pu être débattu.
En attendant le comité Sauvons la recherche et les principaux syndicats de chercheurs appellent, le 27 mai, à une marche baptisée "l’Academic Pride - la marche de tous les savoirs".